Discrimination en emploi à Montréal-Nord: peu d’avancées
Alors que deux vastes enquêtes, indépendante et syndicale, se poursuivent depuis février dernier sur des allégations de discrimination et de racisme systémique à l’arrondissement de Montréal-Nord, un autre employé en serait victime cette semaine.
Agnel Estimable, un col bleu d’origine haïtienne, aurait été rétrogradé après avoir échoué un test de conduite d’une grue pour laquelle évaluation il aurait été ciblé par l’employeur, sans passer par l’ordre d’ancienneté générale selon Newton Saintiné, un de ses collègues col bleu également.
«Je trouve cela inacceptable.», peste M.Saintiné en entrevue à In Texto.
En février dernier, il faisait partie d’une dizaine de cols bleus ayant dénoncé cette situation à Montréal-Nord.
L’arrondissement, la ville centre et la partie syndicale avaient, depuis le début de l’année, déclenché une vaste enquête en vue d’avoir l’heure juste et de corriger la situation s’il y a lieu.
« Les consultations sont terminées.», révèle Frantz Élie, du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) qui participe aux recherches avec le professeur de l’UQAM Angelo Soares.
« Il y a une petite correction. », concède pour sa part le col bleu Newton Saintiné. La correction dont il parle, c’est le fait de permettre, aujourd’hui, à tous les chauffeurs de reprendre le volant.
Une autre source proche du syndicat des cols bleus de Montréal-Nord, bien au fait du dossier, nous apprend également que deux cols bleus des minorités visibles qui n’ont pas obtenu des postes permanents alors qu’ils en avaient droit, ont pu accéder à ces fonctions depuis les dénonciations publiques.
Voilà tout.
« Moi, je ne vois d’amélioration plus que cela. » estime Gothard Joseph, délégué syndical au département Sports et Loisirs de l’arrondissement.
«Dans les faits, leur actions ne démontrent pas cela. Il tente toujours de faire passer leurs petits copains, plus jeunes, la convention collective n’est pas respectée. »-G. Joseph.
L’enquête syndicale est au stade de l’analyse des données recueillies auprès de tout le monde. Les consultations ont été prorogées de plus d’un mois en raison de la pandémie.
« On est encore à affiner les paramètres que nous recherchons. On regarde d’un point de vue salarial, promotionnel pour voir les incidences réelles. Car, il y a des perceptions et des réalités.», nuance Frantz Élie du SCFP alors que In Texto cherchait à connaître les premiers éléments de l’enquête.
Il dit avoir «espoir que d’ici un mois les résultats vont poindre.»
Le contrôleur général
C’est le Centre de recherche action sur les relations raciales (CRARR) qui a réveillé ce dossier, éclipsé par la pandémie, dans une lettre adressée à la Ville centre et l’arrondissement de Montréal-Nord le 14 septembre dernier.
L’organisme dénonçait le laxisme dans cette affaire et tentait de savoir aux détails près, ce qui a été fait.
Dans sa réponse, le Contrôleur général commence par préciser que « la Ville et ses arrondissements prônent des valeurs d’équité et d’ouverture à la diversité. »
Et qu’à cet égard, « nous souhaitons renforcer les conditions favorables afin que toutes les personnes à notre emploi puissent bénéficier des meilleures chances de réaliser leur plein potentiel. », écrit Alain Bond à CRARR.
Racisme systémique
L’arrondissement de Montréal-Nord pointé particulièrement dans les accusations de racisme systémique évoque « ses valeurs d’inclusion » et affirme traiter ce dossier « avec toute l’attention qu’il mérite ».
Le Contrôleur général a voulu, dans un premier temps, identifier et documenter les pratiques existantes dans les dix-neuf arrondissements en matière de formation et d’assignation des chauffeurs avec ou sans remorque.
« Un document préliminaire a été soumis à l’arrondissement et à la direction des relations du travail au mois de juin 2020. Ce document a permis de soulever certaines questions qui sont maintenant examinées par le Contrôleur général, qui se fait accompagner à cette étape par une personne experte en matière de diversité et de gouvernance. » affirme l’arrondissement sans fournir plus de détails dans la réponse faite au CRARR.
Montréal-Nord indique tout simplement que « ce document a également été utile à l’arrondissement afin de réviser certaines façons de faire avant même la fin des travaux. »
Fo Niémi, directeur général du CRARR, se montre très peu satisfait de la réplique de la Ville centre et de l’arrondissement.
« On n’a pas répondu à la question de savoir s’il y a eu du racisme systémique en emploi et clairement qu’est-ce qui a été fait par le Contrôleur général. », rétorque le défenseur des droits humains.
« Selon nous, cette lettre est en train de déraciser un problème de racisme systémique. »-F Niémi.
La direction de l’arrondissement de Montréal-Nord s’en défend également. Rachel Laperrière affirme qu’elle « est vraiment très loin d’être totalement passive, voire complice », comme vous l’en accusez dans votre lettre en réponse au responsable du CRARR.
Mme Laperrière accusée par le CRARR dans le mauvais traitement des plaintes revendique « avoir plutôt fait preuve de leadership et assumé ses responsabilités, agissant à la fois avec diligence et bienveillance. »
Elle évoque dans la lettre responsive au CRARR avoir donné le mandat à la firme Brio conseils pour identifier et documenter les irritants relatifs aux processus de mouvements de personnel, et pour élaborer un diagnostic de la situation et faire des recommandations.
« Mais lorsqu’on regarde la liste des experts de Bio conseils, on ne trouve pas l’ombre d’un Noir la-dedans.», souligne M.Niémi mettant en doute leur expertise en matière de racisme systémique.
Montréal-Nord parle de révision de plusieurs processus actuellement
● révisé les processus d’admissibilité au poste de chauffeur C avec ou sans remorque;
● offert un accompagnement aux gestionnaires d’employés cols bleus en coaching d’équipes diversifiées;
● tenu plusieurs rencontres de la direction avec les groupes d’employés cols bleus concernés.
Les gestes posés par l’arrondissement
● mis sur pied, à l’automne 2019, un comité interne sur les relations interculturelles destiné à valoriser la diversité culturelle, combattre les stéréotypes et les préjugés et favoriser l’équité. Malgré la pandémie, ce comité composé d’une majorité d’employés cols bleus s’est réuni 6 fois depuis le 29 janvier;
● procédé à deux sessions de formation sur les compétences interculturelles des cadres de l’arrondissement. Offerte par une spécialiste en gestion de la diversité, cette formation a permis de situer le cadre légal du rôle des gestionnaires ainsi que les défis pratiques de leurs fonctions, par le biais d’études de cas;
● offert une formation en analyse différenciée selon les sexes et intersectionnelle (ADS+) à tous ses gestionnaires et employés professionnels;
● installé des boîtes de suggestions dans cinq sites de travail des employés cols bleus pour proposer des actions visant à améliorer le climat de travail. Nous vous remercions de tenir compte de ces informations lors de vos prochaines interventions au sujet de ce dossier.