« Comment vas-tu mon nègre? »
Nous sommes en 2011. Dans une salle remplie à fêler de Blancs, un des mes meilleurs amis (blanc) y va de cette phrase pour me saluer avec les deux bras ouverts.
Silence de cimetière. On pouvait même entendre le ronronnement d’une mouche qui vole, tellement la salle était crispée.
Tous les yeux rivaient sur nous. J’ai eu l’impression que la salle s’attendait à ce que le latin que je suis lui mette mon poing dans la face à cause du mot « nègre » qu’il a prononcé.
Surprise…. Je lui ai répondu : « hey!!! Mon Blanc, ça va bien? On s’est pris dans les bras l’un de l’autre pour se donner des nouvelles de la famille.
Moi et cet ami blanc, on s’est connu en Haïti où j’ai vécu jusqu’à ma trentième année sans me rappeler constamment que je suis un Noir jusqu’à ce que j’arrive ici, au Canada. J’étais dans une ambiance et un environnement où tout le monde me ressemble.
Mais j’ai toujours su que j’étais un nègre. Car, pour les Haïtiens c’est très affectueux d’appeler un autre « nèg mwen » (mon chum).
J’avais vite appris à mon ami cette face de la culture haïtienne et il a fait exprès de pousser le bouchon aussi loin afin de tenter de démystifier le mot pour la galerie qui assistait à la scène.
Dans la même lignée, les caissières blanches de chez… me demandent souvent : « comment vous voulez votre café M.? »
Je réponds toujours : comme moi. Elles comprennent tout de suite que je veux mon café noir (c’est-à-dire sans sucre ajouté, sans lait de vache).
Mais systématiquement elles se confondent en excuse en me disant : « je n’ai pas voulu dire ça, je ne suis pas raciste », ainsi de suite.
Ces mots qui dérangent, qui provoquent des incidents diplomatiques entre race font partie de pourtant de ma négritude dont je suis fier d’ailleurs.
Blackface
En France, en Belgique, aux USA, au Canada entre autres des polémiques liées au fait qu’un Blanc se maquille en noir éclatent.
Même si l’histoire remonte à 2001, ce geste posé par Justin Trudeau, chef du Parti libéral du Canada, alors qu’il avait 29 ans, s’invite dans la campagne fédérale de 40 jours.
C’est le Magazine Times qui vient de la révéler, ce qui fait allumer les braises politiques à l’occasion de ces élections. Le premier ministre s’est « excusé profondément » et même ses adversaires les plus farouches, comme Jean-François Blanchet du Bloc québécois, s’accordent à dire que Justin Trudeau n’est pas raciste.
Oui, dans l’imaginaire collectif aujourd’hui, le blackface fait référence à l’esclavage, cette tranche inhumaine de l’Histoire.
Mais, et si, dans certains cas, cela participait d’une tentative de se mettre à la place de l’autre afin de mieux comprendre le poids de cet héritage?
« Viens icitte Jean, on va te blanchir!! » me lançaient souvent, en riant, mes collègues de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), en fourbissant mon bras à l’aide du leur.
J’étais le seul Noir parmi une cohorte blanche de 63 étudiants à l’époque. C’était leur façon de me dire qu’il souhaitait que je me socialise, que je rentre dans le moule, dans la culture.
Pour moi, chaque blackface doit être interprété dans son contexte, tout comme chaque texte. Celui-là, y compris.
Lorsqu’au Québec, dans le cadre du Bye Bye 2015, un producteur blanc décide barbouiller en noir des acteurs blancs dans une parodie alors qu’il en existe de talentueux acteurs noirs disponibles et disposés, là on est dans un contexte de discrimination basée sur la race.
Lorsqu’on évoque mon accent (haïtien, hispanophone, africain) pour me refuser un emploi à la radio malgré mon potentiel et que seul l’accent du grand cousin français est accepté, on parle aussi de traitement différencié.
Et c’est là, la quintessence de la lutte à mener dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine décrétée par les Nations unies.
Il importe de ne pas nous attarder sur des gestes déplacés de leur contexte et qui visent à nous faire oublier le principal de ce nouveau combat contre les nouvelles formes de l’oppression des Noirs, et ce à travers le monde.
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2 Comments on “« Comment vas-tu mon nègre? »”
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Je me souviens avoir entendu parler des cette histoire aux dernières élections fédérales. Ils prennent un sujet sensible pour une communauté pour nous faire oublier les vrais enjeux (ils insultent notre intelligence).
La seule question qui se pose: la vidéo a été publiée dans l’intérêt de quel parti? Si c’était dans un but honorable, son apparition serait étudiée en dehors des élections.
Je suis fière d’être Noire !
Le parti qui s’amuse à déterrer ou répéter des histoires anciennes devrait me parler d’économie, d’éducation, de logements, de bien être pour les personnes en perte d’autonomie, d’inflation, d’emplois etc…
On perd pratiquement Lavalin au Québec « qu’ ils arrêtent de jouer à la veuve offenser!!!
Parfaitement d’accord. Îl faut mettre chaque chose dans leur contexte. A chaque fois que les politiciens veulent faire du capitale politique, ils invoquent une histoire insensé dans le but évident de nous faire concentrer sur des niaiseries et oublier notre lutte.