Racisme: des jeunes Montréalais s’expriment dans un Forum
Traumatisé par des policiers, armes au poing, qui intervenaient sur un vol de voiture, Nicolas s’interroge sur leur rôle; Christopher est quant à lui toujours habité par l’histoire de l’enfant noir qui s’était fait arroser de l’eau bouillante à Longueuil; Dilan qui se demande si les discours politiques n’alimentent le racisme au sein de la population blanche qui le considère toujours « comme un immigrant, malgré qu’il soit né ici ».
Le premier Forum jeunesse : «Vision d’avenir pour contrer le racisme et la discrimination » du Bureau de la communauté haïtienne de Montréal (BCHM) a permis à des spécialistes du communautaire, du politique et de l’institutionnel de les écouter et d’en apprendre sur eux. Ces questions et entre autres, ont été adressées à trois panélistes (Fo Niémi du CRARR), de la police de Montréal (Rose-Andrée Hubbard du bureau du chef de la police) et de la Ville de Montréal (Bochra Manaï du Bureau de la lutte au racisme).
La plupart des intervenants ont invité les jeunes à s’impliquer dans la vie sociale et politique en guise de réponse. Mme Hubbard leur a fait remarquer que sur la question des règlements municipaux, votés par les citoyens et appliqués par les policiers, historiquement les communautés noires sont absentes aux séances municipales au cours desquelles ils sont adoptés.
« S’affirmer »
« Il y a eu des lois, règlements municipaux votés par des citoyens qui investissent les séances et qui ont dit qu’ils ont peur de nous», rappelle-t-elle. «Aujourd’hui qu’il y a des Québécois, Montréalais racisés, c’est à nous d’être autour de la table, de diversifier pour que les organisations nous ressemblent et nous faire entendre»
De son côté, le directeur général du CRARR, Fo Niémi, appelle les jeunes à une affirmation de leur identité et de leur droit. Il souligne que cela commence à porter fruit. Car, seulement en 2024, son organisme a permis à des citoyens victimes de profilage et discrimination de gagner des causes totalisant plus de 100 000 dollars soit contre des Villes ou la police.
«Il y a des bénéfices à s’affirmer. Il n’y a rien d’acquis. C’est à vous de lutter pour les obtenir», a-t-il lancé.
Dans son intervention, M. Niémi a souligné les différents manques à gagner des jeunes des communautés noires qui souffrent de carence en matière d’opportunité économique, de surcriminalisation de la part de la police, d’une absence de protection effective contre le racisme et de peu de soutien en milieu scolaire entre autres.
« C’est le groupe le plus menacé au niveau du racisme systémique, signalement de la DPJ, problème avec la police, rejet au niveau de l’emploi, évaluation de capacité en milieu scolaire », constate-t-il.
« Nous constatons ce manque pour les Noirs, Latinos, Arabes avec un TDAH, dit Fo Niémi, l’évaluation de leur besoin peut prendre deux ans, à moins que leurs parents aient de l’argent pour aller au privé.»
Prêcher par l’exemple
Il dit observer que certains milieux scolaires deviennent des ghettos pour des jeunes ayant des besoins particuliers. Ils sont canalisés, selon lui, vers des formations professionnelles techniques très tôt sans égard à leur aspiration réelle.
Pire encore, c’est qu’au sein même de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la question du racisme systémique en particulier n’est pas réglée. Il y aurait une volonté délibérée de maintenir le statu quo sur le sujet.
«Lorsqu’on dépose une plainte à la commission pour racisme systémique, elle fait tout pour la transformer en racisme individuel et direct. Et c’est pour cela que les choses ne changent pas» fustige Fo Niémi.
La Conseillère équité-diversité-inclusion du Service de Police de la Ville de Montréal, Rose-Andrée Hubbard a plaidé en faveur d’«une culture exempte de racisme » au sein même du SPVM d’abord afin de pouvoir percoler cette pratique sur la population.
« Oui, il y a du profilage racial et social, mais il y a aussi une culture d’inclusion et d’ouverture au sein du SPVM», défend Mme Hubbard qui refuse «d’individualiser la question du racisme ». «Il faut regarder les pratiques », dit-elle, notamment à l’intérieur de l’organisation.
Bochra Manaï, du Bureau de lutte au racisme, devait présenter un bilan de ce qu’elle a accompli en bientôt 4 ans. «Je ne vous assomme pas avec un bilan pour vous dire que ce qu’on fait c’est super », a-t-elle prévenu en invitant les jeunes à aller voir ce document synthèse qu’elle avait présenté devant à la Ville en octobre dernier. Voici un résumé des actions réalisées et en cours.
Mais, depuis 4 ans, elle dit constaté qu’il y a beaucoup d’incompréhensions sur ce que fait un tel poste. Il y a un manque de lisibilité chez les gens qui la lui fait comprendre à travers des messages sur Internet.
À l’instar de Mme Hubbard, Bochra Manaï appelle de prime abord à contrer le racisme à l’intérieur même de l’organisation. «Il faut viser l’exemplarité». C’est l’une des choses qu’elle a réussi à faire depuis son arrivée.
«Le racisme direct par le biais d’une insulte, il y a 4 ans, plusieurs politiques internes et codes de conduite n’incluaient même pas les 14 motifs de discrimination inscrits à l’article 10 de la charte des droits et libertés», rappelle Mme Manaï. Aujourd’hui, c’est chose faite.
Ce premier Forum « Vision d’avenir pour contrer le racisme et la discrimination » a été l’occasion pour le BCHM d’initier la conversation entre les milieux et les jeunes sur ce qui les préoccupe réellement.