Terrebonne: attaquées à la hache par leur voisin blanc
Ika, Destiny et Linda Barthold accompagnées des resposables de la Coalition rouge dont Alain Babineau
Oubliant ses clés, Destiny, la fille de Linda Barthold, ne pouvait pas rentrer dans la maison de Terrebonne avec ses trois amies le 21 novembre dernier. Elle attend le retour de sa mère qu’elle prévient de son oubli, dans l’entrée de stationnement lorsqu’un homme blanc encagoulé, leur voisin, s’amène couteau et hache à la main chez eux.
«Il cogne violemment sur la vitre de leur voiture et il leur dit: bande négresses si vous ne quittez pas mon quartier. Je vais toutes vous tuer», raconte Mme Barthold en conférence de presse au local de la Coalition Rouge, l’organisme qui l’aide à se défendre face à tout un système raciste selon elle.
L’homme a fracassé la vitre avec sa hache et a tenté de les agresser au couteau. La conductrice a dû quitter le stationnement en trombe pour éviter le pire et l’agresseur leur a lancé la hache à ce moment-là, ce qui aurait pu tuer Destiny, estime la mère.
Mme Barthold raconte que l’opératrice au 911 était vache avec sa fille au téléphone le soir de l’événement, lui criait après au point qu’elle lui a demandé de raccrocher le combiné. Elle a dû se présenter elle-même avec sa fille, le lendemain, au poste de police pour la déposition de la jeune Destiny.
Aucune patrouille n’est venue dans les jours qui ont suivi et ce n’est que le 5 décembre, plus de deux semaines plus tard que le Service de police de Terrebonne a mis un enquêteur au dossier. Et ce grâce aux interventions de la Coalition rouge, l’organisme qui les aide à se défendre.
«Je trouve cela dégueulasse. Si c’était quatre filles blanches qui se faisaient attaquer par un Noir, mon quartier serait tourné en désastre à chercher cet agresseur», peste Linda Barthold devant les médias.
L’organisme Lakay qui milite en faveur des droits des personnes racisées dans Lanaudière, note que «des actes haineux comme cela, ce n’est pas la première fois que cela se produit. Mais son directeur Pierre-Richard Thomas déplore le comportement des autorités dans la région.
Quatre semaines après
«Mais c’est surtout l’attitude de la police lorsque cela arrive. Ce qui fait les personnes noires hésitent à les appeler. Il arrive souvent que la police ne les croit pas ou qu’elle les prenne au contraire pour les bourreaux», dit-il.
Personne n’a pris la situation au sérieux déplore Mme Barthold. «La police nous a simplement mis de côté trop occupé à faire du profilage racial dans Terrebonne», ironise-t-elle. Un mois après l’incident, madame Barthold a été informée que les policiers auraient identifié un de ses voisins comme suspect dans cette affaire.
Un homme de 51 ans a été subséquemment arrêté et accusé d’agression armée, menace de mort et méfait. Toutefois, l’agresseur a été remis en liberté avec des conditions d’éloignement et de non contact avec les victimes.
«Oui il y a eu une arrestation, mais cette personne est encore libre avec des conditions. Imaginez qu’on doit vivre avec cela tous les jours l’angoisse qu’il se remette à nous attaquer», fait remarquer la victime dont la fille est traumatisée.
Destiny, présente lors de la conférence, ne pouvait plus retenir ses larmes au moment ou sa mère racontait ce qui s’était passé. Elle a dû quitter la salle en larmes.
«Je ne dors plus la nuit à vérifier plusieurs fois si mes portes sont barrées, si tous mes enfants sont là. En gros je joue le rôle de la police», confie celle qui vit avec six enfants à la maison.
Trois plaintes en vue
Pour le fondateur et directeur exécutif de la Coalition rouge, Joel DeBellefeuille, «il s’agit d’un événement qui rappelle une ville raciste du sud des États-Unis dans les années 1950. » «L’absence de réaction rapide de la part des forces de l’ordre est extrêmement discutable », ajoute M. DeBellefeuille qui évoque de nombreux rapports sur le comportement discriminatoire des forces de l’ordre à Terrebonne, Repentigny et Mascouche. «Que se passe-t-il dans cette région ? » se demande le fondateur de la CR.
«Il existe un problème très profond de racisme systémique au sein du service de police de la ville de Terrebonne », répond Alain Babineau, Dir. Du profilage racial et de la sécurité publique de la Coalition Rouge.
«Le fait de ne pas effectuer d’enquête ou d’offrir une protection policière adéquate aux victimes d’un crime en raison de la race est le revers du fait d’effectuer une surveillance policière excessive et des interpellations en raison de la race», ajoute-il.
La CR se prépare à déposer plusieurs plaintes en déontologie en raison du traitement inadéquat de la plainte des victimes, à la Commission des droits de la personne et au civil contre l’agresseur au nom de la famille Barthold.
«On va soumettre une lettre au procureur pour que l’aspect de la race soit retenu au dossier afin d’avoir une incidence au niveau de la peine », annonce M.Babineau. D’autant que, à Terrebonne, il y a un historique en matière de racisme et profilage racial. La famille Barthold, arrivée il y a quatre ans dans le coin, a eu des soucis avec les voisins également dès le début.
Certains appelaient régulièrement la police pour faire des descentes chez elle sous de faux prétextes. «J’ai eu des menaces avant. Il y avait même une policière qui m’avait dit : attache ta ceinture, parce que ici ils sont très racistes», se souvient Linda Barthold.
«TERREBONNE OU « BONNE TERRE » POUR LE RACISME? » s’interroge la Coalition rouge dans un communiqué.