Le Centre «Na Rivé» en arrive à 50 ans d’alphabétisation au Québec - Intexto, jounal nou
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Ninette Piou et trois des cinq piliers du Centre Na rivé sur les tableaux en arrière, dont Paul Déjean, au mitan.
D’un petit comité d’alpha composé de Lucien Smarth, Paul Déjean, René Solaire Carl Lévesque et Molière Estinvil, en 1973, le Centre Na rivé est devenu, 50 plus tard, un incontournable en matière de francisation et d’alphabétisation au Québec.
Outre la communauté haïtienne, près d’une vingtaine d’autres obtiennent aujourd’hui le pain de l’alphabétisation ou de francisation lors d’ateliers qui ont lieu au Coin de Saint-Denis et Bélanger, à Montréal.
«Ce sont en majorité des femmes avec enfants en bas âge qui ne peuvent pas assister aux ateliers offerts par le gouvernement en raison de leur emploi du temps à la maison. Elles viennent de pays du Maghreb, de l’Afrique et environ 4% ont moins de 25 ans», précise la directrice générale du Centre, Ninette Piou.
Le pourcentage de gens qui sont analphabètes à Montréal étonne les intervenant du Centre. Mais, la «gêne et la honte» freinent leur élan vers le savoir, selon Mme Piou.
Depuis 1983, le Centre Na rivé institue l’alphabétisation en langue créole dans le cadre d’ateliers qui ont lieu à Montréal. Ceci avait provoqué un tollé au sein de la communauté haïtienne. Beaucoup étaient scandalisés par cela et prétendaient que les gens n’arriveront jamais à s’intégrer ainsi.
Ninette Piou se souvient encore que des détracteurs de cette idée venaient devant les locaux de l’organisme pour apostropher et décourager les clients. Ces derniers ont tenté ensuite les rediriger vers d’autres organismes.
«Des gens disaient qu’on était en train de les abrutir. Or, l’on sait que lorsque les gens apprennent à lire dans leur langue maternelle il leur est plus facile de faire le virage vers une 2e langue. Et aujourd’hui cela fonctionne», note cette ancienne normalienne de l’École nationale supérieure en Haïti et qui dirige l’organisme depuis bientôt 40 ans déjà.
De plus, depuis plusieurs années déjà, le Centre Na Rivé aide les jeunes et les moins jeunes, Québécois ou immigrants à obtenir leur diplôme de secondaire 5 grâce à cette langue créole.
Le Centre Na rivé dispose de la reconnaissance du ministère de l’Éducation pour son programme d’alpha. Moyennant 100h d’activités en créole, jeunes et vieux peuvent compléter leur programme de secondaire 5 au Québec.
L’ancien professeur de sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Franklyn Midy, y mettait son grain de sel dans l’apprentissage en créole. Pour le compte du Centre Na rivé, il avait édité le livre «Aprann li» qui sert encore de base.
L’exigence de la maîtrise du français par les immigrants qui fait débat aujourd’hui au Québec ne date pas d’hier. Sous la dictature de Jean-Claude Duvalier (Baby Doc), arrivé au pouvoir à la mort de son père en 1971, chaque semaine au moins 250 Haïtiens arrivaient par avion à Montréal.
Un bon nombre d’entre eux ne parlait pas ou ne maitrisait assez la langue française et était sous la menace de déportation. Car, Immigration Québec accordait et accorde encore beaucoup de points pour le français. Et le petit comité de cinq personnes, qui assurait des ateliers de « communication française » dans les locaux du Bureau de la communauté chrétienne de Montréal (BCCHM), s’est rendu compte qu’il passait à côté du but.
Et c’est alors que l’alphabétisation prenait une place importante dans les ateliers. «L’alphabétisation a pris le dessus ainsi, mais les deux vont ensemble jusqu’à présent. On a toujours arrimé les deux», précise la responsable du Centre.
D’un petit espace au BCCHM, le Centre Na rivé est devenu autonome et maître de chez lui en 1986, au départ de Duvalier. Les piliers communautaires de l’époque retournaient en Haïti laissant en plan toute une frange de la communauté qui avait encore des besoins en matière d’alpha et de francisation. C’est le début d’une démarche d’autonomisation qui les, une dizaine d’années plus tard, en 1995, à s’établir sur Saint-Denis.
«Notre rêve était d’acquérir ce local qui nous coûte une fortune en loyer (plus de 100 000 dollars par année)», déplore Mme Piou. Un projet que l’organisme n’a pu concrétiser en raison des difficultés de financement inhérentes à un organisme communautaire racisé.
Mais malgré tout le Centre Na rivé croit pouvoir arriver. Il y a 15 ans, il a mis sur pied le Salon du livre haïtien, auquel participe régulièrement Dany Laferrière, dans le but de financer de façon autonome le projet.
«Mais ce n’est pas ce qui rapporte», dit la directrice. Le projet d’acquisition d’un local n’aura pas lieu au cours du cinquantième mais le Centre ne désespère pas. Il travaille sur plein d’autres projets et activités de financement dans le but d’avoir son chez-soi.
«C’est une pâte que je façonne, que je tente de modeler. Je voulais partir au 50e anniversaire mais la COVID a tout fait basculer, il me semble que je serai là encore pour deux ou trois ans encore»-Ninette Piou, directrice générale du Centre Na rivé.
1983. Début de l’alphabétisation en créole provoquant l’ire au sein de la communauté haïtienne de Montréal.
1984- Création de la Journée internationale du créole.
2000- l’événement «Présence à partager», une concertation des organismes haïtiens de Montréal voit le jour.
La Journée du livre haïtien est lancée à l’occasion du 35e anniversaire du Centre. Cela fait 15 ans.
En 2007, le Centre joue un rôle clé dans les États généraux de la communauté haïtienne de Montréal.
À l’occasion de ses 50 ans, le centre entend prendre un virage numérique dans le cadre de ses formations en ligne destinées aux personnes de faible scolarité. La création d’une plateforme numérique est en cours
Ce texte est rédigé dans le cadre de l’événement «200 ans au Sommet », le samedi 7 octobre à la Tour du Vieux Port de Montréal, afin d’honorer le travail de quatre organismes de la communauté depuis 50 ans au Québec.