Un homme blanc à la lutte contre le racisme: la bourde de F. Legault
Tirons une chose au clair avant qu’il ne soit trop tard: je n’ai rien contre l’homme blanc Benoit Charette. Au fait, je l’ai rencontré deux fois. C’est un homme courtois, et j’estime que c’est une bonne personne. Rien de personnel contre lui.
En sorte que l’inconfort que j’éprouve par rapport à sa nomination à la tête du Ministère de la lutte contre le racisme ne relève pas d’un argumentum ad personam. Celui qui doit récolter l’odieux d’une telle nomination, c’est le Premier Ministre du Québec, François Legault.
Il n’en demeure qu’en ma qualité de Québécois, issu des communautés racisées, la nomination de Benoit Charette est, à mes yeux, une insulte à l’intelligence desdites communautés, et cela à au moins quatre titres. D’où mes quatre malaises:
1-Mon premier malaise: « Le réflexe du Blanc face au nègre à talent »
Mon premier malaise, je l’appelle « le réflexe du Blanc face au nègre à talent ». Cette expression nous ramène au temps terrible de l’esclavage et de la colonisation. En ce temps-là, le nègre était assez bon pour construire une maison, mais pas pour y vivre. Assez bon pour construire une église; mais pas pour assister au même culte que le maître.
La négresse était assez bonne pour faire à manger; mais pas pour manger la même nourriture et s’asseoir à la même table que le maître blanc. Son corps était assez beau pour être violé et pour assouvir les instincts sexuels du maitre; mais pas assez pour être sa femme.
Vous vous demandez, mais quel est le lien avec notre sujet ? Il est pourtant assez évident. Le « groupe d’action contre le racisme » qui a produit les 25 recommandations contre le racisme était coprésidé par deux ministres de race noire.
Ils étaient assez bons pour travailler dans la cuisine desdites recommandations; mais quand est venu le moment de leur implémentation, ces mêmes ministres ne sont tout-à-coup pas assez « présentables ».
Il faut un homme blanc pour parler aux Blancs.
Or, quel est le seul mérite de cet homme blanc ? Il a épousé une femme noire et est père d’enfants métissés. Foutaise ! Je ne savais pas qu’on pouvait avoir des compétences par procuration ou par osmose.
En ma qualité d’historien, j’ai le privilège de vous rappeler que Thomas Jefferson, le père de la Constitution américaine, le 3e Président des États-Unis, avait une maitresse noire, Sally Hemmings, son esclave, de qui il avait trois enfants noirs. Pourtant, il est l’homme qui a combattu férocement l’idée de l’abolition de l’esclavage et du mélange des races. À cet effet, il écrit:
« La fusion des Blancs et des Noirs produit une dégradation à laquelle aucun amoureux de son pays, aucun amoureux de l’excellence du caractère humain, ne peut innocemment consentir. »
Ce vieux réflexe selon lequel un noir peut être assez bon pour être second, mais pas assez bon pour mener les dossiers importants et délicats, est une constante chez François Legault.
Je rappelle pour mémoire, le sale coup qu’il a fait à la communauté noire, au mois de février 2020 (Mois de l’Histoire des Noirs) dernier, quand il lui fallait nommer quelqu’un à la tête de la Caisse de Dépôts et de Placements du Québec.
Macky Tall, un frère noir, originaire du Mali, était pressenti pour occuper le poste.
Or, en dépit de ses plus de 16 ans d’expérience au sein de l’institution, malgré son excellente réputation, il était assez bon pour être second, mais pas pour être premier. En sorte que, quand est venu le moment de choisir un numéro Un, il fallait un blanc pour gérer les 365 milliards des Québécois. Un noir n’était pas assez présentable pour « faire la job ».
2- Mon deuxième malaise: le racisme de condescendance
Depuis au moins le XVe siècle, c’est-à-dire, depuis le début de la traite atlantique, et plus tard lors de la Conférence de Berlin ( 1884-1885), le Blanc se donne pour vocation de régler le problème des autres sans les autres.
Toutes les études prouvent que les premières victimes du racisme au Québec sont les Autochtones, les Noirs et les Maghrébins, pourtant, quand est venu le moment de nommer un ministre pour régler le problème du racisme, il faut un Blanc, pour régler le problème des autres sans les autres.
3- Mon 3e malaise est celui de la symbolique de la « minorisation » de l’autre
En politique, tout est symbolique et toute symbolique est de la communication politique. François Legault n’oserait jamais choisir un francophone unilingue pour régler le problème des anglophones. Il ne choisirait jamais un homme blanc qui n’est pas membre de la communauté LGBTQ+ pour représenter ladite communauté. Il ne choisirait jamais un homme blanc comme ministre de la condition féminine. Comment ose-t-il choisir un homme blanc pour représenter les racisés ? La réponse est implicite: pour lui, les racisés ne sont pas assez « majeurs » pour se représenter eux-mêmes. Il sont des « mineurs ». C’est le fameux « racisme de représentation » par la « minorisation » de l’autre.
4-Mon 4e malaise est « le réflexe du bon vieux nègre »
Imaginez un seul instant les représailles chez les Juifs, si François Legault avait choisi un non-Juif pour les représenter! Imaginez le désordre chez les Italiens, si Legault osait leur infliger la même insulte. Quant à nous, les Autochtones, les Maghrébins et les Noirs, on peut tout nous faire, ce n’est pas bien grave. Nous sommes devenus des immigrants et des Noirs honteux. Nous n’arrivons pas à nous indigner, car nous sommes incapables de nous défaire du réflexe du « bon vieux nègre » du Blanc. Honte à nous !
C’est à quand la prochaine bullshit de François Legault ?