Repentigny/Déontologie: « Est-ce qu’il un biais favorable aux policiers ?»
Au moins quatre personnes, dont deux résidents noirs de Repentigny et un père blanc d’un fils biracial, brisent le silence sur leur expérience « peu positive » avec le système de déontologie policière à Repentigny, en ce qui a trait au processus de traitement des plaintes.
Le traitement comprend une conciliation obligatoire, sauf pour quelques exceptions, et est souvent biaisé en faveur des policiers d’après eux. Cela entraîne, entre autres, du traumatisme et des inconvénients additionnels ainsi qu’une perte de confiance à l’endroit de la justice.
Le Centre de recherche action sur les relations raciales (CRARR) parle d’une douzaine de plaintes qu’il a déposées au nom de victimes. Elles ont toutes été « fermées avant ou après la conciliation. »
« Or, leurs plaintes concernant les mêmes faits ont été validées par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec (CDPDJ) et portées devant le Tribunal des droits de la personne ou la Cour du Québec (sauf une qui attend la décision de la CDPDJ) .» , fait toutefois remarquer Fo Niémi, le directeur général du CRARR.
« Est-ce une coïncidence que malgré toutes plaintes à Repentigny, aucune n’a pu aboutir au Comité de déontologie policière ? », se demande François Ducas, un enseignant qui a été interpellé, arrêté et menotté en décembre 2017 et qui a gagné sa cause devant le Tribunal des droits de la personne en juillet 2022 (sa plainte au CDP a été fermé en 2018).
« La déontologie policière, par expérience, pour moi c’est un groupe contre les citoyens. C’est une parodie de justice dans le sens que le policier a sa bande et il aura toujours raison. » ajoute M. Ducas qui croit que la déontologie « cela ne devrait même pas exister »
Au cours des sept dernières années, il n’y a aucune décision du Comité de déontologie policière qui concerne le profilage racial à Repentigny.
« Est-ce qu’il un biais favorable aux policiers ou est-ce qu’il y a quelque dans la pratique au niveau de la commission. », s’interroge M. Niémi.
Il compte soulever ces questions avec la nouvelle commissaire qui est en poste depuis quelques mois à Repentigny. Pourtant, à Laval, Longueuil et à Montréal la situation est bien différente selon le responsable du CRARR.
Après le dépôt d’une plainte, le Commissaire peut ordonner une conciliation s’il juge la plainte recevable. Après la conciliation sans règlement à l’amiable, le conciliateur dépose un rapport au Commissaire adjoint que les parties ne voient pas et à partir duquel celui-ci statue pour fermer le dossier.
Les failles de conciliation
En cas de fermeture de dossier, les plaignants ont 15 jours pour déposer une demande de révision auprès du Commissaire.
Dans 3 des cas actuels, et dans 6 autres dossiers impliquant Repentigny, le Commissaire a fermé le dossier. Dans un cas, le plaignant a subi beaucoup de pression pour régler durant la conciliation, ce qu’il a fait éventuellement, à contrecœur, dénonce le CRARR dans un communiqué.
Selon les plaignants, le processus de conciliation comporte les failles suivantes :
- Selon la Loi sur la police, un plaignant ne peut être accompagné que d’un seul accompagnateur et peut se trouver, dans la salle de conciliation, face à trois ou quatre policiers qui ont droit chacun à un représentant, donc une présence intimidante ;
- Certains conciliateurs ne comprennent pas la notion de discrimination ou de profilage racial et prennent parfois position en faveur de la version policière, à cause de ceci ;
- Le conciliateur reste après la conciliation et le départ du plaignant pour discuter avec les policiers faisant l’objet de la plainte.
Avant 2019, la conciliation était tenue au sein du quartier général du service de police concerné. Le Commissaire a changé cette pratique en 2019 suite à la demande du CRARR après la fermeture du dossier de monsieur Ducas.
L’un des éléments les plus problématiques du système de déontologie policière est l’article 192 de la Loi sur la police, qui permet aux policiers visés par une plainte de ne pas collaborer avec l’enquête du CDP.
Selon les données du rapport annuel 2020-2021 du Commissaire, des 2 407 plaintes reçues, 665 conciliations ont été décrétées (27,6%) et seulement 220 dossiers ont fait l’objet d’enquête après conciliation (22,5%). Après enquête, il y a eu 82 citations des policiers devant le Comité de déontologie policière. Le rapport annuel n’a pas indiqué le nombre total de plaintes impliquant Repentigny.