Racisme: l’enfer d’un col bleu noir à Rivière-des-Prairies
Excréments, crachat sur son cadenas, casier défoncé, vol de bottes de travail, insultes racistes, Maxime Charles, un col bleu de l’arrondissement Rivière-des-Prairies est passé par toutes les émotions entre 2019 et 2023. En avril dernier, il a finalement craqué et est parti en maladie en raison des mauvais traitements psychologiques mais aussi physiques qu’il a subis dans l’exercice de son métier sans que son employeur puisse intervenir adéquatement selon lui.
« Après m’avoir harcelé au téléphone, un de mes collègues, blanc, qui est opérateur de machine, est venu sur les lieux du travail et m’a frappé à la poitrine et m’a donné une bourrade », raconte l’employé en entrevue à In Texto. Il dit s’être tempéré pour ne pas en venir aux mains avec lui et a souri pour désamorcer la situation.
Les déboires de Maxime Charles ont commencé alors qu’il est devenu délégué syndical. À ce titre, il a défendu avec vigueur, dit-il, une collègue noire qui faisait l’objet d’une mise à pied injustifiée.
Le col bleu travaille à l’Aréna en 2019. Un matin, il arrive sur la glace et constate que le plancher est tapissé de dessins et de messages qui lui sont destinés, partout.
« Il y avait des ‘’Go, go, go Maxine!’’, des emojis démoniaques, des dessins de singes, des bonhommes pendus, des pénis partout», se souvient-il.
Deux plaintes à la police sans suite
L’épisode des excréments sur son cadenas, le 14 avril dernier, a fait débordé son vase et Maxime Charles a fait un « burn out », ce qui l’a plongé en congé maladie depuis.
«À partir de ce moment, je me suis dit : là, je n’en peux plus. Cela fait quatre ans que je me bats avec ces bandits-là. L’employeur ne me donne pas de sécurité. Je me plains, et cela se passe dans le beurre. J’appelle la police et il ne se passe rien», dénonce le col bleu en entrevue.
En 2019 il a porté plainte à la police tout comme en cette année 2023. L’enquêteur au dossier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) lui a annoncé qu’il avait fermé le dossier, sans suite. «Il m’a dit lorsqu’il m’a appelé au téléphone que lorsqu’il me menaçait, mon collègue, j’avais ri», rapporte M. Charles.
«Quand j’ai ri, c’était pour moi un système de défense et lui dire que je ne voulais pas nous battre», explique-t-il. Sa plainte de 2023 est aussi tablettée comme celle de 2019 chez le SPVM qui évoque une absence de preuve. «La police m’a dit que les caméras n’ont rien vu et donc ils ne peuvent rien faire», peste M. Charles.
RDP-PAT dit avoir pris des actions
L’employé de l’arrondissement déplore que la ville a préféré déplacer le problème en transférant son agresseur à la section parc et horticulture au lieu de le sanctionner. Pire encore, Maxime Charles devait encore travailler avec lui, une fois la saison d’hiver terminée.
L’arrondissement de RDP affirme dans un courriel au journal que dès la prise de connaissance « des événements inadmissibles vécus par l’employé concerné », la ville «a immédiatement entrepris des actions concrètes impliquant la Diversité, équité, inclusion, respect de la personne (DEIRP) et le syndicat ».
«Nous faisons en tout temps des enquêtes rigoureuses et prenons actions envers les fautifs lorsque requis au terme de celle-ci », indique la porte-parole de l’arrondissement RDP-PAT, Maïka Bernatchez.
Voici la liste des mesures en question.
- Plusieurs rencontres des gestionnaires avec les employés pour passer le message clair de tolérance zéro quant à la discrimination et au racisme
- Nous avons procéder à la nomination d’une conseillère équité/diversité/inclusion (ÉDI) qui aura notamment comme mandat de réaliser une plan d’action EDI en collaboration avec les employés et gestionnaires de l’arrondissement.
- Des ateliers de sensibilisation sur la lutte au racisme et aux discriminations, sur la respect et l’équité en milieu de travail sont en cours de planification pour l’année 2024 et seront offertes à l’ensemble des gestionnaires et employé(e)s de l’arrondissement.
- L’arrondissement compte faire appel aux nouvelles instances et outils mis en place par la nouvelle Politique du respect de la personne de la Ville, en vigueur depuis le 4 décembre dernier.
De plus, la directrice de l’arrondissement, Valérie Gagnon, a communiqué avec M. Charles afin de l’assurer de son support, de s’enquérir de son état et de lui faire part des ressources qui étaient disponibles pour lui selon les communications de la ville.
«Lorsqu’elle m’a appelé, c’était plus pour me dire : tu sais, si tu restes à la maison, cela va leur montrer comme si tu n’es pas capable. Moi j’ai dit : ok, si tu veux que je guéris faites de quoi, prends des mesures, donne des sanctions», précise de son côté Maxime Charles.
Il ajoute qu’il est « épuisé et n’a plus confiances aux ressources humaines de la ville ni aux syndicat». Son grief doit être entendu d’ailleurs, en février 2024. Voilà pourquoi, l’arrondissement se refuse à tout autre commentaire pour le moment.