Pourquoi je ne voterai pas pour Denis Coderre et son équipe
Voici un article que j’ai publié en 2017. Je le reprends en changeant le titre
Vous me direz que cela prendra plus temps pour décortiquer le complexe de facteurs à prendre en compte dans l’analyse d’une défaite aussi cuisante et immédiate que celle de Denis Coderre aux municipales de 2017. C’est vrai. Toutefois, un texte d’opinion (cela va sans dire) n’est ni un mémoire de maîtrise ni une thèse de doctorat. L’analyste en moi peut donc se permettre de livrer à chaud son impression, quant aux raisons qui pourraient expliquer la défaite électorale de Coderre aux municipales du 5 novembre dernier. Il va sans dire que les lecteurs sont invités à compléter ce qui leur paraitra insuffisant:
1- Un politicien d’un autre siècle
Au sommet des raisons qui expliquent la défaite de Denis Coderre, trône son style en tant que politicien. Denis Coderre est un animal politique habile, fin communicateur, doté d’un puissant flair politique. Toutefois, son style est d’un autre siècle: il est roublard, arrogant, baratineur et rusé. Bref, un politicien traditionnel.
ll cache des faits et des chiffres à son électorat, quand ils ne correspondent pas à ses attentes. il fait usage d’un vocabulaire élastique pour éviter de reconnaitre des faits et de dire toute la vérité (un bullshiter). Il dirige la Ville, comme si elle lui appartenait en propre. Il intimide des journalistes, des fonctionnaires, des politiciens, voire des policiers. Et quand il est pris les culottes baissées, il ment sans vergogne ( bold face lie), comme dans l’affaire du chèque de 25 000 dollars( ou du cellulaire). Son style est celui d’un autocrate, d’un paternaliste, d’un mononcle, qui ne correspond plus aux attentes modernistes et de fraicheur de la population montréalaise.
En outre, Denis Coderre change les règles quand elles ne lui sont pas favorables (pensez aux contrats accordés sans appel d’offre à des amis de la classe d’affaires). Ce n’est guère étonnant que la classe d’affaires l’ait soutenu aux dépens de Valérie Plante. De plus, Il ne semble pas croire au principe de la reddition de comptesen démocratie: il refuse de publier ses déclarations d’impôts comme Donald Trump. Il peut imposer un projet à une population sans la consulter. Il ne semble pas croire non plus à la nécessité d’une opposition forte en démocratie. Et pour cause! il l’affaiblit, il la coopte, l’instrumentalise (pensez à Richard Bergeron) en offrant des postes à ses membres. Ce n’est guère étonnant que ses modèles en politique soient Jean Drapeau ou Jean Chrétien, qui sont justement d’un autre siècle.
Curieusement, la défaite de Denis Coderre me rappelle celle de Winston Churchill ( juillet 1945) et de Charles De Gaule( avril 1969). Comme lui, ces hommes ont été utiles pendant un moment important de l’histoire d’une collectivité; mais ils se sont aliéné l’électorat par la suite, parce qu’ils étaient d’un autre siècle.
À l’opposé, son adversaire, Valérie Plante, fait figure de modernité, de fraicheur, d’écoute et de jeunesse.
2- Un moment féminin
En politique occidentale des temps modernes, il y a ce qu’il convient d’appeler un « moment féminin ». Le contexte ambiant de dénonciation par les femmes des agressions sexuelles a contribué à rendre plus sympathique Valérie Plante et plus antipathique Denis Coderre. Il n’y pouvait pas grand-chose. À la blague, pendant la deuxième partie de la campagne électorale, on a fini par appeler Denis Coderre, « Monsieur bougon », et Valérie Plante, « Madame sourire ». Et dans un contexte social, où plane un doute diffus et imprécis d’agressions sexuelles sur plusieurs hommes puissants; que de voir une jeune femme, belle, souriante et intelligente se lancer dans une improbable course contre un vieux lion comme Denis Coderre, l’électeur s’est surpris à souhaiter l’arrivée d’une femme comme Première citoyenne de la ville, question d’essayer un autre style de gestion. Bref, un « style féminin » de gestion publique .
3- La course à deux
Je l’ai déjà dit, sous son administration, tant par habileté politique que par roublardise politicienne ou de politicard, Denis Coderre a coopté l’opposition en lui offrant des postes dans son conseil exécutif. Résultat? Pendant 4 ans, il a su se donner des coudées franches pour réaliser des projets appréciables, mais aussi des lubies de politicien narcissique (Songez à la commémoration du 375e et de la Formule E).
