Montréal-Nord: un col bleu arabe dénonce la discrimination des Noirs au travail - Intexto, jounal nou
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D’origine algérienne, Ahmed Argoub, un col bleu à Montréal-Nord depuis 2004, est scandalisé et parle de ce qu’il a vécu de la part de supérieurs d’origine immigrante comme lui comme étant «incomparable» en matière de discrimination.
Entre 2021 et 2023, il a effectué des remplacements comme contremaitre jusqu’à arrêter de travailler à cause d’une dépression qu’il a développée en lien avec son travail. «À chaque rencontre de contremaitre avec des cols bleus, il (mon supérieur) me coupait la parole et m’intimidait devant les autres. Il me disait: toi tu es là, tu ne parles pas de ton informatique».
Avant d’arriver au Canada, M. Argoub avait obtenu dans son pays un baccalauréat en informatique, ce dont son supérieur était au courant. Une autre fois, raconte le col bleu, «ce directeur était avec la communauté haïtienne, et il a dit : je n’ai pas besoin de contremaitre à rabais», allusion faite à Arabe.
Il dénonce également le fait que le son supérieur favorise les cols bleus de même origine que lui, sans égard à son ancienneté. «Mon supérieur faisait de la discrimination flagrante, dit-il, il recrutait des Noirs que j’ai dû former pour ensuite devenir contremaitre comme lui et moi je reste à ma place».
En mai 2023, il dépose une plainte auprès du bureau Respect de la personne, Service des ressources humaines, à la Ville centre. Dans sa plainte, il décrit son milieu de travail comme « un milieu toxique, malsain et destructif où des Directeurs baignent dans le racisme, la discrimination et le favoritisme ».
La Ville décide en juin 2023 de confier le volet de sa plainte de harcèlement racial et ethnique à une enquêtrice d’une firme externe, et le volet relatif au favoritisme ethnique dans l’emploi à la Commission de la fonction publique de Montréal (CFPM).
Au début du décembre 2023, la CFPM conclut que les allégations contenues dans sa plainte ne peuvent être qualifiées de harcèlements psychologiques et que sa plainte n’a pas été retenue. M. Argoub n’a pas eu plus de détails concernant l’enquête et les motifs justifiant une telle conclusion. Notons que la Ville a nommé une enquêtrice externe au dossier.
Le même, cette dernière lui confirme que sa plainte « contenant des allégations de harcèlement psychologique, d’abus de gestion et de racisme mettant en cause (son supérieur) » a fait l’objet d’une enquête et que ses allégations « ne se qualifient pas de harcèlement psychologique » et que « l’allégation de racisme n’est pas retenue », sans aucune explication.
«Je réclame que la Ville ne banalise pas le racisme systémique et qu’elle consulte les victimes», affirme Amed Argoub en entrevue avec In Texto. Il estime que la Ville a délibérément travesti sa plainte, et ce faisant, l’expose à une double forme de victimisation et que le traitement de sa plainte est clairement allé à l’encontre des engagements formels de l’administration municipale ainsi que des principes de traitement de plaintes de racisme adoptés par le Conseil municipal en octobre dernier.
«Ce qu’on recherche, c’est de mettre fin à cette pratique de toujours réduire le problème de discrimination et harcèlement racial à un de psychologique de manière souvent arbitraire sans expliquer pourquoi la ville a enlevé la dimension de racisme dans sa plainte», ajoute le directeur général du CRARR, Fo Niémi, qui le représente par devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) dans le cadre d’une plainte.
Les doléances récemment déposées attaquent les failles du système de traitement des plaintes de racisme dans l’emploi à la Ville de Montréal ainsi que la pratique récurrente de celle-ci de réduire les plaintes de discrimination raciale à celles de harcèlement psychologique.
M. Niémi réclame également que «les procédures d’enquête doivent être plus transparentes», en plus de dénoncer le recours à des firmes externes «n’ayant aucune expérience » en matière d’enquête sur le racisme.
«En parcourant le site web de cette firme, monsieur Argoub devient préoccupé par le fait qu’il n’y avait aucune mention de racisme et que la page du site intitulée « Types de harcèlement au travail » ne fait référence qu’au harcèlement moral, au harcèlement sexuel et au harcèlement psychologique », écrit le CRARR dans un communiqué.
Tout au long du processus d’enquête, M.Argoub affirme n’avoir jamais été informé du déroulement de l’enquête et il n’a jamais obtenu de rapport intérimaire ou final de l’enquête.
Il soutient aussi qu’aucun de ses témoins, tous des cols bleus racisés de Montréal-Nord, n’a été contacté. Lorsqu’il a demandé à l’enquêtrice pourquoi sa plainte était traitée comme une plainte de harcèlement psychologique en vertu de la Loi sur les normes du travail et que les aspects de racisme ont été évacués, il n’a reçu aucune explication.
Constatant que sa plainte a fait l’objet d’un détournement de mauvaise foi, il s’est adressé au CRARR de déposer une plainte à la CDPDJ et lui demande de déclarer discriminatoire la pratique de déracisation des plaintes de racisme. Finalement, il réclame des dommages moraux et punitifs substantiels contre l’enquêtrice, la firme externe et la Ville.
« En entérinant la conclusion arbitraire de l’enquêtrice, la Ville s’engage encore une fois dans la pratique trop courante de « déraciser » les plaintes de racisme », déclare le directeur général du CRARR, Fo Niemi. « On doit mettre fin à cette pratique systémique sournoise », dit-il.
En septembre dernier, pendant que l’enquêtrice externe traitait sa plainte de harcèlement, la Ville conteste les prestations de la CNESST devant le Tribunal administratif du travail. Le motif de la contestation est : « conflit de travail et non-harcèlement, enjeux de gestion ».