Giraumon: la girouette collective
Elle goûte bon, la soupe. Ben… oui, surtout si elle a reçu la touche finale de grand-mère dont elle, seule, a le secret.
Le bœuf (haut de surlonge), coupé en dés, le jus de citron, les gousses d’ail hachées, les épices de Grand-mère, les carottes, les branches de céleri, le blanc de poireau, les pommes de terre ou à défaut le macaroni italien, la «loseille» s’accordent bien pour faire plaisir aux papilles haïtiennes et à celles des amis d’Haïti.
Mais en ce 1er janvier, difficile d’en dire autant à propos des Haïtiens, qui sont pourtant des humains, qui s’entredéchirent. Le jaune du giraumon doit nous faire rire jaune. En pleine face. Car, s’il n’a pas perdu sa couleur, il doit perdre tout son sens plus de 200 ans après l’indépendance.
Nos ancêtres buvaient cette soupe afin de marquer à jamais, et aux couleurs jaunes, leur liberté face à l’esclavagisme blanc.
Ils diraient quoi à propos de ce qu’on est devenu : une municipalité de la communauté internationale. Un territoire, à peine autonome, où tout candidat à des «élections», au CASEC, voire à la présidence, doit aller chercher l’approbation d’un proconsul ou d’un “blanc manan”.
L’industrie de la manif
Un territoire où les violentes manifestations de rue sont devenues une industrie florissante pour des collabos qui ne comprennent ni la portée, encore moins les conséquences de leurs actes sur leur propre progéniture, leur famille.
Ah!… J’allais oublier. Les enfants de ces «politicailleurs», qui caillassent la ville, brûlent les biens d’autrui, étudient à l’étranger.
Leurs enfants sont au frais, et de plus au frais, de misérables contribuables et non à la charge de cette bande d’excités, d’écervelés, de journaliers du trouble et de méfaits qui s’époumonent pour le compte des plus offrants.
À travers le monde, les Haïtiens se donnent rendez-vous pour la boire ensemble, cette bonne soupe. En buvant la mienne ce matin, j’ai eu toute une manifestation gustative des ingrédients mentionnés plus haut.
Mes ancêtres l’ont consommée, la première fois, le 1er janvier 1804. Il s’agissait pour eux de consacrer leur liberté d’hommes libres face à l’esclavagisme dans toute sa stupidité. Moi, je la bois afin de renouveler, chaque année, ma liberté de pensée. Un grand merci à mes aïeux.
Mais collectivement Haïti n’est pas libre. Et c’est ce «collectivement» qui importe ici, pour moi du moins.
Puisque, que vous soyez millionnaire, Ti-Rouge, que vous aimiez vous faire appeler «M. le président» jusqu’à vous sentir dieu d’Haïti chérie, «sénateurs», que vous soyez médecin, agronome, Dame sara : votre dénominateur est Haïti. Son passeport ne dépasse pas les limites des 27 000 km carré de superficie. Voilà, hormis la mort, un jour pour tous, on se retrouve à ce point commun.
Et je peux vous dire que de l’étranger, j’observe qu’on nous met tous dans le même panier et qu’on nous regarde de haut sans nous le dire en pleine face.
Alors que nous ne sommes rien d’autre qu’une marionnette collective et mondiale.