Robert Lepage: le scepticisme d’un afrodescendant

Mea culpa pour des «manques de jugement», de «maladresses», caresse dans le sens du poil, promesses de «changement structurants» faits dans la mise au point de Robert Lepage auront laissé plutôt sceptique Ricardo Lamour, un membre du Collectif SLAV Résistance ayant rencontré le metteur en scène le 5 novembre dernier.
Cet artiste dit avoir eu des doutes quant à la finalité de la rencontre de novembre, notamment, après l’échec de celle avec la communauté autochtone à propos de Kanata, une autre pièce à controverse de M.Lepage. Mais, ses doutes se sont dissipés après plus de quatre heures de débats parfois houleux, dit-il.
« Oui, il y a une forme de satisfaction parce que la posture avec laquelle est venu Lepage, a un effet d’écoute et aussi d’ouverture à répondre »-Ricardo Lamour
Dans « SLĀV, une année de bruit et de silence », M. Lepage s’exprime pour la première fois sur l’une des grandes controverses de 2018. Dans ce texte de plus de mille mots, il met en scène les appréhensions, les clichés qu’il avait au sujet des afrodescendants et sa conviction finale.
« …contrairement aux irascibles militants d’extrême gauche dépeints par certains médias, j’étais accueilli par des gens qui faisaient preuve d’une grande ouverture et qui se sont avérés très sensibles, intelligents, cultivés, articulés et pacifiques. »
« Dans ce climat d’ouverture et de transparence, il était plus facile pour moi d’admettre mes maladresses et mes manques de jugement et de tenter d’expliquer le bien-fondé de notre démarche. », ajoute le metteur en scène.
Robert Lepage admet également que la version de SLĀV qu’il avait présentée en juin dernier «était loin d’être aboutie». De plus, il annonce que, depuis, « le contenu de SLĀV a été soumis à une réécriture et à une révision complète de son contenu. »
En plus de SLAV, le metteur en scène évoque d’autres changements majeurs, notamment sur le plan organisationnel. M. Lepage promet d’ « opérer des changements structurants à l’intérieur même de l’organisation Ex Machina et assurer une représentation significative de la communauté afrodescendante de Québec au sein de la programmation du futur Diamant. ».
Malgré tout, l’artiste Ricardo Lamour, qui a reçu même avant publication le texte de Robert Lepage et qui l’«a plus que lu», recoit les promesses du metteur en scène avec une pincette.
« Moi, en ce qui me concerne, je l’accueille en disant : qu’il y a beaucoup de pains sur la planche », dit-il en entrevue à In Texto.
«Ce sont des mots, ajoute M. Lamour, quant on va voir d’autres projets, comment les institutions vont s’inspirer de cette volonté d’ouverture de la part de Lepage, peut-être qu’on va dire que le ciel est en train de changer de couleurs au Québec.»
Ricardo Lamour évoque, en parlant d’institution;
- Le Conseil des arts du Canada
- Conseil des arts du Québec
- La banque TD, qui supporte le Mois de l’histoire des Noirs
- Le Festival international de jazz « qui capitalise sur le patrimoine immatériel des personnes afrodescendantes, sur le plan musical.»
L’artiste rappelle également qu’on est dans la Décennie consacrée, par les Nations unies, aux personnes d’ascendance africaine (2015-2024) et qu’il est grand temps que cette ouverture se manifeste véritablement au Québec.
En proclamant cette Décennie, la communauté internationale distingue les personnes d’ascendance africaine comme groupe dont les droits humains doivent être promus et protégés.
Environ 200 millions de personnes se considérant d’ascendance africaine vivent en Amérique. Des millions d’autres vivent dans diverses régions du monde, et ce, en dehors du continent africain.
Ils ont dit
« En ce début d’année, je me propose d’essayer de faire mieux. Mais il est évident que ces résolutions n’arriveront jamais à satisfaire tout le monde. Elles me semblent tout de même être quelques pas dans la bonne direction afin de signifier qu’à travers tout ce vacarme, il nous est possible de dialoguer calmement. »-Robert Lepage
«On nous accusait de censure. Et ça devenait difficile que notre message soit entendu, perçu et compris dans toute sa légitimité.»-Ricardo Lamour
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2 Comments on “Robert Lepage: le scepticisme d’un afrodescendant”
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Bravo et félicitations pour cet excellent travail. Ce texte fait bien comprendre qu’on doit garder les yeux ouverts et ne pas se laisser endormir par les belles paroles.
L’argent dépensé pour produire la première mouture de SLAV ne peut pas être une perte, mais devenir un investissement qui doit produire des profits/dividendes. Donc je pense que ce « Mea culpa » est avant tout dicté par des motivations économiques et oui un devoir de faire mieux, au risque de critiques plus sévères. L’avortement de cette première production sera probablement le meilleur outil de « marketing » pour le succès de la prochaine, tout le monde va vouloir voir c’est quoi qui a provoqué cette crise… C’est naturellement mon opinion.