Des Noirs dans des logements chers, sales et trop petits selon l’Observatoire - Intexto, jounal nou
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Il y a un peu plus de 20 ans, l’ancien ministre de la lutte au racisme, Benoit Charrette, dont la femme et les enfants sont Noirs, a eu des soucis d’accès au logement pour des raisons de couleurs par association. Au téléphone, il a obtenu un rendez-vous pour aller visiter un appartement, mais une fois arrivé avec sa famille sa visite était annulée.
«Le propriétaire lui dit: je ne veux pas de Noirs dans mon immeuble», rappelle aujourd’hui son successeur l’actuel ministre québécois de la lutte au racisme, Christopher Skeete. Il est un homme noir et il prenait la parole à l’ouverture du 7e Sommet Afro, à Gatineau les 26,27 et 28 janvier dernier.
Cette journée était consacrée à chiffrer le racisme en lien avec la problématique du logement sur le plan économique, de la salubrité et de l’étroitesse des pièces d’un point de vue discriminatoire. Pour bien comprendre, on parle de problème d’abordabilité lorsque les ménages dépensent 30 % ou plus de leur revenu total pour se loger.
Si le résultat dépasse le tiers, c’est-à-dire l’équivalence d’une semaine de salaire au travail, on considère qu’il y a un problème. D’autres besoins, comme l’alimentation, pourraient en pâtir.
Bien que la situation ait évoluée au cours des 15 dernières années pour passer de 30,5% en 2006 à 15,1% en 2021, trop de personnes noires font toujours face à ces difficultés constate l’Observatoire des communautés noires dans son rapport rendu public lors du Sommet. Chez les personnes non minorités visibles, on parle de 10,6%.
«Même si la proportion des personnes ayant un logement non abordable a diminué au fil du temps au Québec, les personnes noires restent plus susceptibles que les autres d’être concernées », fait remarquer la directrice de l’Observatoire, Bélinda Bah
Les éléments les plus plausibles pour expliquer cette situation sont le revenu et la situation du marché du travail, avance Mme Bah. En effet, entre 2006 et 2021, malgré l’évolution des salaires moyen à la hausse, les personnes noires avaient les revenus moyens les plus faibles.
Les écarts de revenu moyen étaient au-dessus de 10 000$ et s’expliqueraient par les discriminations subies dans le marché du travail. Qu’elles soient nées au Canada ou à l’étranger, les personnes noires demeurent victimes de discrimination systémique à l’embauche, malgré un taux élevé de de surqualification.
Par exemple, en 2016 les personnes noires avaient un taux de chômage s’élevant à 13%, contre 6,6% dans le reste de la population blanche. Pourtant 23,5% d’entre les Noirs était surqualifiés comparativement à 9,1% pour ceux non issus des minorités visibles.
Selon Statistique Canada, en 2021, ils étaient trois fois plus susceptibles que les non minorités visibles de vivre entasser comme des harengs en caque.
En plus de leur coûter plus chers, les logements étaient en mauvais état et nécessitait des « réparations majeures » au cours de la même période. « Par réparations majeures, on entend une plomberie ou une installation électrique défectueuse, par exemple, ou encore des travaux à faire dans les charpentes, les planchers ou les plafonds », explique l’Observatoire.
La proportion des Noirs vivant dans de tels logements était deux fois supérieure à celle de la population du Québec.
- En 2021, on comptait 422 405 personnes noires, ce qui donne un taux de croissance de 177,5 % en 20 ans
- Montréal : 144,2%, Sherbrooke : 465,5%, Québec : 596,6%
- À Gatineau, ou a lieu le 7e Sommet, on parle d’un taux de croissance de 733,6%, ce qui fait d’elle la région avec le taux de croissance le plus élevé de la population noire en 20 ans.
Dans la récente mise à jour économique, 20,8 millions de dollars sur cinq ans ont été octroyés par le gouvernement québécois à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). L’argent sert à embaucher plus de personnel afin d’offrir un traitement plus rapide des plaintes, particulièrement en matière de logement mais aussi pour bonifier l’intervention et la présence de la Commission en région, à offrir davantage de formations sur la discrimination et le racisme entre autres.
Le député Benoit Charrette avait beaucoup travaillé sur la question alors qu’il était ministre chargé de la question du racisme, d’autant que lui-même en a été victime par association.
Au cours de la dernière année (1er avril 2022 au 31 mars 2023), la Commission a ouvert 77 dossiers d’enquête pour discrimination dans le logement.
La Commission n’a pas constaté une augmentation significative du nombre des plaintes dans le secteur du logement, le pourcentage s’est maintenu au cours des trois dernières années. Entre 2021-2022, le nombre de dossiers ouverts était de 75.
La Commission fixe un délai de 15 mois suivant le dépôt de la plainte relevant de la Charte des droits et libertés de la personne pour finaliser une enquête.
«J’aimerais leur dire que lorsque je travaille pour eux, je le fais aussi pour ma femme, pour mes enfants et dans l’intérêt collectif. Car, cela me touche personnellement.» Benoit Charette
« J’étais intéressé par ce sujet avant même de devenir député ou ministre. Aujourd’hui, je sens que je pourrais agir concrètement dans le dossier. »-Benoit Charette.
Dans son rapport de 54 pages, publié en 2020, le Groupe d’action contre le racisme avait émis 25 recommandations parmi lesquelles une sur comment «Éliminer le racisme dans l’accès au logement». La 4e directive prônait trois aspects importants de la lutte à la discrimination en logement :
Il reste deux ans de réussir le Plan d’action, nous rappelle le ministre responsable de la lutte au racisme, Christopher Skeete, en entrevue avant de souligner qu’ «il reste des points importants» à régler.
«Le racisme, cela nous vide et mine notre sentiment d’appartenance au Québec, mais lorsqu’on accompagne une victime et qu’on lui donne justice à la fin il se sentira pleinement citoyen de ce pays», dit-il pour conclure.