Profilage: Repentigny «vérifie» ses interpellations
La Ville de Repentigny dit avoir passé instruction à sa cheffe de police Helen Dion, en vue de « faire des vérifications des interpellations » sur son territoire à la suite de la publication, lundi dernier, d’un rapport accablant sur le profilage racial à Montréal qui indique que les Noirs, les Arabes et les Autochtones sont interpellés 4 fois plus que les Blancs.
Lors de la dernière séance du conseil municipal, des membres des communautés haïtienne et africaine ont noirci la salle et bombardé la mairesse Chantal Deschamps de questions en lien avec la situation.
« S’il y a une chose qu’on ne veut pas voir apparaitre chez nous, dans nos services, dans nos pratiques, c’est une approche systémique. », déclare en substance la mairesse au cours de la période des questions.
« Ce n’est pas encouragé. On ne veut pas cela », jure Chantal Deschamps.
Toutefois, interrogée sur la politique publique de la Ville contre le profilage racial, Mme Deschamps admet qu’il n’y en pas pour le moment et qu’elle y travaille.
La mairesse souligne que sa municipalité applique une politique d’inclusion de la diversité et d’équité sur le territoire.
Problème de société
« C’est décourageant », peste Alain Babineau du Centre de recherche action sur les relations raciales (CRARR) qui aide et incite les victimes de profilage à porter plainte. Lui et le directeur du CRAR, Fo Niemi, assistaient à la séance de lundi dernier à l’hôtel de Ville.
« J’ai entendu la mairesse parler d’inclusion, mais, cela n’a rien à voir avec si la personne est adaptée ou pas, bien intégrée ou pas.»-A. Babineau
Le problème, c’est de stéréotyper une personne noire comme étant un criminel potentiel fait remarquer cet ancien policier de la GRC et de la police militaire au Canada.
M. Bambineau a travaillé 30 ans comme agent de police fédéral et est capable d’entrer dans la tête d’un policier, ce que In Texto l’a invité à faire dans le cas de Repentigny pour tenter de comprendre ce qui arrive. Pour lui, il s’agit d’un problème de société.
« Ce qui se passe c’est que le policier est un être humain comme tout le monde, élevé dans une société qui possède des stéréotypes et des préjugés vis-à-vis de certaines races.», explique l’ancien agent.
Le problème survient lorsque le policier laisse cet apprentissage social influencer son travail. Il déplore par ailleurs le fait que les municipalités, à travers le Québec, combattent de toute leur bourse, bec et ongles, les plaintes portées contre leurs agents. Cet acharnement à aller en appel de toutes les décisions de justice en faveur des victimes envoie, selon lui. un mauvais message en bout du compte.
« Le message que les Villes envoient, c’est : lorsqu’il va y avoir une bavure, on va vous couvrir au maximum et la population à ce moment-là, perd confiance dans le service policier ».
Plaintes en hausse
L’une des questions adressées au conseil municipal de lundi portait sur le nombre de plaintes déposées contre des policiers de la Ville. Mme Deschamps, la mairesse, n’avait pas la réponse sur le champ et référait les gens au corps de police.
Une demande d’informations, à cet effet, a été produite par In Texto auprés du service de police et la réponse nous démontre que les griefs des citoyens noirs à Repentigny ont commencé à exploser depuis trois ans. On parlait d’une par année à partir de 2011 à deux plaintes en 2016 et pour passer à une douzaine cette année.
• 2017 : (3) plaintes – (1) clos (plainte non retenue) + (1) clos (en conciliation) + (1) (en enquête)
• 2018 : (6) plaintes – (1) clos en conciliation + (5) clos (non retenue);
• 2019 : (12) plaintes dont (3) d’un même individu + (6) d’un même individu / (4) clos (non retenue) + (4) référées en conciliation + (1) sous enquête + (3) en analyse
« Le même policier »
« Insatisfaction totale », s’exclament Leslie Blot, François Ducas, deux Haïtiens, qui se disent victime de profilage racial et dont les histoires ont fait les manchettes récemment. Au conseil municipal, M. Blot a tenté de s’enquérir, par une questions à la mairesse, de la procédure suivie par la Ville advenant une plainte en déontologie.
« La mairesse n’a répondu à aucune de nos questions et elle a fermé le sujet très rapidement», fustige-t-il.
« J’ai été victime de profilage en 2017 et j’ai porté plainte. Et la semaine dernière, le même policier a fait les manchettes pour un cas de profilage aussi. Comme cela se fait? », se demande M. Blot, perplexe.
Le cas dont parle Leslie Blot concerne Hézu Kpombie (d’origine africaine) qui s’est fait encercler récemment par trois policiers, arme au poing, dans un parc de Repentigny alors qu’il n’avait en main qu’un ouvre-lettre, selon le CRARR, que l’ami de son fils venait de laisser tomber.
Son fils de 8 ans assistait à la scène. «Je ne souhaite pas même à mo pire ennemi de vivre ça », a dit Mé Kpombie lors de son intervention devant le conseil municipal.
Sa voiture équipée de caméra
Il semblerait que les victimes de profilage demeurent traumatiser. François Ducas, qui se bat depuis plus d’un an en vue d’obtenir justice et réparation, affirme être sur le qui-vive tout le temps.
Il va même jusqu’à adopter des mesures spéciales pour circuler dans la ville, tellement il se sent «surveiller» dit-il.
« Ma voiture est truffée de caméra. Pourquoi je suis obligé de faire cela?», s’interroge l’enseignant qui en avait assez de se faire arrêter par des patrouilles en 2017.
Son but est de constituer des preuves solides de ce qu’il avance sur la police de Repentigny advenant une interception abusive.
Ils étaient une quinzaine des communautés noires de Repentigny à adresser des questions au conseil municipal lundi dernier.
Par ailleurs, le bureau de la députée de Repentigny, Lise Lavallée, confirme à In Texto avoir produit une demande d’informations auprès du ministère de la Sécurité publique au sujet du profilage racial à Repentigny.