Gérard Jeune: l’enseignant qui persévérait plus que ses élèves - Intexto, Journal Nou
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Passionné de langue, M. Jeune se voyait, dès son plus jeune âge, comme traducteur aux Nations unies un jour. Mais « c’est parfois un coup de chance dans la vie que de ne pas obtenir ce qu’on voulait.», dit-il pour paraphraser le Dalaï-Lama.
Malgré une maîtrise en traduction qu’il obtient de l’Université de Montréal (UdeM), Gérard Jeune, arrivé d’Haïti au Canada en 1975, allait toutefois se réorienter en enseignement dans lequel il a passé trente belles années.
En traduction, à l’époque, seul le gouvernement fédéral offrait des postes, ce qui aurait pu lui permettre d’accéder à L’ONU. Mais, voilà, il n’y en avait plus. Ottawa sous-traitait la traduction à des pigistes.
Il rencontre une spécialiste en orientation de carrière qui lui conseille de faire un an de plus à l’Université pour décrocher un permis d’enseignement, ce qu’il a obtenu à la suite de son stage.
« C’est la meilleure chose qui me soit arrivée dans la vie.», confie-t-il à In texto à la retraite depuis une dizaine d’années.
Il passe cinq ans à enseigner au primaire et au secondaire avant de devenir directeur adjoint de l’École de la Fraternité dans le quartier Montréal-Nord, à Montréal.
Quelques années plus tard, il est nommé à la direction de l’Académie de Roberval pendant 15 ans où il est respecté et aimé pour le travail qu’il fait mais aussi en raison de son implication auprès de ses élèves.
« À la fin des classes je les accompagnais jusqu’au métro afin de m’assurer qu’ils ne flânent pas. Car, s’ils font des bêtises, cela pourrait éclabousser mon école. »- Gérard Jeune.
À sa demande, il est transféré de l’Académie de Roberval, à la polyvalente Louis-Joseph Papineau. Gérard Jeune l’a fait pas sur un coup de tête. Il a quelque chose de très important à régler et qui le chicotte depuis des années : le cas de Louis-Joseph Papineau dans Saint-Michel, un quartier qui regorge d’Haïtiens.
Il dit, pourtant, y avoir «découvert des enfants merveilleux mais aussi des profs qui ne croyaient pas en eux.» Et lorsqu’il commençait à les «traiter comme des êtres humains», il s’est vite rendu compte qu’il nageait à contre-courant.
« J’ai reçu des flèches, pas à peu près, de la part de mes collègues. », se souvient-il encore aujourd’hui.
Gérard Jeune était non seulement le genre de directeur qui reconduisait ses élèves au métro après l’école, mais il pouvait débarquer chez les parents afin de vérifier les conditions dans les lesquelles ses petits protégés évoluent.
« J’ai toujours fait plus que ce qu’il y avait à faire.», dit-il.
À l’instar de l’Académie de Roberval, Gérard Jeune se rendait à l’arrêt d’autobus pour s’assurer que ces élèves de Louis-Jo, comme il appelle affectueusement cette école, ne trainent pas dans les rues et attrapent leur autobus à temps.
Comme directeur d’école, il disposait d’un budget discrétionnaire. De ce fonds, il payait des passes d’autobus pour certains dont les parents n’arrivaient pas à arrondir les fins de mois en prenant soin de les aviser de son geste.
« Je suis d’origine haïtienne , directeur d’école, et je vois un jeune de même origine qui se cherche ce serait criminel que de ne pas l’aider. De l’aide, j’en ai reçu dans ma vie moi aussi. Et je sais combien c’est important.»-G. Jeune.
Outre le chancelier Saintellemy, M. Jeune se souvient de Nicolas Compère, qui, au début du secondaire trainait la savate. Les professeurs lui mettaient énormément de pression pour le sortir de l’école tellement qu’il ne fournissait pas.
« On disait dans mon dos que c’est parce qu’il est d’origine haïtienne. Il est Noir comme lui et il veut le protéger.», se remémore l’enseignant avec peine.
Mais Gérard Jeune insistait, prenait patience avec lui jusqu’à ce qu’il décolle. Et aujourd’hui, Nicolas Compère est ingénieur au Québec.
« Il y a six mois, je l’ai croisé, comme par hasard, on a échangé nos coordonnées et à la fin de la journée, il m’a écrit : M. Jeune vous m’avez montré le chemin et je l’ai suivi. Merci. ».
Des histoires de succès comme cela, Gérard Jeune ne les compte plus. Comme celle de Mohamed, un jeune d’origine syrienne. « Le pire élève et le seul pour qui j’ai dû appeler la police pour le sortir d’une salle de classe.»
Il l’a recroisé lui aussi récemment et Mohamed lui a raconté ce qu’il est devenu avec tellement avec beaucoup de remerciements.
« Je suis parti de cette école, Louis-Jo dont on disait du mal, les larmes aux yeux. Ils m’ont fait une haie d’honneur en chantant : Adieu M. le directeur, on ne vous oubliera jamais…. ainsi de suite.» – ( Voir la photo en Une)
Gérard Jeune est né en Haïti où il a fréquenté le lycée, car ses parents n’avaient pas les moyens de l’envoyer à l’école privée. Il a immigré au Québec en 1975 et est retraité depuis une dizaine d’années.
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Bel article, c est rare des professeurs comme lui . C’est un don de soi le travail d’enseignement .
Y a-t-il une façon qu’on puisse prendre pour lui remercier?
J’ai eu la chance d’avoir M. Jeune comme directeur et encore aujourd’hui (15 ans plus tard), il refait surface dans nos conversations familiales! Cet homme était très présent auprès des jeunes et je suis persuadée que TOUS ses élèves ont un bon souvenir de lui!
Signé : Pelletier (il saura me reconnaître!)