Canada: les oubliées de la pandémie
Nina (d’origine mexicaine) envoyée par une agence de placement, travaillait dans des hôtels comme femme de ménage. Beaucoup d’autres étaient comme serveuses, plongeuses dans des restaurants qui sont aujourd’hui fermés en raison de la pandémie.
À statut précaire depuis des années, elles n’ont droit à aucune aide d’urgence mise sur pied par le gouvernement fédéral et sont exclues de la couverture médicale gratuite, ce qui est fatale pour certaines d’entre elles.
« Nous sommes indignées, outrées et en colère en raison de la mort de deux de nos membres récemment. Des conditions de travail nocives et l’exclusion de services de santé gratuite auront fini par les emporter.», lance Suzana Ponté Rivera de l’Association des travailleurs et travailleuses d’agence de placement (ATTAP).
« Si le gouvernement permet que des entreprises engagent des personnes sans statut pour faire le travail que personne n’aime faire, en temps de pandémie, il doit aussi assurer nos droits.», estime Nina.
Facturer la COVID?
- Selon l’Institut Sherpa (qui fait des recherches en matière d’immigration, diversité et de santé) il y aurait entre 40 à 70 000 personnes à statut précaire au Québec et qui ne jouissent d’aucune couverture sanitaire.
Depuis la COVID-19 le gouvernement du Québec avait décrété les soins liés à la maladie gratuits. Mais d’après Médecin du monde Canada, les centres hospitaliers ne sont, soit pas au courant ou ne le comprennent pas.
« Il est difficile pour les prestataires et aussi pour le personnel de la santé de faire la distinction entre les soins liés à la COVID. », observe Isabelle Brault, travailleuse sociale à Médecin du monde.
« Ça se voit souvent que des gens nous disent : ah… on n’était pas au courant. Durant la pandémie on voit des gens qui se font facturer pour des soins liés à la COVID. »-I. Brault.
Diabète et hypertension
La travailleuse sociale appelle le gouvernement à, non seulement, mener une campagne de sensibilisation auprès des personnes à statut précaire mais aussi à l’intention du personnel de la santé au sujet de la gratuité des soins liés à la COVID.
En plus de graves problèmes de santé mentale qui les affectent, les personnes immigrantes sans statut d’immigration souffrent en majorité d’hypertension et de diabète.
Ce sont des maladies qui peuvent être résorbées ou contrôlées rapidement moyennant une prise en charge tôt. Mais, pour les personnes sans statut, elles deviennent chronique assez vite.
« Dans des contextes extrêmement vulnérables, cela peut amener à des maladies graves, chroniques et même la mort. », souligne Isabelle Brault, sur la photo.
Elle se dit préoccupée surtout par la situation des femmes enceintes et qui ne sont pas suivies durant leurs grossesses. Elles accouchent dans des conditions précaires ou dans certains cas à l’hôpital.
« Ces gens-là se retrouvent avec des dettes énormes. »
« Votre indifférence nous tue! », scande alors L’ATTAP dans un communiqué qui exige une régularisation de ces personnes.
L’Association déplore le décès en septembre dernier de l’une des leurs, Lourdes Castro, qui a épuisé ses économies afin d’obtenir des traitements pour une maladie professionnelle qui ne sera jamais officiellement diagnostiquée.
Elle a fini par rentrer au Mexique, après 11 au Canada, dans l’espoir d’obtenir des soins. Or, la maladie ayant atteint un stade trop avancé, elle décédera peu de temps après.
« La vaste majorité de nos membres ont des problèmes de santé non », affirme Viviana Medina, organisatrice communautaire du Centre des travailleur-euse-s immigrant-e-s chapeautant le comité femme de l’ATTAP.
Les travailleuses sans statut ont risqué leur vie tout au long de la pandémie. Plusieurs ont été affectées à la désinfection des espaces contaminés par la COVID. « Nous avons été mises de côté trop longtemps. Nous ne voulons plus être ignorées!» affirme Nadia, qui a perdu son emploi de femme de ménage avec la fermeture des hôtels.
Le Comité femme de l’ATTAP et leurs alliés revendiquent:
• La régularisation définitive de leur statut d’immigration pour cesser de vivre dans la peur constante d’être dénoncées ou découvertes par les autorités puis déportées.
• L’accès aux soins de santé gratuits (RAMQ) pour que plus jamais une vie humaine ne soit perdue alors qu’elle aurait pu être soignée dans la dignité.
• L’accès aux prestations de remplacement de revenu (PCRE, assurance-emploi, aide de dernier recours, etc.). Sans cela les personnes sans statut sont forcées de travailler malgré la maladie.