Profilage racial:«Terrebonne, le prochain Repentigny?»
Photo: Lucmane Vieux
C’est a question que se pose le Centre de recherche action sur les relations raciales (CRARR) devant l’accumulation de plaintes contre le Service de police de Terrebonne.
Pierre Marcel Monsanto a déjà déposé 12 plaintes en droits de la personne et 11 plaintes en déontologie policière contre les policiers de cette ville, pour profilage racial, entre l’été 2018 et l’été 2019. Quant à Jonathan Woodley, il est sur sa 2e plainte, pour un total de 14 griefs en deux ans de ces deux personnes, déposés auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse(CDPDJ).
M.Monsanto, fiscaliste de profession, a vu sa vie se transformer en un véritable cauchemar, depuis qu’il a rejoint sa famille à Terrebonne au cours de l’année 2018. En un an, il s’est fait arrêter 18 fois par les policiers de cette ville. Le nombre de tickets qu’il a eu en ce laps de temps, dépasse ceux qu’il a reçus durant toute sa vie, dont 12 ans vécus un peu partout à travers le Canada.
« Avant de m’établir à Terrebonne avec ma famille, je vivais en Alberta. J’ai circulé dans plusieurs villes albertaines avec les mêmes véhicules que je circule à Terrebonne; j’ai vécu 10 ans à Sherbrooke, j’ai fait tout le Québec et bien d’autres régions au Canada, jamais je n’ai été profilé ni discriminé », s’est souvenu le résident de Terrebonne.
« A Terrebonne, le profilage est normal. La communauté noire y est pourchassée. Elle représente la proie privilégiée des policiers », a-t-il lâché avec indignation, lors d’une conférence de presse au local du CRARR, à Montréal.
« Pourquoi papa se fait-il si souvent arrêter par les policiers ? », se fait-il demander souvent par ses propres enfants sans trop savoir quoi leur répondre.
« Je me sens humilié. Ces questions m’embarrassent. Je suis obligé de leur dire que tout va bien », a-t-il confié, déclarant étudier la possibilité de laisser Terrebonne pour aller se refugier ailleurs.
« Je ne suis pas bienvenu à Terrebonne. Je pense laisser cette ville. Pour le moment, je planifie la vente de ma maison, afin de lever l’ancre », a-t-il ajouté, soulignant que des Noirs de la contrée avec qui il a partagé ses déboires, vivent la même situation.
« Ils laissent faire…Ils ont peur des représailles. Ils acceptent de subir la loi des policiers », a-t-il relaté.
Une situation « traumatisante »
La femme de Jonathan Woodley (noir anglophone), Stéphanie Mucci, a, pour sa part, témoigné que son mari a été victime de profilage racial en date du 31 juillet 219 à Mascouche.
« Des policiers sont venus à la maison. Ils ont questionné mon mari au sujet de son identité, de son rapport avec la maison et avec moi. Ils ont voulu l’arrêter », s’est-elle rappelée, comme se réveillant d’un cauchemar.
« Je veux que cela arrête. Je ne veux pas que mes enfants vivent la même situation que leur père. Je veux que mon mari soit heureux, libre; en tant qu’homme d’affaires, propriétaire et chef de famille, il doit pouvoir vaquer librement à ses activités, sans que des policiers ne soient obligés de le traquer à cause de la couleur de sa peau; comme s’il n’avait pas le droit de vivre dans le secteur, étant noir », a martelé Stéphanie Mucci, d’origine italienne.
Un accompagnement matériel et psychologique
En plus d’offrir aux victimes de profilage racial un accompagnement matériel ou physique (préparations de dossiers, rencontres de conciliation, de médiation, d’enquêtes…), le Centre de Recherche-action sur les Relations raciales (CRARR) leur donne également du soutien phycologique, a, pour sa part, fait remarquer son directeur général, Fo Niemi.
Le CRARR explique aux gens leurs droits, les recours qui sont à leur disposition, tout en les encourageant à aller aussi loin que possible, a poursuivi M. Niemi.
« Les gens ont souvent peur. Ils ne veulent pas porter plainte. Des fois, ils questionnent même l’efficacité de certains services comme la Commission des droits de la personne, estimant que les procédures sont trop longues », a –t-il révélé
Tolérance zéro
De son côté, le conseiller du CRARR, Alain Babineau, a comparé le profilage racial à un virus mortel dont, selon lui, Lanaudière au complet est affectée. En plus de Repentigny, la maladie se répand aussi sur Terrebonne et Mascouche, a-t-il fait remarquer, exigeant la tolérance zéro en matière de profilage racial.
« Les communautés noires de ces endroits grossissent. Donc, elles doivent avoir le même respect que n’importe quelle autre communauté », a-t-il souligné.
« C’est une véritable guerre. Pas contre la police, mais contre le mauvais service policier à Repentigny, Mascouche, Terrebonne », a précisé Alain Babineau.
Terrebonne compte 8 000 Noirs parmi ses 111 500 résidents, contre 3 000 pour les 46 000 résidents de Mascouche, selon le Recensement de 2016.