Les femmes afroentrepreneures à la recherche de données
La grande première du Symposium international des femmes afroentrepreneures (SIFA) qui visait «un état de la situation» a eu lieu à la Maison de la Culture de Verdun ou QUAI 5160, vendredi dernier avec l’intervention de plus d’une vingtaine de femmes noires en affaires lors de quatre panels à l’initiative de Chantier d’Afrique du Canada (CHAFRIC).
«Défis et perspectives des femmes afros entrepreneures au Canada», «Modèles d’affaires émergents», «Réalités et défis des femmes noires», « Accès au financement : problématiques et opportunités» ont animé les discussions toute la journée.
«Ce n’est que le lancement afin de faire un état des lieux, mais les assises vont être au mois de mars sur trois jours. En attendant, il y aura des rencontres, des cliniques, entre autres, avec les entrepreneures», indique la directrice générale de CHAFRIC, Henriette Kandula.
Ce premier grand congrès est né d’un constat fait depuis la pandémie : l’absence de données sur les femmes noires entrepreneures. Un sondage réalisé à l’époque sur l’entrepreneuriat féminin a montré que les Noires n’étaient pas représentées.
« Le sondage qui a été distribué à ce moment-là, nous n’étions pas là. Ce n’était pas nos réponses, mais celles de femmes natives d’ici», se souvient Mme Kandula.
« À partir de ce moment-là, on a dit : il faut trouver une façon de se concerter, d’avoir des données, de nous positionner, faire un plaidoyer pour qu’on nous soutienne aussi», ajoute la directrice de CHAFRIC.
Quelques chiffres pour comparer
-Le Canada comptait en 2018 environ 66 880 propriétaires, les afro-entrepreneur.e.s représentent 2.1 % de l’ensemble des propriétaires d’entreprises;
-Les entreprises des femmes afro-entrepreneures sont souvent non constituées en société;
-Seuls 8,8 % des entreprises appartenant à des afro-entrepreneures sont constituées en société comparativement à 17 % pour celles détenues par des entrepreneurs blancs.
-De ces 2 % ,les femmes afro-entrepreneures représentent seulement 29.6 % des propriétaires, contre 70.4 % pour les hommes afro-entrepreneurs
-La proportion des groupes racisés a presque doublé entre 2001 et 2021, passant de 13.4 % à 26.6 % ;
-Taux d’intention entrepreneuriale de 28 % contre 14.2 % pour les natifs.
Ces recherches ont été faites par Djemson Estimé et Melissa Cassandre Raymond du Sommet Afro et présentées lors du Symposium.
Mais, ces données présentées par le Sommet afro sont « éparses », déplore Henriette Kandula, d’où la nécessité de les compiler. Bélinda Bah, directrice de l’Observatoire des communautés noires ( filiale du Sommet Afro) déplore, elle aussi le manque de données chez les communautés noires.
«Mais aussi et surtout, il y a une faible participation des femmes noires à des recherches sur le sujet. Ces données nous permettent d’interpeller le pouvoir», dit-elle lors de son intervention lors du congrès.
«On aime plus les doctorats»
CHAFRIC qui existe depuis plus de 20 ans se donne un vrai mal pour réunir quelques données. Mme Kandula explique à In Texto que, depuis longtemps, ses équipes font les radios communautaires, les églises, les rassemblements à la recherche d’informations. Des alliés, gouvernements et Villes partagent aussi leurs chiffres avec l’organisme. Voilà comment elle a pu réunir près de 150 participants à lagrande première du Symposium.
Mais jusque-là, ces données non complètes n’ont pas été compilées sur les femmes entrepreneures. Or, la tendance vers l’entrepreneuriat chez les femmes afro est grande surtout lorsqu’elles sont incapables d’accéder pleinement aux opportunités professionnelles traditionnelles. Elles se tournent vers les affaires créant leurs propres entreprises comme moyen de surmonter ces barrières.
«On aime l’école, les maitrises, les doctorats, mais nous Africains, on n’aime pas les données, on a vécu cela au cours de la COVID », observe Henriette Kandula qui plaide en faveur d’«un maping de qui fait quoi afin de pouvoir nous référer, avoir des espaces de travail pour réfléchir sur nos réalités».
Les défis des femmes afroentrepreneures selon plusieurs études
D’abord, le financement. Les femmes, en général, lancent leurs entreprises avec 53 % de capital en moins que leurs homologues masculins; autofinancement de leurs projets.
L’accès au crédit est plus difficile pour les immigrantes noires, qui n’ont pas encore une cote de crédit solide, contrairement aux personnes nées au Canada, ajouté à cela une situation familiale difficile.
Généralement, ces femmes entrepreneures sont à la fois des mères et des conjointes. Elles vivent de la discrimination également liée à leur genre et à leur origine.
Pour le même projet, les hommes ont plus de chance d’obtenir un financement que leurs homologues féminins. Elles font face aussi à des problèmes de réseautage et manquent souvent d’accès à des informations clés. Elles s’exposent à des microagressions lorsqu’elles cherchent à avoir accès à du financement.
La mission de Chantier d’Afrique du Canada (CHAFRIC) consiste à soutenir les personnes issues des minorités ethnoculturelles en général et d’origine africaine en particulier, dans leur processus d’intégration dans la société d’accueil. CHAFRIC veut offrir à toutes ces personnes, un espace optimal d’échanges, d’entraide, d’actions et de concertation. De plus, à travers ses activités et services, l’organisme souhaite être le reflet des valeurs d’équité, de respect, d’autonomie et de prise en charge des populations ciblées.