Assassinat J.Moise: l’enquête haïtienne bute sur le silence des mercenaires - Intexto, jounal nou
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Le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Jack Lafontant, ainsi que le doyen du tribunal civil, Bernard St-Vil, viennent, par lettre, de remonter les bretelles du magistrat qui instruit l’enquête autour de l’assassinat de Jovenel Moise en raison des retards qu’il accumule dans le dossier.
Le juge instructeur Gary Orélien, à qui l’affaire été confiée depuis cinq mois, a largement dépassé le délai légal de trois mois pour rendre son ordonnance.
« J’ai attiré son attention sur le fait qu’il n’a pas motivé ses retards par une ordonnance selon les prescrits de la loi en la matière. », indique le doyen St-Vil en entrevue à In Texto sur le dossier.
Motus bouche cousue
Par ailleurs, le juge Orélien lui aurait confié que l’enquête connait des ratés notamment à cause du refus des mercenaires colombiens, au nombre de 18, de dposer. L’enquêteur principal a déjà dressé simplement des procès verbaux d’identification pour une quinzaine d’entre eux. Voilà tout.
« Il m’a dit que les Colombiens refusent de déposer dans le cadre du dossier, ce qui le ralentirait. Mais la loi haïtienne a des solutions face à ce type de situation.», affirme Me Bernard St-Vil, sans préciser toutefois laquelle.
Pour le doyen, l’enquête sur l‘assassinat de Jovenel Moise représente « un test pour la Justice haïtienne» dont le laxisme et la corruption sont vertement critiqués régulièrement par les justiciables.
Pour ces raisons, beaucoup de spécialistes de la chaine de justice pénale planchent sur le dossier actuellement et sont prêts à mettre leurs expertises au service du jeune juge Orélien afin qu’il puisse boucler son enquête, note le doyen du tribunal civil de P-au-P.
Une réunion a eu lieu, la semaine dernière, autour de cette affaire.
Par ailleurs, Bernard Saint-Vil affirme que loi trace la marche à suivre pour un juge afin d’inviter quelque soit la personne, y compris le premier ministre a.i Ariel Henry, à son cabinet, même s’il disposerait d’un privilège de juridiction.
Outre l’actuel premier ministre, Léon Charles, l’ancien chef de la Police nationale d’Haïti (PNH), est éclaboussé dans un dernier rapport de synthèse du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), six mois après l’assassinat de Jovenel Moise.
M.Charles, nommé en novembre 2020 par Jovenel Moise, avait quitté, en novembre 2021, la tête de la police pour se voir confier de nouveau, cette fois par Ariel Henry, son poste d’ambassadeur d’Haïti à l’OEA.
Pourtant, selon le RNDDH, il aurait eu des contacts téléphoniques répétés tout au cours du mois de juin avec Joseph Félix Badio que Léon Charles avait présenté comme « dangereux » alors qu’il était à la tête de la police au moment de l’assassinat de l’ancien chef de l’État.
Selon le rapport d’une douzaine de pages Léon Charles exigeait des enquêteurs de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) un compte rendu journalier de l’avancement de l’enquête.
En raison de l’influence possible que l’ancien chef a.i de la police aurait pu avoir sur les résultats des recherches policières, l’organisme de défenses des droits humains réclame aujourd’hui un supplément d’enquête dans le dossier.
Pression et menace sur la chaîne pénale
C’est après un mois et deux jours que la justice haïtienne s’est saisie du dossier, soit le 9. août 2021 avec la désignation du juge Mathieu Chanlatte. Ce dernier s’est désisté deux jours plus tard et son greffier Ernst Lafortune est retrouvé, refroidi, non loin de Martissant.
Clément Noël le juge de paix ayant réalisé le constat légal du cadavre de Jovenel Moise vit sous la menace de mort. Deux autres greffiers, Marcelin Valentin et Walky Philostène ayant travaillé sur ce dossier ont pris le maquis.
Autant dire que l’enquête judiciaire était bien mal partie. Dix jours plus tard, le doyen du tribunal civil, Bernard Saint-vil, désigne un nouveau juge, Gary Orélien. Il est vertement critiqué pour sa jeunesse dans le système.