Toutefois, cette tendance politicienne, machiavélique et antidémocratique à réduire l’opposition à une peau de chagrin a fini, par un effet pervers, (l’ironie de l’arroseur arrosé) par favoriser l’émergence de Valérie Plante. Elle était désormais seule contre Denis Coderre. Ce dernier ne pouvait plus compter sur la division des votes de l’opposition (comme en 2013) pour se faufiler jusqu’à sa réélection. Désormais, toute l’insatisfaction contre Coderre était cristallisée en une seule personne: Valérie Plante. La course à deux que Denis Coderre a créée de ses propres mains manichéennes et machiavéliques a favorisé son adversaire.
4-La sous-estimation de l’insatisfaction populaire
Peu importe la grille d’analyse utilisée pour saisir la personnalité de Coderre, il appert qu’il est un narcissique. Il s’aime plus qu’il ne le faut. Il aime s’entendre à la radio et se regarder à la télé. Il est partout. D’où la formule « omnimaire » qui lui colle à la peau. Sauf qu’à force de s’admirer, il en est venu à se créer un univers parallèle, où tout va pour le mieux; à sous-estimer et à banaliser les raisons qui pourraient amener la population à ne plus l’aimer: demi-vérités, mensonges éhontés, ego surdimensionné, cônes orange, des projets pharaoniques, les chiffres décevants et cachés de la saga de la Formule E, incitation indirecte à faire de la filature sur des journalistes, etc. Bref, en tant que narcissique, Denis Coderre, ne comprend pas qu’on ne puisse pas l’aimer. C’est un biais qui obscurcit son jugement et l’empêche d’évaluer justement la grogne dans la population. Avant lui, Néron était aveuglé par sa personnalité narcissique.
À l’opposé, Valérie Plante avait l’air d’être à l’écoute et humble. Or, en politique aussi, l’humilité rapporte! Qu’on se le tienne pour dit!
5- Sa conception du leadership est faussée
Denis Coderre confond « leadership et pouvoir ». Il semble ignorer que si le leadership est un trait personnel inné ou acquis (c’est selon), Par contre, en démocratie, le pouvoir est toujours une « attribution ». À cet égard, Denis Coderre pèche par excès. Il s’est donné (arrogé serait un bien meilleur verbe) des pouvoirs que personne ne lui a jamais attribués. Exemples non exhaustifs: il veut construire un stade de baseball envers et contre tout. Avec ou sans l’approbation de la population. Avec l’argent du contribuable…
Il lance le projet pharaonique du 375e anniversaire de la ville. Pourquoi célébrer le 375e et ne pas attendre le 400e anniversaire? C’est que l’homme veut rentrer dans l’Histoire. Coût de l’opération? 1 milliard de dollars. À l’opposé, le Canada, (2e plus grand pays du monde après la Russie) fête ses 150 ans modestement pour la modique somme de 500 mille dollars. Trouvez l’égo dans tout cela!
À l’opposé, Valérie Plante dit candidement qu’il n’y aura de stade de baseball que si la population le réclame clairement dans un référendum. Cela s’appelle du leadership participatif. C’est ce que l’électeur moderne veut. À bon entendeur salut!
6- Il n’a pas de [nouveau] programme
Pendant toute la campagne électorale, Denis Coderre s’est contenté d’inviter la population à « voter pour la continuité » . À l’opposé, Valérie Plante nous fait rêver à « une ligne rose », à des logements familiaux et abordables, à un transport en commun plus accessible et plus attrayant. Vous me direz que ce ne sont que des rêves…. Peut-être; mais en politique, les rêves sont fédérateurs. À cet égard, un ancien Gouverneur de New York, Mario M. Cuomo, a dit qu’« il faut faire campagne en poésie et gouverner en prose ». Denis Coderre a tout simplement cessé de « nous donner envie d’avoir envie », selon les paroles de Johny Halliday.
7- Il aura été un maire de transition
Tout porte à croire que la population voulait élire Denis Coderre pour un seul mandat (2013-2017) avec un seul objectif: redonner confiance au Montréalais après les horribles années de l’ère Gérald Tremblay. À cet égard, il a accompli un travail franchement appréciable. Sauf que ladite mission une fois accomplie, l’électorat le remercie et le congédie. Winston Churchill a connu le même sort après 1945. Le héros britannique de la Deuxième Grande Guerre a perdu les élections du 5 juillet 1945. Charles de Gaulle, le fondateur de la Ve République, a dû quitter, la queue sous le ventre, en avril 1969. C’est ingrat. Mais c’est la politique! Allez-vous m’aider à compléter l’analyse ? J’y compte désespérément… Figurez-vous!