8e Sommet afro: le racisme au cœur des discussions

Sous le signe de la donnée, le 8e Sommet afro (SdeJ) tenu à l’Université de Montréal a donné lieu à des échanges musclés entre le président de SdeJ Édouard Staco et l’ancien président du Comité exécutif de la Ville de Montréal et candidat à la chefferie de Projet Montréal, Luc Raboin.
Dès l’ouverture de la cérémonie au moment des discours protocolaires et notamment lors de la présentation du sondage commandé par l’Observatoire des communautés noires et réalisé par la firme Léger, le malaise s’installait. La question du racisme au Québec était au centre des discussions.
Le ministre de la Lutte au racisme, Christopher Skeete a mis la table en faisant le bilan des actions de son gouvernement (la CAQ) dans ce domaine. Soulignant la fin (décembre 2024) d’une première Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, M. Skeete répète qu’«il y a du travail à faire et il est important qu’on le fasse ensemble ».
En 2020 , Québec se proposait de faire «bouger l’aiguille de la lutte» avec 25 actions dont 13 touchaient directement les minorités et se donnait 5 ans pour le faire. Au terme de l’échéance « les choses vont bien » se réjouit Christopher Skeete qui fait partie de la communauté noire. Il évoque pour preuve la formation d’administrateurs de la diversité destinés aux Conseils d’administration (CA) des Sociétés d’État
«On est rendu à notre seuil de 50% et plus, on est même plus de 60% des CA qui ont un membre issu de la diversité » dit-il avant d’inviter le public à postuler dabs dans le cadre du concours « Pour un Québec sans racisme ». Un concours qui vise à récompenser des individus qui luttent contre le racisme.
«Ce serait bien d’encourager les dirigeants d’entreprises qui ont combattu le racisme et pas seulement ceux qui luttent. On devrait encourager les gens à mener des actions concrètes », rétorque le président du Sommet Édouard Staco.

« Gangrénée de racistes»
Dans sa prérogative de lancer des commentaires tous azimuts lors de la cérémonie, M.Satco rapporte à l’assemblée qu’il a vécu la « rencontre la plus difficile » en 2024 avec des employés de la Ville de Montréal qui se sont confié à lui.
«Les gens m’ont raconté le racisme qu’ils vivent à la Ville. Ce que vous avez vu dans les journaux à répétition n’est pas grand-chose devant ce que j’ai entendu. De hauts cadres et des gens influents au sein de la Ville me disent que la Ville est gangrénée de racistes», lance-t-il avec un mélange d’émotion et de colère dans la voix.
«On ne peut pas accepter cela. Je sais qu’il y a des gens qui ont de l’ambition ici, là, mais, c’est inacceptable, non. J’espère que dans les élections à Montréal il y a le slogan d’une ville propre, mais on devrait avoir la propreté dans le traitement de ses propres employés aussi», ajoute Édouard Staco.

« Ciblé »
Luc Rabouin, candidat à la chefferie de PM est assis dans la rangée de dignitaires. Il écoute attentivement et se sent visé. Mais celui qui dans tous les cas va revenir au Comité exécutif comme président après la chefferie patiente jusqu’à la présentation des données du sondage Léger pour réagir.
«J’ai l’impression d’avoir été ciblé dans tes propos quelques fois, dit-il s’adressant directement à Édouard Staco, on a les données et elles sont évidemment choquantes et l’indignation doit nous amener à l’action.»
Il affirme toutefois que la Ville « en a fait des choses quand même si ce n’est pas parfait ». Montréal a reconnu qu’il y a du racisme systémique à la Ville et avait mis sur pied une ligne téléphonique pour les plaintes liées au racisme, mais n’inspire pas confiance. Afin de susciter l’engouement chez les gens, M. Rabouin rappelle qu’un organisme indépendant des services de la Ville a été créé à cet effet.
« À mon avis, comme Ville de Montréal, le premier engagement qu’on doit prendre c’est de s’assurer qu’il n’y ait pas de racisme dans la Ville comme employeur. On peut prendre un leadership là-dessus. On ne pourra pas régler tout seul la question du racisme dans la société. On doit y participer bien sûr. Je peux jouer un rôle déterminant pour aller plus. On pourra se parler », promet Luc Rabouin.
Seuls les juges?
« On est en droit d’avoir des résultats. Est-ce qu’il faut aller en justice seulement ? Va-t-on faire confiance à notre classe politique ou ce sont nos juges qui vont nous livrer les résultats ? », se demande, pour finir, Édouard Staco.
Ce 8e Sommet et ce débat se sont déroulés en présence de Ahmed Maherzi, directeur du Bureau de la responsabilité sociale de l’Université de Montréal qui a parlé du Plan d’action découlé d’un Forum citoyen le 21 avril 2021 qui vise une plus grande représentation des étudiants noirs à la faculté de médecine de l’UdeM.
Michaelle Jean, l’ancienne gouverneure générale du Canada. «Je trouve qu’il y a là une vibration très , très forte qui dit que chaque fois nous sommes réunis comme maintenant, ce n’est pas un événement, ce n’est pas un moment, mais c’est un mouvement», a-t-elle dit pour l’occasion.
Les députés Sherley Dorismond de la CAQ, Andres Fontecilla de Québec solidaire, Madwa-Nika Cadet et Frantz Benkjamin du Parti libéral du Québec, le conseiller de Ville Josué Corvil ainsi que le candidat à la chefferie de PM Guédwig Bernier, assistaient au Sommet.