Quitter Québec pour avoir la résidence canadienne

Au total, ce sont 20 000 demandes du secteur des soins de santé, 30 000 des professions essentielles sélectionnées et 40 000 étudiants étrangers diplômés que le Canada compte régulariser à partir du 6 mai prochain, date du début de ce programme spécial en immigration, sauf pour ceux qui habitent au Québec.
L’annonce a été faite mercredi par Marco Mendiccino, le ministre de l’Immigration dans le cadre de ces «politiques publiques spéciales» qui s’appliquent aux travailleurs de 40 professions de la santé, ainsi qu’à 95 autres emplois essentiels dans un large éventail de domaines, comme les soins aux personnes et la production et la distribution de nourriture.
« Le message que nous leur adressons est simple : votre statut est peut être temporaire, mais vos contributions sont durables – et nous voulons que vous restiez.», a déclaré le ministre, dans un communiqué, qui s’adresse plutôt au reste du Canada.
Pour être admissibles, les travailleurs doivent avoir au moins un an d’expérience de travail au Canada dans une profession de la santé ou une autre profession essentielle désignée. Les étudiants étrangers diplômés doivent avoir terminé un programme postsecondaire canadien admissible au cours des 4 dernières années, et au plus tôt en janvier 2017.
Pour l’ensemble des trois volets, le programme démarre assez rapidement, soit le 6 mai 2021, date à laquelle Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) commencera à accepter les demandes.
Mais au Québec les étudiants étrangers, travailleurs essentiels (en santé ou autres) seront laissés en plan. La province veut faire bande à part nous confirme le cabinet du ministre Marco Mendiccino.
« Nous avons toujours respecté les compétences du Québec en matière d’immigration, y compris leur décision de ne pas participer au programme annoncé. »-Alexander Cohen, attaché de presse ministre canadien de l’immigration
Ottawa justifie la mise en place de cette nouvelle politique par la nécessité de se rapprocher de la cible de 401 000 nouveaux résidents permanents dans le contexte de la pandémie.
- Le Canada fait face à de sérieux défis démographiques. En 1971, il y avait 6,6 personnes en âge de travailler pour chaque personne âgée. Aujourd’hui, il y en a trois seulement.
- Et d’ici 2035, il n’y en aura plus que 2. Sans les nouveaux arrivants, les générations futures devront payer davantage pour maintenir les services publics dont nous dépendons.
Lorsqu’In Texto demande au ministre Mendiccino si les travailleurs essentiels à statut précaire au Québec pourraient profiter de ce programme, il a répondu de façon hypothétique.
« Je pense que l’opportunité est là.», indique le ministre qui précise, par ailleurs, que les discussions se poursuivent avec Québec en ce sens
Contourner le CSQ
Dans l’attente des pourparlers entre Québec et Ottawa, le directeur de la TCRI invite les immigrants à statut temporaires à appliquer quand même au programme fédéral. Techniquement, il parle d’un contournement du CSQ, possible actuellement.

« Les gens n’auront qu’à appliquer sous promesse de quitter le Québec pour une autre province canadienne lors de l’obtention de la résidence.», conseille M.RichHold.
Un point de vue partagé par François Jean-Denis, consultant en immigration depuis 17 ans au Canada. Ce subterfuge aurait pour effet de creuser encore plus le fossé de la pénurie de main-d’œuvre au Québec au profit d’autres provinces au pays.
Cette décision profiterait aussi largement aux personnes dans la précarité migratoire.
- Selon Statistique Canada (janvier 2021), les immigrants qui détenaient auparavant un permis de travail signalent souvent des salaires plus élevés un an après l’obtention de la résidence permanente.
Pour le député de QS, Adrès Fontecilla, ne pas régulariser ces gens «profite aux employeurs.» «La plupart de ces gens sont payés au salaire minimum.», fait-il remarquer.
Wilner Cayo du groupe de pression Debout pour la dignité, parle, lui, de la nécessité pour François Legault de continuer de faire rouler « l’économie informelle.»
«Ces gens, on va pouvoir plus facilement les exploiter. Ils vont accepter des conditions de travail moins intéressantes.», argumente le pasteur qui se dit « choqué, dérangé profondément» par le refus de Québec de participer au programme.
«C’est assez énervant, décevant, c’est insultant pour nous.», renchérit M. Villefranche de la Maison d’Haïti.
« Biais idéologique »
Au Québec, François Legault est arrivé au pouvoir en 2018 sous la promesse électorale d’ «en prendre moins mais d’en prendre soin» des immigrants. C’était sans songer à cette pandémie au front de laquelle le peu d’immigrants sont actuellement.
Soumis à de fortes pressions médiatiques et communautaires, le premier ministre québécois avait fini par concéder (en décembre 2020) de bâtir avec Ottawa un programme « très, très restreint » de régularisation des anges-gardiens
Il s’agit d’une poignée de préposés.es aux bénéficiaires qui travaillaient dans les Centre hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD). À date, moins d’une centaine de certificats de sélection du Québec (CSQ) ont été délivrés, tellement les critères d’admissibilité sont élevés et que « les embuches administratives sont légion ».
« Moi, je pense que c’est de l’ordre de l’obstination de la part de M.Legault qui a fait une promesse électorale de mettre le couvercle sur le nombre d’immigrants qui vont être résidents.», fustige Stephan RichHold, directeur général de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI).
Pour Andrès Fontecilla, député de Québec solidaire (QS) à l’Assemblée nationale, le comportement du parti au pouvoir, la Coalition avenir Québec (CAQ), n’a rien de politique. Il va même jusqu’à penser que ce parti ne peut plus sentir ceux qui viennent d’ailleurs.

