Les «Braquages en série» de Valéry Numa
Valéry Numa est non seulement un homme polyvalent, c’est, – osons le mot -, un véritable homme orchestre ! D’abord journaliste, puis hôtelier et homme d’affaires, il s’est lancé il y a déjà quelques années dans la réalisation de films : une véritable gageure en Haïti qui compte à peine quelques salles de cinéma fréquentables, quand elles ont survécu au séisme de janvier 2010.
C’est ainsi qu’on a pu l’entendre interviewer le très controversé Gracia Delva sur Radio Vision 2000 début août, avant qu’il ne saute dans un avion pour venir présenter son dernier film « Braquages en série » à la Maison d’Haïti à Saint Michel Montréal le samedi 3 août, pour se retrouver le lendemain pour une présentation similaire à Ottawa. Lundi déjà il repartait pour Haïti Chérie.
Valéry Numa a d’abord réalisé trois documentaires qui ont remporté un large écho.
Il a traité de la problématique des Haïtiens exilés au Brésil, qui s’y sont installés, ont obtenu un permis de séjour et trouvé du travail, avant de sombrer dans l’illégalité.
De nombreux Haïtiens ont profité d’une disposition bancaire brésilienne permettant à un travailleur d’emprunter jusqu’à 12 salaires mensuels.
Puis ils quittent le Brésil illico presto avec leur pécule et cherchent à entrer aux États-Unis pour obtenir la fameuse Green Card. Mais là, s’ils y arrivent, ils vont être renvoyés à leur dernier domicile légal, qui n’est autre que le Brésil. C’est la manière dont se referme ce piège que Valéry a décrit dans son film.
Il a récidivé avec « Chili à tout prix » et « TPS, Tout Pour le Statut ». Là également, il a démonté le mécanisme des difficultés et des échecs subis par ses compatriotes, au Chili et aux États-Unis.
Mais ces documentaires sont chers et difficiles à réaliser et les sponsors potentiels haïtiens se comptent sur les doigts de la main et sont très sollicités. Valéry Numa a donc décidéde revenir à des films commerciaux, un domaine qu’il avait déjà pratiqué à deux reprises, avec un film mettant en scène la conception de la vocation dans les familles haïtiennes et « Bye Bye Papa », une fiction abordant le problème des taches ménagères de la femme sous-estimées par le macho haïtien.
Avec « Braquages en série », il aborde une nouvelle thématique. Ce film combine la comédie et l’action, tout en évitant sciemment les scènes de sexe, afin de pouvoir conserver un aspect tout public.
Dans une succession hilarante de sketches, on voit quatre jeunes, deux hommes et deux femmes, qui ont décidé de faire du braquage leur mode de vie. Les situations sont cocasses et suscitent l’hilarité, mais la morale de l’histoire est bien présente. La facilité avec laquelle les quatre compères parviennent à leurs fins met en lumière la légèreté de nos comportements, surtout en Haïti.
Malgré le climat d’insécurité qui devrait nous inciter à la prudence, nous oublions de surveiller notre chariot d’achats à la sortie du supermarché et à la moindre distraction il disparaît du parking; nous laissons armes et argent dans nos rutilantes voitures sans penser qu’il est facile de se faire subtiliser les clés avec un peu d’habileté. Bref, les scènes se succèdent à un rythme cadencé, avec forces courses poursuites à travers les rues de la capitale et de sa banlieue.
Mais, après un dernier coup peut-être trop audacieux, la chance tourne et la PNH rattrape les quatre larrons en fuite effrénée. Mais la morale ne sortira pas vainqueur, puisqu’un retournement de situation de dernière minute, que nous vous laissons découvrir en regardant le film, profite à notre bande qui s’évanouit dans la nature. Et cette fin heureuse pour les malfrats permet à Valéry Numa de conclure par un « À suivre … » à la place du mot fin.
À la sortie de la projection, nombreux étaient les spectateurs qui demandaient quand viendrait la suite. Valéry Numa a donc réussi son coup et peut sans hésitation remettre le pied à l’étrier pour un deuxième épisode.
Alain Bernard