Crise du logement: des femmes migrantes doublement victimes - Intexto, jounal nou
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Flanquée d’un garant à chacune de ses visites, Yasmi (nom d’emprunt), une étudiante à la maîtrise d’origine maghrébine, a mis plus de six visites avant de trouver finalement un appartement. Pourtant, elle était munie des preuves de paiement des sessions (7 à 8 000 dollars aux quatre mois) comme étudiante étrangère, mais son statut ne jouait pas en sa faveur.
Biquice, une nouvelle arrivante du Cameroun, y a mis près d’une douzaine de visites avant d’avoir un appartement avec ses quatre enfants en bas âge. Elles ont toutes subi de l’exploitation de la part des propriétaires. Yasmi a dû payer l’équivalent de deux mois de loyer comme caution, de l’argent qu’elle a dû se battre pour récupérer après la fin de son bail pour un appartement troué, insalubre, infesté de moisissure que d’ «autres groupes de personnes ne voulaient ».
C’est autour de ces situations que le Réseau d’action pour l’égalité des femmes immigrées et racisées du Québec (RAFIQ) en collaboration avec le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) a rencontré les médias, lundi dernier, afin de dénoncer, d’appeler le gouvernement du Québec à des mesures urgentes au profit de ces femmes.
Cette sortie s’inscrit dans le cadre des 12 jours d’actions contre les violences faites aux femmes et visait à exposer les conséquences dramatiques de la crise du logement sur les femmes immigrées et racisées (FIERS). La crise du logement ne touche pas tout le monde de la même manière soutiennent les organisations.
Les femmes migrantes à statut précaire font face à des abus de la part des propriétaires, des concierges sans compter qu’elles ne connaissent pas bien leur droit. Sans référence parfois ni historique de crédit ou de preuve d’emploi, elles sont surexposées à la discrimination lors de la recherche de logement.
«De plus ces femmes n’ont pas accès aux logements sociaux (article 11 du Règlement sur l’accès au logement social). Par conséquent, elles sont obligées de vivre dans des appartements insalubres, mal isolés avec des risques pour leurs santés», souligne Safi Nsiempba, porte-parole du RAFIQ.
-2021, le quart des locataires consacrait plus de 30% ( la norme) à payer le loyer avec un revenu médian de moins de 24 000 dollars.
-128 000 consacrait 50% pour le loyer avec un revenu médian de 16 800 dollars
-2016-2021 on a perdu 116 000 logements abordables à moins de 700 dollars par le biais de conversion, renoviction.
« Ça n’est pas causé par l’afflux de demandeurs d’asile ou d’immigrants temporaires, il faut changer les termes du débat. S’il faut parler de hausse d’immigration, il faut aussi discuter de la hausse d’autres phénomènes », estime Stéphanie Barahona de FRAPRU. En clair, elle rappelle que l’immigration n’est pas responsable de la crise du logement.
Pour le RAFIQ et le FRAPRU, expliquer la crise du logement par l’immigration est une «stratégie de communication du gouvernement Legault » pour détourner l’attention de ses responsabilités. « Non seulement l’analyse manque de rigueur, mais elle est dangereuse », dénonce Stéphanie Barahona, organisatrice communautaire au FRAPRU.
La crise du logement est avant tout liée au déficit de construction de logements sociaux depuis 30 ans, au faible encadrement du marché locatif privé et à la financiarisation du logement. « Il est d’autant plus scandaleux d’accuser les personnes immigrantes qu’elles font partie des plus mal logées au Québec », ajoute Mme Barahona.
« Au lieu de chercher de faux coupables, le gouvernement devrait mettre en place les mesures qui s’imposent pour assurer le droit au logement de toutes et tous. Il en va de sa responsabilité », affirme le FRAPRU.
● De doubler la part du logement social au sein du parc locatif d’ici 15 ans, pour répondre aux besoins les plus urgents, notamment ceux des femmes victimes de violence conjugale. Pour ce faire, le prochain budget de Québec doit prévoir des investissements permettant de construire au moins 10 000 logements sociaux par année, via un programme dédié adéquatement financé.
● De prendre la responsabilité et les moyens de poursuivre devant les tribunaux les propriétaires qui se rendront coupables de discrimination dans la location des logements. Les recours offerts aux locataires doivent également être simplifiés et les délais abrégés.
● De favoriser l’information des personnes immigrées sur leurs droits, par des campagnes d’information grand public rappelant tant les obligations des propriétaires, que les droits et les recours des locataires.
Ces manques à gagner exacerbent les inégalités et la discrimination envers les femmes immigrées et racisées (FIERS) qui subissent de plein fouet les conséquences de la crise du logement.
Selon le RAFIQ et le FRAPRU, ces femmes marginalisées par des barrières linguistiques, économiques et/ou sociales sont davantage à risque d’habiter des logements en mauvais état, surpeuplés, éloignés de leurs réseaux ou à vivre de l’instabilité résidentielle.
« En privant ces femmes d’un accès équitable à un logement décent, le marché privé reproduit et amplifie les inégalités, mettant en péril leur sécurité, leur santé et leur droit fondamental à vivre dans la dignité », considère le RAFIQ
La cherté des logements, le surpeuplement, l’insalubrité ou l’instabilité résidentielle affectent la santé et le développement social, affectif et psychologique des enfants. « Les déménagements et les changements d’école sont particulièrement traumatisants, avec des répercussions sur leur développement et leur santé. L’accès limité aux soins de santé, aggravé par l’isolement et les discriminations systémiques, amplifie les conséquences sur leur bien-être global. », explique Safi Nsiempba.
« Il est urgent de reconnaître ces enjeux comme des priorités et de mettre en place des mesures de soutien adaptées pour protéger les femmes immigrées et racisées (FIERS) et leurs enfants », poursuit la porte-parole.