Profilage racial: un marathon pour dénoncer et financer les victimes
Me Fernando Belton et Me Nada Boumeftah lors de la première édition du Marathon: "Lumière sur le profilage racial"
Un bel après-midi d’été 2019, Mike, son frère et un de ses amis qui possède une Cadillac de l’année, décident de se faire une tranche de pizza, à Montréal. Sur la route de la pizzeria, une patrouille de six véhicules de police (12 policiers au total) les interceptent et demandent au chauffeur de soumettre ses papiers.
«Le temps de leur demander pourquoi, les agents l’ont pris par le cou et l’ont sorti avec violence, pied et genou sur lui par terre. Ils nous ont tirés du véhicule de la même manière aussi.»-Mike
On a compris par la suite que les flics cherchaient des suspects d’un acte qui venait de se produire et que selon eux on avait la description des suspects.
« Ils nous ont quand même donné des tickets pour non port de ceinture alors qu’on les avait tous. On a contesté et on a perdu malgré tout. », raconte Mike lors du premier Marathon, « Lumière sur le profilage racial », tenu le 20 juin 2020 sous la direction de la Clinique juridique de Saint-Michel (CJSM). La Clinique remet ça ce samedi de 11h à 23 h sur Facebook et Insatgram
« Cela nous a permis de voir qu’il y a véritablement un problème important et qui perdure.», souligne l’avocat Fernando Belton, fondateur de la clinique juridique.
Il s’agit pour lui de donner la chance aux victimes de s’exprimer et de montrer toutes les facettes de la problématique.
« Moi comme avocat qui travaille en matière de profilage, il y a de ces histoires qui me frappent de plein fouet et je n’en reviens pas parfois de les entendre.»-F. Belton
La première activité a permis « d’ouvrir des portes », note Me Belton. Des médias généralistes se sont mis à s’y intéresser de plus près. Radio-Canada, par exemple a réalisé par a suite un documentaire dans le cadre de son émission Enquête sur le sujet.
Des universités canadiennes en ont monté un cours avec la clinique afin de former les futurs avocats sur la question. Des étudiants de l’université d’Ottawa y ont assisté l’été dernier et l’UQAM se prépare à dispenser ce cours qui est assuré par Me Fernando Belton,
Sur le plan politique, le marathon obtient le soutien financier du premier ministre François Legault, de son ministre à la lutte contre le racisme Benoit Charrette et du premier ministre du Canada Justin Trudeau. Il est possible de faire un don ICI
Des victimes désœuvrées face à l’État
En plus de démontrer l’existence irréfutable du profilage à travers les témoignages, le marathon vise aussi à amasser des fonds en vue de venir en aide aux victimes.
Car souvent, face au ministère public, en l’occurrence l’État, avec des ressources illimitées, ceux qui subissent les contrecoups du profilage ne font pas le poids financièrement.
« Pour un ticket de 150 dollars, cela m’a pris trois jours de procès à la Cour municipale pour défendre un client victime de profilage. Si je devais calculer mon taux horaire, il n’allait pas être défendu.», illustre Me Fernando Belton.
Mais le plus gros problème ici au Québec est lié à une absence de loi et de jurisprudence en matière de profilage contrairement à l’Ontario.
« Québec est vraiment en retard de ce côté-là. », dit-il.
« On a beaucoup de jugements de principe au niveau de la Cour d’appel de l’Ontario qui trace les bases des principes juridiques qui doivent être appliqués par les tribunaux de premières instances. Or, ici il n’y en a aucun.»-F Belton
Le système en Ontario reconnait les preuves circonstancielles ou indirectes en matière de profilage. Mais le droit québécois, lequel est très civiliste, tend vers des liens de causalité, le préjudice, la fraude, tout « un trio qu’il faut prouver devant les tribunaux. »
Le marathon : Lumière sur le profilage racial
Le but du marathon était de rassembler l’ensemble de la société et de l’amener à contribuer à la lutte contre toutes formes de discrimination et de racisme systémique. Le marathon comprenait une cinquantaine de victimes de profilage racial qui ont eu l’opportunité de se faire entendre et d’obtenir du support dans leur processus.
Leurs témoignages ont aussi permis de démontrer des exemples concrets de cas de profilage racial survenus au Québec. Le marathon fut aussi un moyen de vulgariser l’enjeu de manière à donner de l’information juridique à tous et à toutes.
Finalement, l’événement fut également une activité de financement pour la CJSM qui lui a permis de financer les services juridiques qu’elle offre aux victimes de discrimination et de profilage racial.
En d’autres mots, ce soutien financier concrétise les services que fournit la CJSM aux victimes qui, autrement, n’auraient pas les moyens de faire valoir ou de défendre leurs droits.
Me Fernando Belton, Me Nada Boumeftah et le comédien Renzel Dashington étaient les trois animateurs principaux de cet évènement. Les réactions et les commentaires positifs à la suite du marathon ont incité la Clinique juridique de Saint-Michel à vouloir reproduire cet évènement à chaque année afin de favoriser la poursuite de sa mission, qui est de combattre le profilage racial.