Un «Mois de l’histoire des Noirs» sans histoire

Un portrait sur son site Internet de Claudie Mompoint, «au service de causes socioculturelles, de Jocelyne Lorquet « construire un futur inclusif » et de Patrice Vilcéus, « un policier accompli luttant pour la diversité », la Ville de Montréal n’ira pas plus loin dans sa célébration de la 34e édition du Mois de l’histoire des Noirs.
On ne sait même pas combien ils sont à travailler pour la Ville, «car on n’a pas les données, et la Ville refuse de les catégoriser ses employés » nous dit un membre du Réseau des employés noirs à la Ville qui souhaite absolument garder l’anonymat. L’administration les range dans un fourre-tout statistique de » Minorités visible ». Personne n’ose raconter son histoire de Noir dans une Ville qui bouillonne de gestes et d’action racistes racontés et répertoriés par le passé dans les médias, par crainte de représailles.
Mis à part celle que la Ville elle-même décide de raconter avec ses propres mots et sous son angle comme celle du commandant Vilcéus qui a pris officiellement sa retraite, il y a une semaine. Le portrait de la Ville contraste avec la lettre de départ de ce policier dans laquelle il dénonce tout le racisme qu’il a vécu à la Ville qui l’honore aujourd’hui.
Une butte de gestionnaires
«Le SPVM doit se distancier de la pensée unique et accorder davantage d’importance à la pensée divergente, génératrice de créativité et d’options multiples. En d’autres termes, il est crucial de dépasser les résistances de certains gestionnaires qui défendent le statu quo avec des visions stériles, car ces derniers empêchent l’organisation de déployer pleinement ses capacités, de se renouveler et de se moderniser face aux nouvelles réalités. »
« Ces gestionnaires du surplace qui banalisent la pensée critique ne sont pas nombreux, mais ils occupent des positions stratégiques, leur capacité de nuisance est donc grande. Ils n’hésitent pas à faire obstacle à la progression de certains membres et à provoquer le départ d’autres », écrivait-il dans une lettre publique en septembre 2024.
Et depuis, rien, nada, c’est l’omerta parmi les employés noirs. Plus personne ne parle, n’écrit au sujet de leurs déboires discriminatoires. Ceux qui osent répondre à nos appels refusent toute entrevue et nous prient de ne pas les citer.
Une cérémonie de lancement, presque en catimini, des activités a eu lieu à la Ville avec la mairesse Valérie Plante. In Texto n’a pas été invité contrairement à 2024 et une demande au service de communication de la Ville pour obtenir, ne serait-ce que la copie des propos de la mairesse, est restés lettre morte.

Célébration et contestation en cours d’appel
Du côté du gouvernement du Québec, un communiqué officiel, comme chaque année, vient souligner l’événement. « Le Mois de l’histoire des Noirs au Québec est une période d’éducation, de célébration, mais aussi de réflexion et de dialogue sur les questions liées à la justice sociale, à l’égalité raciale et aux droits humains tout en célébrant le vivre ensemble qui caractérise le Québec » soutient le gouvernement caquiste.
Or, c’est ce même régime qui, en décembre 2024, est allé en appel d’une décision historique de la Cour du Québec et confirmée par la Cour d’appel qui a décrété l’arrêt de mort des interceptions routières sans motif, un pouvoir discrétionnaire accordé aux policiers dans l’article 636. Une pratique trop souvent accompagnée de profilage racial.
Or, depuis le 23 novembre 2006, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi visant à faire du mois de février le «Mois de l’histoire des Noirs » . Cette loi est entrée en vigueur le 1er février 2007.
Ottawa tente de briser les barrières
Au fédéral, le premier ministre Justin Trudeau a , dans une longue lettre publique, louangé les mérites des Noirs et discourir sur les actions qu’il a posées en faveur de cette frange de la population canadienne.
«Dans des communautés d’un bout à l’autre du Canada, des dirigeants, des scientifiques, des artistes, des entrepreneurs et des militants noirs ont façonné l’histoire de notre pays et demeurent encore aujourd’hui une source d’inspiration pour l’avenir », écrit-il d’entrée de jeu.
Il y souligne que les Canadiens noirs ont ouvert la voie dans la lutte pour la justice, l’innovation et le progrès, qu’il s’agisse du chemin de fer clandestin, qui a amené au Canada des personnes en quête de liberté, ou de pionniers tels que Jean Augustine et Lincoln Alexander.
Toutefois, «aujourd’hui comme hier, les obstacles auxquels se heurtent les Canadiens noirs sont trop nombreux », déplore le premier ministre. Pour ces raisons, Ottawa dit avoir prolongé jusqu’en 2028 les efforts qu’il déploie dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine des Nations Unies et salué l’adoption d’une seconde décennie internationale, qui se déroulera de janvier 2025 à décembre 2034.
« Cette prolongation nous permet d’investir davantage dans des programmes dirigés par des Noirs, de promouvoir la justice raciale et de créer des opportunités pour les Canadiens noirs ».
À ce jour, l’engagement du gouvernement fédéral se chiffre à plus de 1 milliard de dollars dans des initiatives en soutien aux communautés noires.
- L’Initiative « Appuyer les communautés noires du Canada » soutient plus de 2 700 projets visant à faire croître des organismes de bienfaisance et à but non lucratif dirigés par des Noirs, axés sur les Noirs et au service des Noirs.
- Afin d’éliminer les obstacles et les injustices systémiques en mettant fin à la surreprésentation des communautés noires dans le système judiciaire, la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires.
- Par le biais du Fonds pour la santé mentale des communautés noires, les Canadiens noirs peuvent renforcer les connaissances, les capacités et les programmes axés sur la culture afin d’améliorer la santé mentale de leurs communautés.
- Par l’entremise du Fonds de dotation philanthropique dirigé par les Noirs et du Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires, à améliorer la situation sociale et économique au sein des communautés noires et favorisons la croissance et la réussite actuelles et futures des entreprises appartenant à des personnes noires.
« Au nom du gouvernement du Canada, j’encourage tout le monde à se renseigner davantage sur l’histoire des Canadiens noirs, à réfléchir aux défis auxquels ils font face et à célébrer leurs réalisations. Renouvelons notre engagement à bâtir un pays où chaque Canadien a la possibilité de réussir et de faire entendre sa voix. »-Justin Trudeau