Repentigny: quatre cas de profilage devant les tribunaux
La Ville de Repentigny et son Service de police viennent d’être condamnés à payer à Leslie Blot, un ancien résident noir de la ville, 38 400 dollars en dommages matériels, moraux et punitifs « pour profilage et traitement différencié » à son égard .
Il s’agit du 4e Noir a avoir eu gain de causse contre Repentigny par devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) après celui de François Ducas et de deux jeunes deux jeunes noirs interpellés en 2013 près de la Marina de Repentigny alors qu’ils étaient mineurs.
« On parle de 115 000 dollars au total pour les quatre dossiers, plus les intérêts qui vont s’accumuler advenant que la Ville perde devant les tribunaux des droits de la personne. », souligne Fo Niémi, en conférence de presse ce dimanche devant le Marché Wilmar sur la rue Brien.
« C’est une satisfaction morale. Je suis content de la décision. Mais on n’est pas dupe, je pense que la Ville va tenter de contourner la décision. Mais, nous on va aller jusqu’au bout. C’est garanti. »-Leslie Blot
Les faits
En juillet 2017, alors qu’il gonflait des ballons pour enfants à partir de la batterie de son véhicule garé devant chez lui avec son frère, deux policiers les ont apostrophés :
« Qu’est-ce que vous faites ici, vous autres? On ne vous a jamais vu dans le coin.», leur demandent les agents. Leslie Blot ne répond pas.
Les policiers reviennent à la charge en lui demandant de s’identifier, ce qu’il refuse de faire. Lorsque M. Blot leur demande la raison de leur intervention auprès de lui, la patrouille argue qu’il est en contrôle d’un véhicule «sur la route».
La voiture était garée au bord de la rue et M. Blot n’était pas au volant, ni même à l’intérieur. En bout de ligne, la patrouille administre plusieurs tickets (pour plus de 1000 dollars) à M. Blot pour «blasphème, refus de s’identifier, pas de papiers de véhicule et d’assurance», et cetera.
« Pourtant, ils ne m’ont jamais demandé les papiers de l’auto.», affirme, en entrevue à In Texto, l’ancien résident de Repentigny. Son frère qui filmait la scène a été agressé par les policiers.
Mais, les fichiers étaient encore dans la corbeille du téléphone, ce à quoi ils n’ont pas pensé. Leslie Blot a été voir un informaticien pour ressortir les preuves. Lorsque son avocat faisait valoir ces éléments lors des audiences préliminaires, la Couronne, la Ville ont repoussé la date du jugement au moins trois fois.
«La 4e fois, ils ont décidé d’abandonner toutes les charges en 2018.»-L. Blot.
« On est un peu inquiet.»
C’est cette cause-là qu’il vient de gagner devant la CDPDJ et que la Ville pourrait contester éventuellement.
« Historiquement les services de police ont toujours contesté les décision de la CDP en matière de profilage racial. Dans les trois autres cas, la Ville ne s’est pas conformée. On est certains qu’elle va retenir les services des avocats externes.», rappelle Fo Niémi du Centre de recherche action sur les relations raciales (CRARR).
« On est un peu inquiet.», indique de son côté Pierre-Richard Thomas de Lakay média, l’organisme local qui aide les victimes de profilage à se défendre.
« Dans la majorité des cas, la Ville fait appel de ces décisions. Mais ça ne doit pas décourager les gens à déposer des plaintes. Car, finalement, il y a des décisions qui vont tomber.»-P. Richard Thomas
Pour lui, «la Ville de Repentigny vit dans le déni» par rapport au profilage racial. Le dirigeant de Laka média accuse les autorités municipales et policières de « tourner autour du pot et tenter d’évacuer le problème. »
Le crime et la métropole
La CDPDJ propose plusieurs mesures de redressement et préventives à la Ville afin de corriger la situation
- Une formation sur le profilage
- Un recueil et la publication systématique de données sur la race des personnes interpellées
- Une politique sur l’usage et la saisie de téléphones cellulaires et de caméras qui précise le droit des citoyens de filmer
Dans un Plan stratégique de lutte contre la criminalité élaboré en 2016, et dont In Texto a obtenu copie, le SPVR ne fait état aucunement de la question.
« Aucune section de ce plan ne fait état d’objectifs ou de projets quant au profilage racial à proprement parler.», note l’enquêtrice du dossier Blot dans son « Exposé factuel » réalisé en octobre 2020.
Toutefois, « Le plan note la proximité de la métropole et l’arrivée du train de banlieue qui est propice à l’émergence ou à la croissance du phénomène de criminalité… et que le SPR mettra des stratégies afin de prévoir et de contrer ces nouveaux phénomènes.»
La Directive opérationnelle de ce plan est entrée en vigueur en mai 2017. Or, l’incident avec M. Blot est arrivé en juillet 2017.