Nerlande Gaétan Civil aspire à la mairie de Saint-Léonard
Dans la série de portraits de candidat.e.s issu.e.s de la diversité à Montréal, Québec, In Texto vous présente une mère de famille qui se lance dans la course à la mairie de l’arrondissement de Saint-Léonard pour les élections des 6 et 7 novembre 2021.
Nerlande Gaétan est mère de cinq filles. Elle habite à Montréal depuis environ une décennie. Avec une formation en éducation spécialisée, elle complète une maitrise de gestion en administration publique à l’ENAP à Montréal.
Née à Torbeck, dans le sud d’Haïti, elle a grandi à la capitale Port-au-Prince où son implication citoyenne s’est considérablement intensifiée. Animatrice de radio,elle a présenté respectivement des émissions pour enfants à la radio Kiskeya régulièrement et pour adultes lors des périodes carnavalesques. Avec le Volontariat pour le développement d’Haïti (VDH), elle a un long parcours de bénévole qui l’a suivi jusqu’à Montréal.
Avec un baccalauréat en intervention psycho éducative et communautaire, elle évolue dans la gestion d’organismes. Pour elle, la gestion commence à la maison, avec une belle équipe de 5 jeunes femmes à qui elle apprend les rouages de la vie.
Directrice du festithéatrecreole, un festival lancé depuis déjà trois ans pour faire la promotion des artistes issus de la diversité de la communauté, spécialement des cultures créoles. Elle coordonne également la compagnie théâtrecréole. Cette dernière fait la promotion de la place des artistes de la diversité dans la sociétéquébécoise.
« On utilise le théâtre comme miroir de la société pour changer les mœurs et coutumes. On travaille sur la discrimination et la santé mentale dans ce milieu artistique. C’est aussi pour permettre aux familles à faible revenu d’avoir accèsà l’art sans se ruiner », déclare cette jeune fonctionnaire publique, car elle travaille à l’hôpital par ailleurs.
Comment vivez-vous la conciliation travail-famille?
« Ce n’est pas facile. Encore pire pour une femme. Et là, je me lance en politique. Je dirais que c’est très difficile, parce qu’il faut prendre soin de mes enfants. Ils ont quand même des âgesdifférents, j’ai la chance d’avoir plusieurs générations d’enfants. Des enfants de 1 an à 20 ans, donc c’est plus compliqué encore de gérer les plus petites.Mais les ainées sont formidables et me donnent des coups de main; je les ai d’abord élevées ainsi, afin qu’elles s’entraident. Et ça c’est l’une des réussites dont je suis fière. Mon mari et moi avons travaillé pour faire comprendre que l’entraide commence au sein de la famille. », dit Mme Gaétan.
Qu’est-ce qui a motivé votre choix de vous lancer à ce niveau?
N.G :« Me lancer en politique a été un choix de famille. Le jour de l’anniversaire de mes 35 ans. Cela m’a pris un mois de réflexion et de consultation avec ma famille. Je remercie Guedwig Bernier de Projet Montréal d’être venu me chercher pour faire partie de cette représentation de la diversité. Le projet m’a plu. Et toute ma famille m’a soutenue et me soutient encore. Alors, on sera encore plus soudésaprès cette campagne parce qu’on a fait un choix de famille ».
Pourquoi choisir Saint-Léonard?
N.G :J’ai choisi Saint-Léonard parce que je ne voulais pas vivre ce sentiment d’imposteur. Je suis impliquéeàSaint-Léonard en tant que citoyenne. Mes enfants sont nées et ont grandi àSaint-Léonard. Je connais le propriétaire du dépanneur du coin où j’achète mon pain. Donc, je vois ce qui manque et ce qui a été ajouté. Il faut le dire, il faut respecter le travail qui aété accompli. Je ne viens pas changer des choses parce qu’il n’y a rien qui a été fait. J’ai beaucoup de respect pour l’équipe qui a travaillé durant les 40 dernièresannées. Et je crois que le nouveau souffle doit être apporté. L’équipe a travaillé fort. C’est comme dans un rallye, pour dire qu’une nouvelle équipe, jeune et dynamique est prêteà prendre le relais. Je ne suis pas venue remplacer une personne ou je n’ai rien contre une personne ou une catégorie, parce que je crois que le travail accompli est bien, mais maintenant on peut faire mieux. C’est d’êtreà l’écoute de toutes les communautés, d’être dans la cohésion, cette mixité où chacun à sa place. Saint-Léonard a changé démographiquement et malheureusement cela ne se voit pas par l’administration actuelle. Je pense qu’ils sont essoufflés et ont besoin d’une équipe avec une vision plus large. Et je crois que mon équipe de Projet Montréal et moi pouvons apporter ce nouveau souffle.
