Celui qu’il défendait l’a tué
Je ne l’ai pas pratiqué beaucoup avant qu’il passe de l’autre côté de l’existence avec peine et misère. Ma première rencontre fortuite avec lui a été lors d’une conférence de presse avec des dirigeants lavalas au début des années 2000.
Jeune journaliste, j’étais bouillant, fougueux, rêveur, fonceur et tout ce que lui, il a déjà été avant de s’assagir. Je me souviens que je tempêtais, je mitraillais les dirigeants de questions parfois en criant fort.
Kompé Filo, affalé sur une chaise les jambes croisées, comme d’habitude, au fond de la salle, m’attrape par la main comme il l’aurait fait avec son fils, et me dit d’une voix calme: «Tu aurais plus de résultats si tu changeais de méthode.»
Comment ne pas se dégonfler devant le conseil d’une icône? Moi qui me nourrissais de son engagement, de sa combativité, de son sacerdoce pour ce pays.
Anthony Pascal a refroidi en une phrase le jeune journaliste à chaud que j’étais, à l’époque.
Ma dernière rencontre avec lui remonte à quatre ans. C’était à la salle de réception de Radio télé Ginen où il animait l’émission Kalfou. Généreux, comme toujours, de son temps, il le prend avec moi sur deux chaises à l’entrée de la station.
Il croise encore les jambes et commence à répondre à mes questions. J’en avais beaucoup.
Comme, pourquoi, après Radio Haïti, il n’a pas suivi Liliane Pierre-Paul, Sony Bastien et Marvel Dandin dans le projet de radio Kiskeya? Ils étaient des frères de combat, après tout.
« Je n’aime pas abordé ce sujet. C’est du passé.», me dit-il en pinçant mon épaule gauche et en esquissant un sourire. J’ai appris récemment que, même avec ses amis les plus proches, il n’évoquait pas cette question.
Kompé Filo préférait toujours se concentrer sur la lutte pour les droits de l’homme, que ce soit à travers les médias ou le vodou.
Le droit à des soins de santé appropriés en fait partie aussi. Alors quand j’ai appris dans les colonnes de Le Nouvelliste qu’un problème d’oxygénation adéquate a causé son décès à 67 ans, je me suis dit :
zut! Ce pays, qu’il défendait toute sa vie, l’a tué.
Car, comment est-ce qu’il peut arriver encore des situations comme celle-là dans un pays soi-disant indépendant depuis plus de 200 ans. C’est vraiment se demander : mais, à quoi, Diable, nous sert cette dépendante indépendance?
Et dire que les autorités se targuaient d’équiper le pays de bombonnes d’oxygène dans le cadre de la pandémie et qu’elles étaient prêtes à faire face à la crise sanitaire mondiale.
Anthony Pascal aura perdu son combat pour un autre pays. Pas seulement avec des droits politiques, mais surtout avec le droit à la santé, des soins.
À tout prendre, le droit à la vie.
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2 Comments on “Celui qu’il défendait l’a tué”
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Le texte est interressant.
C’est un soldat qui meurt au combat. Nous devons continuer la lutte en suivant ses exemples d’humilité et de sagesse. Paix à son âme !