COVID-19:une double stigmatisation pour Montréal-Nord
« Combien de chambres est-ce que vous avez dans votre appartement? », demande une travailleuse de la santé à un septuagénaire venu se faire dépister au coin des boulevards Henri Bourassa et Lacordaire à Montréal-Nord.
Un centre de dépistage sans rendez-vous tourne depuis le lundi 4 mai pour seulement trois jours dans ce quartier pourtant en tête de peloton de contaminations à la COVID.
« Je ne sais combien de tests est-ce qu’ils comptent faire là, mais il me semble que cela devrait durer plus de trois jours », estime Will Prosper, un activiste communautaire bien connu dans l’arrondissement.
Avec Hoodstock (un groupe de pression) et la députée de Bourassa-Sauvé Paule Robitaille, il participe activement depuis plusieurs jours à une distribution massive de masques, un matériel plutôt rarissime par les temps de COVID-19.
« On a plus de bénévoles que de kits, déplore-t-il, on n’arrive pas à fournir. On tente d’en acheter le plus possible mais ça coûte plus cher.»
Will Prosper
Un homme de 68 ans d’origine italienne traine dans les parages à la recherche de masques pour lui et sa femme. Il en arbore un, de fortune, très sale, depuis plus de trois jours. Will Prosper lui en file un dernier qu’il avait sur lui et lui demande d’envoyer un courriel à Hoodstock pour en avoir d’autres.
« Je n’ai pas d’Internet moi là, je ne connais pas ça », dit-il avant d’être invité à décliner ses coordonnées téléphoniques pour un suivi.
Depuis la pandémie :
- Montréal accuse un total de 16 606 cas confirmés en date du 4 mai.
- On dénombre également 1410 Décès et 134 CHSLD et Résidence pour aînés infectés.
- Le secteur de Montréal_nord est en tête avec 1457 contaminations à la COVID
Dès le début, le quartier, encore une fois, fait les manchettes dans les médias, ce qui tique la première citoyenne de l’arrondissement.
« On se désole de voir Montréal-Nord être dépeint de cette façon là de crise en crise, de voir le quartier être la cible d’attaques de la part de certains médias »– Christine Black.
Sa ville «déjà stigmatisée» en raison de sa pauvreté, de son passé violent présente un très faible indice de parc, un bas taux de scolarité, une absence de clinique de santé. En ce sens, ce secteur de Montréal débute le marathon contre la COVID avec de sérieux désavantages sur le plan socioéconomique.
« On n’a pas de médecins ici, on le sait. C’est difficile d’avoir des rendez-vous. Notre cadre bâtit n’est pas adapté etc…», fait remarquer la mairesse
Depuis que la Direction de la santé publique commençait à égrener les chiffres d’infections par quartier à Montréal, les élus locaux ainsi que les acteurs communautaires rencontrent régulièrement les autorités sanitaires afin de décortiquer ensemble les chiffres.
Et il s’avère que 1/3 des contaminations sont des travailleurs de la santé et qui résident dans le quartier, un autre tiers proviendrait des CHSLD et des résidences pour aînés. Mais il demeure toujours un flou communautaire note la mairesse.
« Les autres personnes qui ont été infectées dans les statistiques, les chiffres demeurent un peu flous : on ne sait pas leur provenance.», avance la mairesse.
« On a beaucoup de résidents de chez nous, des héros, des héroînes, des anges-gardiens, qui sont allés travailler en santé à leurs risques et péril. On ne leur a pas donné du matériel de protection qu’il fallait. Ils sont revenus chez eux avec la maladie », tranche Paule Robitaille, députée de Bourassa-Sauvé
Interrogée sur le fait qu’en majorité, les cas de contamination s’expliquerait par ce fait même, la députée provinciale répond sans pourtour : « je pense que oui…, oui »
Par ailleurs, la parlementaire libérale mène depuis plusieurs semaines une bataille pour le dépistage massif de la population de Montréal-Nord comme cela se fait Allemagne, au Danemark entre autres. Mme Robitaille plaide pour des centres de dépistage mobile surtout « afin que cela soit plus accessible à la population vulnérable ».
« Avoir un centre sur rendez-vous à Rivière-des-Prairies c’est bien mais ce n’est pas assez », insiste Paule Robitaille.
Montréal-Nord était sous l’œil intensif des médias pendant plus d’une semaine. Au début, des articles publiés faisaient des liens entre la pauvreté, la malpropreté et la hausse de contamination dans le quartier.
« Ce n’est pas vrai! »,
rétorque Steve Boussiki.
Il est directeur général de la Table de quartier et chapeaute en ce sens près de 90 organismes qui sont au front communautaire de la pandémie.
Pour M. Boussiki, il faut à tout prix éviter les « amalgames » lorsqu’il s’agit de Montréal-Nord. La thèse de non respect des consignes et de manque d’hygiène dans les communautés racisées fait même sortir de ses gongs la députée Robitaille.
« Moi, je suis un peu révoltée quand j’entends ça, car ces gens-là qui sont allés travailler dans les CHSLD et les RPA, ce sont des gens avec énormément de cœur, de courage. On devrait leur rendre hommage plutôt »-P.Robitaille
L’arrondissement débute l’installation d’une quinzaine de corridors sanitaires, embauche des préventionnistes et contribue à hauteur de 115 mille dollars pour aider le quartier à faire face à la pandémie. Une somme bonifiée à hauteur de 75 000 dollars par la caisse Desjardins de Montréal-Nord.
Plusieurs cellules de crise ont été mises sur pied par notamment une qui vise à aider les entreprises du quartier à se relever.
En parlant de manque de matériel, soulignons que le député de Bourassa Emmanuel Dubourg a effectué une distribution de gels désinfectants, de masques et de visières à l’arrondissement de Montréal-Nord.