Canada: une provocation signée «Lavalas»
«Le bonheur d’Haïti dépend des héros et non des zéros. Les zéros adorent la dictature. Les héros préfèrent la démocratie. Alors, « EWO BARÉ ZÉWO ».», lançait le 14 mars dernier Jean-Bertrand Aristide lors d’un discours, politiquement senti, de graduation d’étudiants de l’Université de la Fondation qui porte son nom (UNIFA).
Deux semaines plus tard, une quinzaine d’Haïtiens, menés par un de ses farouches partisans, Jean Élissaint Saint-Vil, investissent l’Ambassade d’Haïti à Ottawa et provoquent le représentant de Port-au-Prince Weibert Arthus par une question simple : « À quelle date avez-vous été ratifié par le Sénat? »
Notons qu’il s’agit en effet d’une exigence de la Constitution de 1987 amendée que Jovenel Moïse se propose de changer dans le cadre d’un référendum annoncé pour juin. Et, M. Arthus n’a pas fait le détour par le grand corps avant d’arriver à Ottawa avec son titre d’ambassadeur sous les aisselles.
M.Saint-Vil qui portait la parole au nom des protestataires ne s’en cache pas.
«Moi, je suis lavalassien. Et je l’assume.», jette-il au micro de In Texto lors d’une entrevue sur son action à l’Ambassade. Lors de sa conversation avec le journal, Jean Elissaint Saint-Vil en profite pour faire l’apologie de Jean Bertrand Aristide.
Il rappelle que depuis mars 2011, période de son retour en Haïti, à la suite d’un périple d’exil qui l’avait éconduit en Centre-Afrique, puis mené en Afrique du Sud, l’ancien chef de l’État se consacrait à l’éducation.
Son discours de mars dernier, 10 ans plus tard consacrerait son divorce définitif d’avec sa promesse de nourrir les têtes de savoir. En 2016 déjà, Jean Bertrand Aristide avait mené campagne auprès de Maryse Narcisse, la candidate de Fanmi lavalas et l’avait présentée comme l’alternative à Jovenel Moïse.
«Toute personne censée fait de la politique, dit-il, sinon vous disparaissez.»-J.E. Saint-Vil
«Son discours fait peur. Mais, ce n‘est pas seulement cela, ce sont les 747 petits Aristides qui inquiètent.», ajoute M. Saint-Vil dans une allusion au nombre d’étudiants gradués ce jour là dans les domaines de la santé, du droit, entre autres.
L’action de contestation du titre de Weibert Arthus à l’Ambassade a été menée au nom de AKASAN (Ayisyen kap soutni Ayisyen Tetkalé) et du Groupe de pression Solidarité Québec-Haïti dont Frantz André, un activiste montréalais ben connu, est membre.
«Perçus comme des terroristes…»
Mais contrairement à son collègue Saint-Vil, son allégeance à Jean Bertrand Aristide n’est pas définie et se présente comme un esprit libre politiquement.
«Je ne suis pas pro-Aristide ou qui que ce soit d’autres.», tranche le militant.
« Mais ce qui se passe en Haïti mériterait qu’on aille chercher Jovenel Moïse et l’envoyer ailleurs, comme on a fait pour Jean Bertrand Aristide.», postule Frantz André qui en veut au gouvernement canadien pour son soutien au régime Tét kalé, en Haïti.
Au sein de Solidarité Québec-Haïti il milite aussi, à travers une pétition déposée aux Communes par le député du Bloc québécois, Mario Beaulieu, en faveur d’une déclassification du procès verbal de l’ « Initiative d’Ottawa sur Haïti ».
Il s’agit d’une réunion, tenue en 2003 au Lac Meech (Québec) autour de la situation explosive d’Haïti à l’époque, entre le Canada, les USA, la France entre autres, ce qui allait donner naissance au «Core group».
Le député Beaulieu qui a déposé la pétition électronique de 648 signatures (alors qu’il en fallait 500), ne discourt pas trop sur la période. « Ce sont les Haïtiens qui m’ont demandé cela.», répond le parlementaire canadien lorsque In Texto lui demande : mais pourquoi remonter à 2003 alors que vous cherchez à dénoncer une situation actuelle?
« La situation actuelle découle de là. », soutiennent les initiateurs de la pétition.
« Nous prenons des actions qui sont nécessaires au point d’être perçus comme des terroristes… mais il ne faut pas nous percevoir comme des lavalassiens.»– Frantz André de Solidarité Québec-Haïti
« Agression verbale »
La provocation lancée au représentant de Port-au-Prince, laquelle incitation il a attrapé au bond, est vertement critiquée même dans l’entourage de Jean Elissaint Saint-Vil.
Ce dernier anime avec Roger Adam «Rendez-vous haïtien », une émission sociopolitique sur les ondes de CKCU.FM, une station de radio communautaire de l’Université Carleton, en Ontario.
La visite impromptue à l’Ambassade, le 29 mars dernier, occupait toute la place le 4 avril. Dans une série de critiques sur «la manière de faire», M. Adam stipule que M. Arthus a le droit de demander à la bande de déguerpir.
« S’il se sentait menacé, il aurait même pu appeler la GRC.», souligne le co-animateur. «Mais, qu’est-ce qu’il allait nous reprocher? », rétorque Jean Elissaint Saint-Vil.
« Agression verbale.», répond du tac au tac son collègue visiblement en porte-à faux avec le mouvement. D’ailleurs, il n’était pas présent sur les lieux.
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2 Comments on “Canada: une provocation signée «Lavalas»”
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Très bien rapporté !
Je pense que Mr Saint-Vil , en tant que Canadien , aurait du se rendre à la chambre des communes ou au bureau de son premier ministre Mr Justin Trudeau et lui faire part de ses inquiétudes sur l’acceptation de lettre de créance jugée non conforme aux prescrits de la constitution haïtienne.
Et en tant que canadien, Mr Saint-Vil a commis une infraction diplomatique grave en investissant l’enceinte de l’ambassade d’Haïti à Ottawa pour poser ce geste.
La double nationalité n’a pas encore été acceptée par l’état haïtien.
Mais c’est du “ free for all ” des qu’il s’agit d’Haïti .