En 5 mois, le juge n’a toujours pas entendu de suspects clé ou pas dans le cadre de cette affaire, ni les Colombiens pourtant incarcérés en Haïti, encore moins les Haïtiens en cavale comme Joseph Félix Badio dont on n’a aucune nouvelle ou Samir Handal en prison en Turquie.
Ankara exigeait, au plus tard le 24 dec 2021, une demi-douzaine de documents du gouvernement haïtien en vue de son extradition.
Laconiquement, le chancelier Geneus affirme, peu avant la fin du délai, qu’ils ont été communiqués. Mais plus d’un demeurent sceptique que M.Handal sera de retour en Haïti.
D’ailleurs Mario Antonio Palacios un des Colombiens suspects et qui était gardé au chaud par la Jamaïque vient de quitter ce pays et s’est livré aux États-Unis.
Le Colombien a été entendu par un juge fédéral américain et son avocat affirme qu’il veut collaborer et balancer des noms. L’on assiste donc à deux enquêtes parallèles ou les États-Unis donnent un coup de main à la justice haïtienne qui semble faire le poireau dans l’enquête? C’est à ce qui demander qui à la direction de cette enquête transnationale?
Suspect mort entre les mains des autorités
Certains suspects clés ne pourront jamais être entendus d’ailleurs comme Marie Jude Gilbert Dragon. Arrêté par la police et mis en dépôt, cet ancien militaire haïtien suspecté dans l’assassinat est décédé entre les mains des autorités haïtiennes. Les circonstances de mort restent nébuleuses.
Début novembre 2021, le Dr Flaubert Brutus, responsable médical de la prison lui diagnostique « une détresse respiratoire aigue dû à « une infection probable à la COVID ». Le 12 novembre, il demande son transfert à l’hôpital. Les autorités carcérales trainent le dossier en longueur.
Trois jours plus tard, soit le 15 novembre, le chef de la prison, le commissaire divisionnaire Pierre René François écrit au chef du parquet pour une autorisation de sortie. En fait, Marie Jude Gilbert Dragon n’en est évacué que le 17 novembre, après 5 jours d’atroce souffrance, pour mourir à l’hôpital Bernard Mevs.
Pour Ashley Laraque de l’Association militaire d’Haïti dont Gilbert Dragon était membre, cela ressemble comme deux gouttes d’eau à un assassinat déguisé.
Pour sa part, Marie Rosie Auguste Kesner Ducénat du RNDDH, pointe le parquet de P-au-P, avec à sa tête Jack Lafontant et la prison qui se partagent la responsabilité dans le décès du prévenu.
Et malgré une autopsie exigée par Joverlein Moise le fils aîné de l’ancien président, partie civile également, rien.
Un PM qui se soustrait à la justice
En clair, depuis 5 mois Gary Orélien a entendu quelques parties civiles, comme Martine Moise, quelques témoins comme l’ancien DG de la PNH Léon Charles, des policiers dont certains sont placés en dépôt et d’autres élargis, un politicien comme Paul Denis, renvoyé chez lui.
Le juge Orélien n’a toujours pas osé inviter à son cabinet un autre politicien, Ariel Henry dont le nom est cité dans cette affaire. Ses communications téléphoniques avec Joseph Félix Badio, grand suspect dans l’assassinat, ont été démontrées par l’ancien commissaire du gouvernement Bed-Ford Claude, grâce à des relevés de la Digicel.
Tout de suite après, Me Claude qui s’apprêtait à produire un réquisitoire supplétif au juge Orélien, s’est fait montrer la sortie du parquet par l’actuel premier ministre alors que c’est Jovenel Moise qui l’avait nommé. Dans l’Haït d’aujourd’hui, l’autorité de nomination n’est plus celle de révocation. Voyez-vous?
Ce faisant Ariel Henry s’autorise à ne pas se présenter, éventuellement, devant le juge.
Six mois après on est toujours à l’étape de réchauffement dans l’enquête. D’ailleurs, celle autour du meurtre de Jean Dominique se poursuit toujours après 20 ans.