Il appelle à une grève des demandeurs d’asile

Après avoir exprimé une ouverture à régulariser tous les travailleurs essentiels, le premier ministre François Legault retire sa parole donnée en pleine Assemblée nationale alors que la co-porte-parole du parti Québec solidaire (QS), Manon Massé l’interpellait sut le sujet.
C’est à travers sa ministre de l’Immigration, Nadine Girault, de race noire et d’origine immigrante aussi, que le chef du gouvernement a fait passer son message de recul sur cette promesse à la Coallition pour la régularisation des demandeurs d’asile qui regroupe La Maison d’Haïti (MDH), la Table de concertation pour les immigrants, Debout pour la dignité et des personnalités comme Françoise David, ancienne dirigeante de QS.
« Moi, vraiment, je me dis : mais…, comme elle fait pour se regarder dans un miroir? », peste Wilner Cayo de l’organisme Debout pour la dignité.
Il était, il y a une semaine, avec d’autres membres de la coalition devant les bureaux du premier ministre québécois à Montréal pour manifester leur déception et appeler le gouvernement à un geste humanitaire en accordant des papiers à ces travailleurs acharnés.
Grève ?
Mais aujourd’hui, le pasteur Cayo ne croit plus à cette méthode de lutte.

Pour lui, la corde sensible du premier ministre réside dans l’économie et la seule façon « de lui faire sentir la soupe chaude » est de lui mettre un beau problème économique sur les bras. Il prône alors un arrêt de travail collectif
« Si tous les demandeurs d’asile qui sont des anges-gardiens, des agents de sécurité, des travailleurs du secteur de l’agroalimentation se mettaient ensemble pour arrêter de travailler, je mettrais ma main au feu, en une semaine la question serait réglée. »-W. Cayo
Lorsqu’on lui fait remarquer que ces gens-là, qui vivent déjà une précarité extrême, courraient le risque de perdre leur emploi Wilner Cayo évoque « la force du nombre » pour convaincre de son appel à ce mouvement subversif.
« S’ils sont 100, 150 à faire la grève, Olymel n’allait pas courir le risque de les mettre tous à la porte, Car il y a des poulets qui n’allait pas arriver sur certaines tables. »
« La première ligne »
La ministre de l’immigration est très avare de commentaires de façon générale, encore plus lorsqu’il s’agit de dossier d’immigration. Elle est d’ailleurs très critiquée pour son attitude de motus et bouche cousue.
In Texto s’est adressé aux services de Communications du ministère afin de faire une double vérification du recul de la position du premier ministre François Legault à travers elle.
Si c’est vrai, pourquoi?, avons-nous demandé. Voici toute la réponse de Arianne Méthot, porte-parole du ministère de l’immigration qui confirme en quelque sorte le retrait de l’ouverture du premier ministre.
• Notre priorité est d’abord de lancer le programme spécial des demandeurs d’asile sur lequel nous travaillons avec le gouvernement fédéral.
• Nous allons respecter l’engagement que nous avons pris envers les demandeurs d’asile qui ont donné des soins directs aux malades et aux aînés au plus fort de la pandémie, sur la première ligne.
• Nous sommes présentement à finaliser les derniers détails avec le fédéral afin de pouvoir la mettre en œuvre.

« L’incompréhension que nous avons c’est de nous dire : C’est quoi le problème à régulariser des gens qui travaillent et qui sont déjà là? Ce n’est pas comme si on ouvrait les frontières et qu’on disait aux gens : rentrez! », dit Marjorie Villefranche, directrice générale de la MDH.
Une exploitation moderne
Wilner Cayo cite Louise Arbour, ancienne juge et ex-représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour la migration internationale qui appelle, elle aussi, à la régularisation des sans-papiers.
Car quelque part, le système profite de leur présence.
« Est-ce qu’ils contribuent? Certainement. Ils paient la taxe de vente comme tout le monde, ils paient des loyers, ils dépensent. Est-ce qu’ils paient de l’impôt? Dans certains cas, oui. Il y en a qui sont enregistrés sous des noms.»- Louise Arbour, ex-juge lors d’une entrevue à Radio-Canada.
« C’est un écosystème très propice à l’exploitation des gens qui n’ont pas de protection syndicale, qui ne peuvent pas avoir recours aux tribunaux. », estime l’ancienne juge.
Justement, le 26 novembre dernier, au moins trois employeurs qui profitaient de la précarité des nouveaux arrivants sans papiers, ont été arrêtés par la Sûreté du Québec (SQ) au terme d’une vaste enquête qui a débuté en 2015.
La SQ parle de « fabrication de faux, d’emploi de documents contrefait et de complot » dans l’arrestation de Fadi KHOURY, 55 ans de Montréal, Mohammed LAIHEM âgé de 51 ans de Montréal ainsi que Jean-François CANTIN, 44 ans de Repentigny.
Cette enquête est menée en collaboration avec la CNESST, Revenu Québec et le Ministère de l’Emploi, du Travail et de la Solidarité sociale (MTESS).
Et ce ne sont pas seulement les demandeurs d’asile qui ont qui ont perdu. Le gouvernement estime le manque à gagner en taxes et impôts d’un million de dollars.