DPJ: BCHM offre une «Option-Protection» aux enfants noirs

Au dîner, l’école d’un jeune élève d’origine haïtienne observe que souvent sa boite à lunch ne contient que deux tranches de pain avec du beurre et peu de collations. Les responsables de l’établissement scolaire logent un appel à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) pour signaler une « négligence».
Et des intervenants de la DPJ arrivent dans cette famille pour prendre les choses en main au grand dam des parents trop fiers de leur progéniture.
« Quand on a été au fond des choses, on s’est rendu compte que les parents donnaient une boite adéquate à l’enfant mais que ce dernier, aimant trop la viande froide, la mangeait de son sandwich en chemin.», explique, pour la morale de l’histoire, Marie-Pierre Ulysse, membre du Conseil d’administration du Bureau de la communauté haïtienne de Montréal (BCHM). Elle est aussi responsable du Comité de suivi du programme Option-Protection.
Ce programme, débuté depuis octobre 2020, est un partenariat novateur entre le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et le BCHM sur la base de constats de surreprésentation des enfants noirs dans les services de protection de la jeunesse mais aussi des défis systémiques auxquels font face les jeunes et familles des communautés noires.
«L’idée de créer ce programme nous est venue après que des demandeurs d’asile eurent commencé à frapper à nos portes pour des problèmes avec la DPJ.», révèle Ruth Pierre-Paul, directrice générale du BCHM.

Marie-Pierre Ulysse, maîtrise en Travail social
«Avec le chemin Roxam, nous commençions à avoir dans les services anglophones, des jeunes haïtiens d’expression anglaise.», renchérit Marie-Pierre Ulysse, gestionnaire au centre Batshaw, l’équivalent anglophone de la DPJ.
Des personnes cherchant la protection du Canada sont arrivées à la frontière avec les USA dès 2017 à l’arrivée de Donald Trump au pouvoir.
Plus de 60% d’Haïtiens
L’incident de la boite à lunch illustre bien comment la société et le réseau (police, garderie, école) est sensible à la gâchette des signalements dès qu’il s’agit de famille noire. La surreprésentation des jeunes noirs dans les services de DPJ est très bien documentée depuis plus de trois décennies. Avec Option Protection le BCHM veut intervenir en amont pour changer cette réalité.
- Au total, au cours des 8 derniers mois, 73 familles noires francophones ont été référées par la DPJ dont 11 foyers de demandeurs d’asile.
- Les dossiers sont des signalements non retenus en majorité. On retrouve quelques cas de « Fin d’intervention » ou de « Support à la famille »
- Les familles ont aussi la possibilité de demander directement le support d’Option Protection ou d’y être référé par la communauté. Il y a donc 10 familles additionnelles qui reçoivent les services dans ce contexte.
- Il y a actuellement une cohorte de 83 familles, majoritairement d’origine haïtienne (63,8%), puis congolaise (10,3%). D’autres proviennent du Sénégal, de la Côte-D’Ivoire, du Togo, du Bénin, de la Guinée, du Mali, du Burkina-Faso et du Ghana.

Racisme?
«Le problème est en amont.», affirme Mme Ulysse qui travaille dans le réseau depuis une trentaine d’années.Elle parle de causes « multifactorielles » à l’origine de la surreprésentation des enfants noirs dans le système.
Pour ce qui est de nos familles demandeur d’asile, à côté d’une méconnaissance, des méthodes éducatives non occidentales, il y a une incompréhension du système scolaire et souvent beaucoup de défis à l’intégration (contexte de travail difficile, isolement et réseaux fragmentés, statuts précaire au pays…) qui contribuent à fragiliser la capacité des parents à répondre à toutes les demandes du système.
Lorsqu’on lui demande si le racisme joue un rôle dans la surreprésentation, elle répond avec un peu de tact : « Je crois que c’est multifactoriel »
Mme Pierre-Paul renchérit en indiquant qu’il faut travailler avec la DPJ et les autres systèmes, à favoriser une meilleure représentativité de la diversité culturelle au sein des équipes. Lorsque les équipes sont moins homogènes et intègrent plus de diversité culturelle, elles développent plus de compétence culturelle qui contribue à démystifier certains clichés.
La Collaboration
La DPJ qui opère dans un contexte de service non volontaire « réfère » les familles et les encouragent à travailler avec le programme Option-Protection qui est un programme volontaire.
La DPJ est un partenaire important du programme Option-Protection qui vise aussi la transformation sociale en plusieurs volets.Le programme promeut la collaboration du BCHM d’une part avec plusieurs segments de la communauté et d’autre part avec divers systèmes (Direction de la DPJ, Direction Programme Jeunesse, écoles, CLSC, police, justice) afin d’améliorer les interventions auprès des communautés noires.
- Le programme met aussi de l’avant un partenariat dans le recrutement de ressources humaines afin d’aider au recrutement d’intervenants qui reflètent la diversité de la clientèle

« Si la communauté noire est fortement représentée peut-être que ce serait mieux qu’il y ait plus d’intervenants qui comprennent et maitrisent la culture de la population surreprésentée.», affirme la directrice du BCHM, Ruth Pierre-Paul
La recherche
La compilation et l’analyse des données via un volet de partenariat et de recherche.
Le volet « Recherche », pour lequel le programme attend une réponse de financement, sera assuré par deux groupes de chercheurs :
- De la chaire UNESCO de l’UQAM (pour la partie recherche-action)
- De l’Institut universitaire Jeunes en difficulté du CIUSSS Centre Sud (pour la partie recherche-évaluation)
« Cela nous permettra de sortir de nouvelles pratiques, valider certaines données : documenter et sortir des pistes d’intervention »– M.P. Ulysse
Le programme bénéficie essentiellement des soutiens financiers de la Fondation Lucie et André Chagnon et Centraide du Grand Montréal. Le député de Gouin, Gabriel Nadeau-Dubois, a aussi apporté une contribution financière du comté. Le programme a aussi reçu un montant discrétionnaire non récurrent du ministre délégué à la Santé et aux services sociaux, Lionel Carmant, souligne Mme Pierre-Paul.
« Il n’y a eu aucun engagement formel du gouvernement qui selon toute vraisemblance souhait attendre le dépôt du rapport Laurent. Maintenant que le rapport est sorti et que les recommandations vont dans le sens de ce projet on va voir ce qui sera mis sur la table», ajoute de son coté Mme Ulysse.
Territoire de la surreprésentation
Pour le moment, les familles desservies par le programme se retrouvent dans 11 des 19 arrondissement de Montréal : Rivière-des-Prairies-Pointe-Aux-Trembles, Anjou, Mercier – Hochelaga-Maisonneuve, Montréal-Nord, Saint-Léonard, Villeray – Saint-Michel– Parc-Extension, Ahuntsic- Cartierville, Ville St-Laurent, Côte-des-Neiges – Notre-Dame de Grâce, le Sud-Ouest et Rosemont – La Petite Patrie. Elles sont majoritairement situées dans le centre et l’est de l’île.
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One Comment on “DPJ: BCHM offre une «Option-Protection» aux enfants noirs”
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Merci BCHM d’exister! Je trouve que c’est une bonne alternative, humaine et aidante pour les familles de la communauté noire de l’île de Montréal. Pour ma part, j’ai déjà fait plusieurs références et je suis vraiment contente pour les familles qui y retrouvent une écoute et du support d’une efficacité hors-pair!