Je n’ai pas bu ma soupe
L’odeur de persil, de «loseille» et de toutes les autres épices haïtiennes faisait violence à mon nez. Mais, la honte sentait encore plus mauvais dans ma tête.
À observer la situation du pays 217 ans après, cela n’inspire, à tout le moins ne m’inspire, aucune fierté. Je ne suis pas très fan de la politique de l’autruche : me dire que tout va si je fermais les yeux.
Encore moins pour mon pays. J’ai lu les clins d’œil de dirigeants étrangers comme Justin Trudeau, premier ministre du Canada, à l’occasion de ce jour historiquement glorieux.
Et, en lisant entre les lignes, je me rends bien compte que le premier ministre mettait beaucoup plus l’accent sur la communauté haïtienne au Canada que sur leur pays d’origine, en fait.
« Aujourd’hui, nous nous joignons à la communauté haïtienne au Canada et à travers le monde pour souligner le Jour de l’indépendance de la République d’Haïti.»
«La communauté haïtienne au Canada n’a cessé d’enrichir notre pays grâce à sa culture, à ses traditions et au partage de celles-ci.», extrait de la Déclaration de Justin Trudeau e 1er janvier dernier.
Le chef du gouvernement canadien le sait. Il n’y a plus rien de cette démocratie que Ottawa aide à monter depuis des années, sans grandes réussites. De plus en plus de critiques fusent à l’égard du Canada en lien à son soutien ou son silence face à un régime aux allures autoritaires.
Il n’y a plus de parlement. Très peu d’institutions démocratiques, sinon que des bancales et une année 2021 de tous les dangers. Il existe actuellement une bataille rangée entre plus d’une centaine de partis politiques de l’opposition et un président qui dirige par décret.
Vive la démocratie importée!
Encore une fois, à l’instar de 2004, la chute de Jean Bertrand Aristide, plus d’un évoquent une transition politique cette année. Ça craint tellement que cela se présente comme inévitable. Ils parlent d’une durée de trois ans alors que la dernière était en place pendant deux ans.
À ce rythme-là, à quoi cela sert d’organiser des élections qui seront contestées de toute façon par la classe politique.
Elles ont toutes été contestées depuis l’ère de la Constitution de 1987. L’élection de Leslie Manigat, en 1988, l’était, rappelez-vous.
Cette Loi est devenue rien que du papier aux yeux du chef de l’État, qui, vraisemblablement veut la changer en dehors des mécanismes de changement qu’elle prévoyait.
Pour Jovenel Moïse cette Constitution est mauvaise à tous les points de vue. Le hic, c’est que le président, dans son obsession, ne saisit pas que tout le monde s’accorde à dire qu’il y a bien des choses à changer dans ce document.
Sauf que son idée folle, qui tend à accaparer les consciences haïtiennes, ne lui laisse pas de la place pour le réaliser, tellement il s’y prend mal.
Mais, et si on inversait la question? Et si le problème était les dirigeants eux-mêmes ou les Haïtiens eux-mêmes?
« Cette constitution est difficile d’application, mais c’est elle qu’on a pour l’instant et je veux la respecter.», admettait déjà, en juin 1988, le premier président de cette ère, censée démocratique.
Jovenel Moïse ne parle que changer la constitution, alors que des malfrats volent la vie de ses sujets qui tombent comme des mouches sous les balles des gangs armés.
Comme si un changement de ce papier serait plus important qu’une vie, que chaque vie. Il s’époumone à promettre, sans grand succès depuis plus de trois ans, de l’électricité 24/24, alors que des bandits créent une économie parallèle d’enlèvement contre rançon dans la noirceur de Port-au-Prince.
La liste de nos échecs est longue comme le bras. Pourtant, on voudrait célébrer cette indépendance proclamée depuis 217 ans grâce à l’«union fait la force » dans un contexte de rivalité intestine, mesquine, triviale. Dans une ambiance de dépendance à l’aide étrangère. Dans l’attente de diktats ou en se comportant, non pas comme un pays souverain, mais plutôt comme une municipalité de la communauté internationale.
Lisez notre chronique de février 2019
La rue reproche à Jovenel Moise une situation économique et sociale intenable (plus de 80 gourdes pour un dollar américain) doublé de velléités totalitaires. Entre 2001 et 2004, J.B. Aristide se faisait reprocher ses tentations dictatoriales, des attaques contres les remparts de la démocratie, entre autres.
Mais peu importe les raisons, la perception, en politique, est une arme redoutable. Lorsqu’elle est mauvaise…, et bien, elle est mauvaise comme c’est le cas pour l’actuel chef de l’État.
Comme avec Jean Bertrand Aristide, les appels au dialogue de Jovenel Moise sont perçus comme dénoués de sincérité. La crise de confiance atteint tous les sphères de la société.
Alors, comment boire cette soupe de liberté avec nos esprits aujourd’hui aussi enchainés?
Moi, je ne l’ai pas bue. Car, mon Haïti, celle dont je suis fier, je ne la vois pas dans ma soupe.
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3 Comments on “Je n’ai pas bu ma soupe”
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https://youtu.be/EWhO2Z_uPOI
L’espoir fait vivre
Ça doit changer!
Un jour vous allez voir votre soupe goumou avec fierté
Humm,je peux comprendre
Je comprends mais moi je vois la soupe comme une arme de ravitaillement qui sert à consolider les troupes au front pour reconquérir cette liberté perdue, souillée, violée. Je la partage avec mes amis québécois aussi afin de créer des alliances car on en a grand besoin c est vital tant pour nos compatriotes au pays que ceux ici qui subissent tant de discrimination et d’exploitations en tant qu’mmigrants et demandeurs d’asile.
C’est ce qu’on a fait le 1ier Janvier toite la journée du 1ier u resto de mon amie Wodja partager l ‘esprit et l’esprit kombit cat nos racines sont profondes même si on coupe le tronc l’arbre de la liberté renaître de ses cendres comme l’a si bien dit Toussaint. Cette phrase qui le réhabilite a mes yeux car il fait partie des traîtres à mes yeux. Dans nos rangs pleins de traître. justement Nous devons ouvrir l oeil et le bon .