« Je ne peux attribuer cette attitude à un certain biais idéologique. Je commence à arriver à la conclusion que la CAQ n’aime pas les immigrants.», dit-il.
Au sein de la CAQ, on est plutôt très économe de commentaire sur le sujet. La ministre Nadine Girault fuit les médias comme de la peste sur ce dossier. Fin janvier, la directrice de la Maison d’Haïti (MdH), Marjorité Villefranche, l’interpelle lors du Sommet des jeunes des communautés noires (SdesJ).
« Est-ce qu’on peut espérer que, à un moment donné, vous l’élargissiez ( le programme) à tous les travailleurs essentiels?», lui lance Mme Villefranche.
« On reste en contact là-dessus… On se reprendra là-dessus.», lui répond à la va-vite la ministre. In Texto a vérifié auprès de la responsable de MdH s’il y avait un suivi sur ce dossier.
«Mais pas du tout, il y a pas de contact, on a envoyé des lettres et tout… Je pense que c’est une attitude qui est typique du gouvernement actuel : quand ils veulent quelque chose…alors là, ils ne vous répondent plus.»-M Villefranche.
Si la Maison d’Haïti n’a plus aucun contact du tout, ce n’est pas le cas pour le ministre canadien de l’immigration. M Mendiccino parle de discussions régulières avec Nadine Girault sur la participation éventuelle de Québec à ce programme.
« Il y a des communications qui sont très claires et transparentes et on va continuer de chercher des solutions concrètes pour délivrer tous les travailleurs, tous les immigrants que le Québec a besoin.»-M Mendiccino.
Le faire sans Québec?
C’est l’argument de toujours du consultant en immigration François Jean-Denis. Pour lui, Ottawa n’a pas nécessairement besoin de Québec pour inclure les résidents de la province sans résidence permanente.
Un avis partagé par Marjorie Villefranche de MdH qui rappelle que, à l’inverse, Québec l’avait fait par le passé sans Ottawa.

« Lors du tremblement de terre de 2010 en Haïti, le fédéral avait dit qu’il ne voulait pas mettre un programme sur pied. Et c’est Qc, avec Jean Charest, qui l’avait fait. Et, Ottawa n’avait pas le choix que de suivre.»-M.Villefranche
Les spécialistes en immigration sont plutôt partagés sur la question. Stephan RichHold a une opinion bien différente et qui se rapproche de celle d gouvernement fédéral.
« Le fédéral ferait jamais cela car cela déclencherait une crise constitutionnelle. », croit-il. C’est ce que maintient le ministre Mendiccino lorsque In Texto l’interroge sur la question.
« En vertu de l’Accord, le Québec a le pouvoir exclusif de sélectionner la majorité des immigrants dans sa province et de déterminer leurs cibles d’immigration annuelles», nous écrit A Cohen, attaché de presse du ministre Mendiccino.
Ce qui fait que l’inverse, en matière d’immigration entre Ottawa et Québec, n’est pas aussi vrai.
Ils ont dit
« Expliquez-moi, comment se fait il que le gouvernement Canadien, de M. Trudeau, peut continuer à faire de l’ingérence politique, entre autres en Haïti, nous imposer nos dictateurs, et ne peut pas, ou ne veut pas imposer à notre dictateur local au Québec, M. Legault, un programme qui est juste, équitable et humain. »- Frantz André de Solidarité Québec-Haïti
« Que dira l’histoire de nous, de vous, qui restez impassible, devant cette grande injustice, ce crime contre l’humanité? »-F André
«L’obstination de Qc ne profite à personne, sauf peut-être les électeurs de la CAQ qui sont contents. Je ne sais pas.., il faudrait aller voir les sondages… »-Stephan RichHold de la Table de concertation des personnes immigrantes et réfugiées
« Je pense que c’est possible. Cela ferait un peu de bagarre. Mais quelque part… »-Marjorie Villefranche de la MdH
« Je les (Québec) trouve très chiche, le vrai mot c’est mesquin. Ils sont très mesquins. »-M.Villefranche
Vous pourriez aussi aimer!
2 Comments on “Quitter Québec pour avoir la résidence canadienne”
Comments are closed.
good job
Le Québec de mes rêves s’est évaporé en 2018 juste lorsque mon rêve voulait devenir une réalité. Je regrette tout ce que j’ai perdu pour venir vivre au Québec. Je suis prête à quitter Québec pour poursuivre mon rêve ailleurs.