Canada: « les dirigeants sont des migrants comme nous.»

« Nous sommes fiers d’être immigrants. Car, on n’a tué personne.», lance un des manifestants qui prenait la parole, muni d’un mégaphone, devant le parlement à Ottawa à l’occasion de la marche pour la régularisation des sans-papiers ce dimanche.
Il faisait allusion au traitement réservé aux Premières Nations, les Autochtones qui vivaient sur cette terre avant l’arrivée des expéditions françaises et anglaises.
« Nous ne sommes pas comme ceux qui sont venus ici comme immigrants et qui ont tué, exterminé des enfants et volé des terres aux Autochtones.», rouspète le militant de Solidarité sans frontières avant d’affirmer que «Non! Ce pays ne leur appartient pas. Au moins les Autochtones peuvent dire cela.»
Des centaines de migrants sans-papiers ont marché ce dimanche en direction du parlement à Ottawa afin d’exiger un programme de régularisation « complet et continu pour tous ». Pas moins de six autobus remplis de sans-statuts ont quitté Montréal tôt dans la matinée pour rejoindre d’autres en provenance de Toronto, Ottawa et d’autres villes canadiennes.

« Ils vivent la misère ici. »
Cette marche marque la dernière d’une semaine d’actions réalisées par diverses organisations de défenses des droits des immigrants pour demander des papiers pour tout le monde.
« On dit que tout le monde est essentiel, tout le monde contribue. Pas seulement les gens qui travaillent dans la santé. On appelle à une régularisation complète et inclusive.», lance Anne-Marie Galland membre de Solidarité sans frontières, rencontrée au Métro Parc, à Montréal, juste avant le départ vers Ottawa
« Ils vivent la misère ici. Ils n’ont pas accès au système de santé, à l’aide sociale, à rien. Ils sont quand même des humains, ils vivent ici depuis des années.», renchérit Samira Jasmin, porte-parole de l’organisme.
- Le nombre de sans-papiers est évalué dans une fourchette de 200 à 500 mille personnes au Canada.
- En 2020, Montréal, la seconde plus grande ville du Canada, estimait qu’il y aurait 50 000 sans-papiers sur son territoire.
Pris entre Québec et Ottawa
Plusieurs programmes (fédéral et provincial) ont été lancés récemment durant la pandémie par les deux paliers de gouvernement. Toutefois, de nombreux immigrants sont restés en plan au Québec en raison de la spécificité de la province et de sa compétence partagée avec Ottawa dans ce domaine.
Le Canada avait lancé une mesure de régularisation de plus de 90 000 personnes, soit 20 000 dans le secteur des soins de santé, 30 000 dans les professions essentielles sélectionnées (on parle de 95 emplois essentiels dans un large éventail de domaines) et 40 000 étudiants étrangers diplômés.
Les résidents non permanents du Québec ne sont pas pris en compte dans le programme fédéral, car, le Québec s’y oppose.
Parallèlement, Québec avait lancé sa propre machine de légalisation des « anges-gardiens », c’est-à-dire, les sans-papiers ayant travaillé aux premières heures de la COVID-19 dans le domaine de la santé comme préposés aux bénéficiaires et qui ont risqué leur vie.
« Une façon de leur dire merci » avait justifié le premier ministre québécois.
« Nous, on dit : il n’y pas d’histoire qu’il faut avoir travaillé tant nombre d’heures absolument dans les hôpitaux. On ne veut pas d’un système au mérite.», dénonce Mme Galland de Solidarité sans Frontières.
Amed, venu de l’Inde il y a près de trois ans avec sa famille, est sans papiers. Sa femme travaillait et travaille encore dans une usine et lui aussi dans un secteur considéré comme essentiel par les deux gouvernements.
« J’ai survécu à la COVID-19. Ma femme aussi.», nous confie l’immigrant indien rencontré au Métro Parc juste avant de prendre la direction des Communes.
Mais parce qu’il est au Québec, il ne peut intégrer ni le programme fédéral, ni celui de Québec en raison de la restriction imposée par la province pour les documents légaux.
Abdoul, qui vient de la Guinée Konakry (Afrique) depuis près de trois ans réclame aussi des documents légaux. Arrivé comme étudiant étranger, il a été déchu de son statut à la suite de problèmes financiers ne lui permettant pas de payer cher la dernière session de son programme.
« La demande d’asile ce n’est plus une option pour moi. Je dois faire une demande humanitaire qui est un long processus. Je suis en train de m’y mettre.», indique le jeune Guinéen.
De nombreux groupes et organismes comme La Maison d’Haïti, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), entre autres appellent aussi à un règlement des statuts des personnes en situation irrégulière.
Québec joue la loterie avec les réfugiés. Une mise à jour de la position du TCRI .
Le Regroupement des organismes et groupes de parrainage des réfugiés au Québec (ROGPRAQ) et la Table de Concertation pour les organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) expriment leur ferme désaccord face au système de loterie mis en place par le gouvernement Legault pour sélectionner aléatoirement quelles familles réfugiées en attente pourront finalement s’installer au Québec.
Comme prévu lors de notre communiqué de presse du 13 mai, ce système maintient dans des situations précaires et dangereuses ces familles, qui auraient été possiblement accueillies au Québec autrement. Alors que le gouvernement met l’emphase sur les familles, les membres du ROGPRAQ sont choqués de constater que le gouvernement du Québec ferme les yeux sur le risque réel de séparation des familles, comme conséquence de leur sélection « au hasard ».
Ce système est incompatible avec les principes et valeurs humanistes et humanitaires de la société québécoise.
Depuis des décennies, le Québec accueille des milliers de réfugiés et, souvent, réunit des familles tout en offrant un nouveau départ dans un environnement sécuritaire. Le gouvernement doit abandonner son système de loterie, régler les dossiers en attente et appuyer les efforts des organismes et des groupes de parrainage québécois. Dans ce contexte, nous désapprouvons vivement le fait que le gouvernement du Québec ait diminué le nombre de personnes acceptées dans la catégorie de l’immigration humanitaire (et donc des personnes parrainées).
Au lieu de pénaliser les personnes réfugiées parrainées, les parrains, les organismes, il serait plus simple, plus humain aussi, d’augmenter les seuils d’immigration humanitaire pour mettre fin à cette situation.