Que comptez-vous apporter de nouveau par ce nouveau souffle?
« Nous pouvons mettre de l’avant le logement abordable.C’est quasi-impossible pour les gens de se loger sans se ruiner, car c’est au-dessus du 30%. Les loisirs sont presqu’inexistants. Les enfants jouent au soccer seulement trois mois alors qu’ils pourraient jouer sur l’annéecomplète comme au Hockey. Pour le transport collectif, c’est de permettre aux gens de se déplacer de le faire de manière sécuritaire en respectant le désir de chacun.e. L’artère Jean-Talon a besoin d’un nouveau souffle, c’est le centre économique de Saint-Léonard, elle est négligée. Mon équipe et moi proposons le concret pour les Saint-Léonardois-ses. Étant une mère de famille, la sécurité est très importante pour moi. Dans les parcs, etc. Donc, il nous faut apporter plus de sécurité », poursuit-elle.
Quel a été votre plus grand défi jusque-là?
« Mon plus grand défi a été de faire duporte-à-porte.Le porte-à-porte demande la compréhension de celles et ceux avec qui je collabore. La famille, les collègues. La pandémie a rendu les tâches difficiles. Il y a des gens qui habitent dans des blocs d’appartement depuis 10, 20 ou 30 ans qui ne savent même pas s’ils sont sur la liste électorale, alors qu’il y avait toujours des électionsfédérales. Ils disent qu’on ne cogne jamais à leurs portes. Souvent ce sont des immigrants qui sont négligés, parce que l’on ne compte pas sur leurs votes. Et l’autre défi, c’est le désabusement des jeunes. Ils disent qu’on ne vient jamais vers eux, qu’on ne les entend pas. Alors que le problème de sécurité touche essentiellement les jeunes, avec les questions des gangs de rue, etc. Moi, j’aimerais que l’on relève ce défi, de pouvoir inciter ces gens à voter. J’aimerais montrer queles jeunes sont intéressésà la politique, qu’on prouve que les jeunes et les immigrants votent », renchérit cette femme qui se décrit comme une fonceuse, qui n’abandonne pas. Une femme de concrétisation, dit-elle. Les gens diraient d’elle une femme qui aborde les choses concrètement.
Quels sont vos loisirs à vous?
« Mon plus grand loisir est la danse. J’adore danser. Petite, j’ai voulu être une ballerine, je n’ai pas pu l’être. Je regarde parfois des séries inspirantes comme Scandalou Secrétaire d’État ». Étant une mère qui doit aider ses filles à avoir des informations, ses livres de prédilection parlent de parentalité et de santé sexuelle. Et ces séries traitent de la perception des femmes/mères au pouvoir, dela difficileparité en politique.
« À long terme, je veux qu’il y ait un changement au niveau de la vie politique àMontréal. C’est de rappeler que notre désir est de faire évoluer cette société qui nous a accueillis, oùon a choisi de rester et de vivre, immigrant.e ou pas. À plus long terme, j’aimeraisréaliser un espace plus ouvert pour la culture, car je remarque que celle-ci est trèsfermée pour les artistes issus de la diversité. Ce n’est pas pour rien que je choisis la cause du festithéatrecréole, et j’espère l’étendre pour les communautés afrodescendantes, pour que ce ne soit pas seulement un quota qu’on voit lorsqu’on voit un artiste noir sur scène. S’il y a une chose que j’aimerais changer, c’est d’êtreà la fois à l’écoute des citoyens et d’être dans un travail de concertation. Il ne faut pas juste écouter, il faut aussi travailler en concertation pour les réaliser », poursuit-elle avec beaucoup d’optimisme dans la voix.
Quel message auriez-vous pour une jeune femme, noire, mère qui aimerait se lancer en politique ?
« Se faire bien entourer. Et d’avoir le soutien de sa famille. Il faut savoir qu’une campagne est très énergivore. Cela prend une famille soudée. Parce qu’il y a de l’argent qui sort et qui ne rentre pas. Donc, cela implique de faire confiance à la famille. Donc, dans toutes les situations, il faut savoir que la famille est importante.Je dirais aussi à cette jeune femme noired’oublier la couleur. Celle-ci n’a aucune importance, mais de miser plutôt sur les aptitudes et capacités en tant qu’être humain à porter les dossiers pour que les citoyens se sententreprésentés. C’est vrai que la couleur de peau représente une diversité, mais c’est l’image actuelle de Saint-Léonard. Et cela m’a enlevé ce sentiment d’imposteur. C’est vrai qu’on m’a fermé la porte au nez, mais je fais fi de tout ça. Je suis là pour changer des choses », conclut-elle.