La sociologue devenue entrepreneure sociale
Henriette Kandula est sociologue, diplômée de l’Université Laval. Rien ne prédestinait cette Congolaise de la RDC à l’entrepreneuriat social. C’est en faisant sa maîtrise en gestion des coopératives à l’Université de Sherbrooke que l’idée lui est venue à la suite d’un choc culturel vécu.
Dans le cadre de son Mémoire, Henriette visite des champs de tomates et d’autres fermes agricoles dans la région de Sherbrooke. Elle tombe sur des immigrants africains qui étaient de «grand M. » chez eux et qui se retrouvaient à cueillir des myrtilles, des fraises entre autres. Parfois leurs femmes et leurs enfants s’y mettaient aussi pour pouvoir tronquer la sueur de leur front à du beurre sur la table.
«J’ai rencontré des fonctionnaires, des professeurs, des érudits qui étaient en Afrique et qui travaillaient dans les champs, se lamente-t-elle, cela m’a beaucoup fait mal et affectée.»
«Ils ne seraient peut-être pas professeur ici, mais dans l’entrepreneuriat il pourrait s’épanouir » se disait-elle. Car, pour Henriette Kandula il s’agit d’un outil d’intégration économique au même titre que l’emploi, «sinon mieux».
Choquée par ce constat, Mme Kandula réussit à convaincre quatre autres membres de la communauté africaine du Québec de monter un organisme qui devait venir en aide à des immigrants venus d’Afrique. Et Chantier d’Afrique du Canada ( CHAFRIC) est né.
Entrepreneuriat pour être libre
À L’époque, la majorité des ressortissants du continent venait pour les études et repartait. Mais, au fil du temps, certains posaient leurs valises définitivement en raison des situations politiques qui se développaient dans leur pays respectif. Après avoir milité en employabilité de ses compatriotes, la sociologue doublée d’une maîtrise en économie sociale décide de se tourner vers l’entrepreneuriat.
« Pour nous c’est un levier d’indépendance financière et on a eu des cas ou des gens étaient sur le bien-être social et l’ont quitté pour lancer leur entreprise », se réjouit-elle.
Depuis plus de 20 ans, des milliers de personnes ont monté leur entreprise avec Chafric. On parle de 150 chaque année. Reste que toutes ne sont pas pérennes, admet Mme Kandula. Mais «c’est le potentiel qu’on recherche, car l’entrepreneur est un passionné».
Il y a une tendance aujourd’hui chez les communautés noires à créer leur propre entreprise, observe l’entrepreneure sociale qui œuvre dans le milieu communautaire depuis plus de vingt ans.
Un parcours inspirant
« Pour moi c’est une vocation. Les gens font de l’entrepreneuriat parc qu’ils pensent qu’il y a de l’argent. Mais il y a 20 ans on n’avait zéro dollar. L’argent et les subventions vont venir après », croit la native de Kinshassa (RDC) qui a posé ses valises au Québec depuis 35 ans.
Henriettte Kandula dirige CHAFRIC depuis 2002.Elle est récipiendaire de plusieurs prix à la suite de son implication, elle a été lauréate du Mois de l’histoire des Noirs en 2010 et elle a aussi reçu plusieurs autres prix Méritas de diverses organisations du Québec et du Canada.
Sa détermination et son travail de terrain ont contribué à la mise en place des Mesures de soutien en entrepreneuriat des communautés noires au Québec en 2007. Également en 2009, elle initie le programme Femme et Leadership, autant pour mettre en valeur les talents des femmes de la diversité que pour les outiller dans leurs processus d’intégration au Québec. Des centaines de femmes y ont été accompagnées.
Présentement, elle siège au sein de plusieurs conseils d’administration et tables de concertation pour s’assurer de l’accès aux services et pour soutenir l’intégration sociale et économique des personnes issues de l’immigration et des communautés noires.
CHAFRIC est co-fondateur du Sommet pour le Développement Socioéconomique des Jeunes des Communautés noires et madame Kandula occupe la vice-présidence au Conseil d’administration.
Par ailleurs, elle siège au conseil d’administration du Centre d’encadrement pour jeunes femmes immigrantes (CEJFI) et elle est également présidente du CA du centre des femmes, Afrique au Féminin, membre du Comité aviseur d’ »Entreprendre ici » et membre du Comité consultatif communautaire de l’Institut pour la Recherche et l’Éducation sur les Relations raciales (IRERR) pour ne nommer que ceux-là.
Femme de terrain et engagée, Henriette Kandula est sélectionnée en 2018, parmi les 20 femmes qui ont été choisies pour faire partie de l’exposition « Citoyennes inspirantes » à la place des Montréalaises située au cœur du centre-ville de Montréal (métro Champ-de-Mars). Cette exposition devait être là jusqu’à la fin 2020, salue la force et l’apport remarquables les femmes à la communauté montréalaise.