«À quelle date vous avez été ratifié par le Sénat?» demandent à Weibert Arthus une quinzaine d’Haïtiens qui ont investi l’enceinte de l’Ambassade d’Haïti à Ottawa sous couvert d’une visite de courtoisie le lundi 29 mars dernier, date d’anniversaire de la Constitution haïtienne de 1987.

Le représentant de Port-au-Prince est visiblement ébranlé par la question. Car, il est arrivé en octobre 2020 au canada, sans détour par le grand corps. L’ ancien journaliste et historien de formation tente d’esquiver la question avec des mots de bienvenue qu’il agence comme il peut et est à un poil de s’énerver.

« La première des choses, si l’on doit avoir un échange, il faudrait que ça se passe dans le respect mutuel. La provocation, cela ne marche pas avec moi.», réplique M. Arthus.

Les intrus tentent de replacer la question «qui est simple» souligne le meneur du groupe Jean Éliassaint Saint-Vil.

« Ce n’est à vous de m’indiquer la manière de répondre.», rétorque, sans diplomatie,  le diplomate.

« Ah… il nous répond à la Gracia Delva.», se moque M. Saint-Vil, ce qui tique Weibert Arthus. Ce dernier décide de mettre un terme à l’échange en s’engouffrant dans son bureau pendant qu’il claque la porte avec fracas.

Quelques secondes plus tard, il y ressort et intime l’ordre à ses invités embarrassants de déguerpir.

« Vous n’avez aucun droit de nous  mettre dehors! À la limite, l’inverse est possible.», lui lancent, menaçants, plusieurs d’entre eux qui le traitent de pasticheur.

« À l’instar de Jovenel Moïse, vous et Fritz Dorvilier, le consul général d’Haïti à Montréal, sont des usurpateurs. Vous ne représentez pas le peuple haïtien.», affirme le meneur de la bande dans une déclaration lue devant le représentant d’Haïti à Ottawa.

Des « jeunes » sans aval

À la suite de la caducité la Chambre des députés et de 2/3 du Sénat, le régime Moïse Jouthe a procédé au remplacement de plusieurs ambassadeurs qui avaient, eux,  obtenus l’aval du Sénat comme Frantz Liautaud au Canada.

Outre Ottawa, des diplomates de carrières ont été rappelés des Aux États-Unis ou encore  en Angleterre pour les remplacer par une « équipe plus jeune » disait le premier ministre Joseph Jouthe. Aucun d’entre eux n’a franchi l’étape validation par les sénateurs comme l’exige la loi mère, en vigueur.

Ce piquet à l’intérieur même de l’Ambassade d’Haïti à Ottawa est une initiative du groupe Ayisyen ki ap kore Ayisyen Netalkolé (AKASAN) en collaboration avec Solidarité Québec-Haïti dans le cadre d’une mobilisation internationale contre le référendum constitutionnel, annoncé en juin en Haïti, et aussi contre le pouvoir en place.

Une manifestation a eu lieu devant le Consulat général à Montréal dans le cadre d’un grand mouvement de solidarité internationale avec Haïti qui regroupe diverses organisations, dont la Coalition haïtienne au Canada contre la dictature en Haïti (CHCDH).

«Toute consultation populaire tendant à modifier la constitution par voie de référendum est formellement interdite», stipule pourtant l’article 284.3 de la Constitution de 1987 amendée.

Le clan au pouvoir nuance en faisant valoir qu’ « il ne s’agit pas d’une modification mais plutôt de l’élaboration d’une autre Constitution »

Ce projet est contesté et dénoncé par les institutions haïtiennes légales, les organisations de la société civile, les forces politiques, le peuple haïtien dans sa grande majorité à travers des manifestations de rue dont le nombre est de plus en plus grandissant.

« Malgré les mouvements de protestation contre ce pouvoir de facto et ses pratiques de terreur, les pays constituant le Core Group (États-Unis, Canada, France, Brésil, etc.), l’Organisation des États américains, les Nations Unies (en particulier le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti) cautionnent les agissements du pouvoir de facto de Jovenel Moïse et sa volonté d’organiser un référendum pour faire approuver une nouvelle constitution. »- extrait du communiqué de la CHCDH

La Coalition appelle donc les forces progressistes, le peuple canadien et québécois à se solidariser avec le peuple haïtien.