La COVID-19 est dans ma cour
Par hasard, j’ai croisé ma cousine dans une épicerie. D’un sourire aussi large que ses deux bras grands ouverts, elle avançait vers moi pour me donner un câlin. Comme à l’accoutumée. Une fois à deux mètres de moi, d’un bras, je lui fais signe de la main de s’arrêter.
« Ah…», me lance-t-elle. J’ai pincé mes lèvres, un pincement que j’ai senti jusque dans le cœur. Car, COVID-19 nous a happés, volés, interdits notre côté chaleureux au point d’en avoir froid dans le dos.
Cette distanciation sanitaire qui devient physique est très difficile pour des latins comme nous habitués aux embrassades, aux éclats de rires. Au moins on a ri, causé et s’est embrassé d’un geste de la main à distance.
Et à la fin de la journée, j’apprends, comme ça, comme on annonce le décès d’un être cher, que le coronavirus était dans ma cour, dans ma communauté, dans ma province.
Une belle-sœur, une sœur, une nièce, un beau-frère, tous travaillant dans le domaine de la santé. Et combien d’autres à qui on a, peut-être, déjà balancé en pleine rue un vulgaire: « retourne chez vous! », accompagné d’un violent non-verbal.
Ceux-là, dont on se souvient soudainement, comme un M. «tout-d’un-coup», qu’ils étaient des « anges-gardiens » dans le domaine de la santé.
Ceux-là, à qui on n’a de cesse d’adresser des mercis, au point d’avoir le tournis, pour avoir crâné, bravé le danger de mort qu’est la COVID-19. Et pourtant, certains d’entre eux auraient aimé continuer à suivre leur voie d’ingénieur, de psychologues, de médecins, d’enseignants et quelle autre noble profession dans le monde qu’ils ne peuvent pas exercer ici.
Et si on les remplit de « mercis », c’est parce qu’ils font leur nouveau métier avec cœur, passion, professionnalisme et surtout humanisme.
Ils le font surtout pour du pain et du beurre. Disons-le carrément. Car, sinon ils crèvent, ils mangent la grosse « M » comme on leur dit souvent ici.
En fait ils en mangent, ils en arrachent à soigner des aînés qui ne les respectent pas toujours, qui leur crachent en retour leur racisme, leur frustration, leur venim d’être rendus là dans leur vie, d’être tassés par leur famille, par le système.
J’ai entendu dire que tout le personnel de la santé sera testé au COVID. Je ne suis et ne veux pas être prophète de malheur, mais la majorité des travailleurs pourraient se révéler positif au coronavirus. Faute de matériel de protection.
Cela pourrait être pire. Car, il manque déjà à l’appel de renforts lancé, et mille fois répété, par le premier ministre François Legault 1 200 travailleurs qui œuvrent dans les CHSLD, « mais qui ne sont pas au travail en ce moment parce qu’ils sont infectés ou qu’ils ont peur de l’être. »
« On a besoin de vous ! J’en appelle à votre sens du devoir. J’en appelle à tous ceux qui peuvent. Allez sur le site Je contribue, enrôlez-vous ! », a déclaré François Legault.
Selon le gouvernement, des médecins spécialistes (dotés d’une formation en médecine générale avant tout) proposent de travailler comme téléphoniste dans le cadre de la COVID. Vraiment!!!?
Or, on n’a pas besoin de téléphonistes. Puisque 95 % des établissements sont en mesure de communiquer avec les familles. Et le premier ministre se fixe un objectif de 100 % et a demandé qu’il y ait au moins une personne désignée pour communiquer avec les familles dans chaque établissement.
Pas besoin d’être MD pour ça, je présume.
Moins d’immigrants après la COVID?
« Sens du devoir », vous avez dit M. le premier ministre? Vous parliez des immigrants, sûrement. Ceux-là même dont on compte réduire le nombre encore plus au Québec en raison de la crise sanitaire.
Car, selon les spécialistes en économie et employabilité, il manquera de main d’œuvre une fois passée la pandémie. Et donc, il n’y en aura déjà pas assez pour nous, voire pour les autres qui viennent d’ailleurs.
Depuis le premier appel de M.Legault jusqu’au dernier, on retrouve en majorité des immigrants, surmenés, dépassés, apeurés qui risquent leur vie à aider dans un contexte difficile et dans des conditions de travail aggravantes à cause de ce virus.
Depuis près d’un mois, je les entends, mes proches qui travaillent en santé, se plaindre du manque de matériels (Masques, gangs, jaquettes etc..). J’entends des histoires de réquisition d’outils de protection entre deux équipes volantes, par peur d’en manquer.
En fait il faudrait avoir peur d’en manquer plusieurs (parmi les travailleurs) que le virus aura fauché faute de moyen de protection.