Le policier débarque à son travail après avoir eu un ticket
Après lui avoir administré un ticket de 48 dollars pour avoir traversé la rue hors du passage pour piétons, lui faire répéter son nom plus de quatre fois sous prétexte qu’il « était pas facile à comprendre », le policier Éric Locas est même allé voir son employeur, le lendemain, pour le dénigrer cet agent de sécurité d’origine haïtienne.
Rivelino Bélizaire a de prime abord porté plainte auprès de la déontologie policière pour cet incident, qui s’est passé en février 2016. Le commissaire à la déontologie a traité sa plainte mais a refusé de blâmer son agent pour profilage.
«La Commission des droits reconnait ce que le Comité de déontologie policière n’a pas reconnu, c’est-à-dire que c’était clairement un acte de profilage racial depuis l’interception jusqu’au moment où le policier est allé me dénoncer auprès de mon superviseur », a déclaré M. Bélizaire.
En janvier 2018, le Comité de déontologie policière a conclu que le policier Locas avait dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec, sans toutefois admettre qu’il y avait là du profilage racial derrière ces actes.
Pourtant le Comité admet que « en allant rencontrer le superviseur de M. Bélizaire pour des fins impropres », le Comité a jugé que le policier Locas ne s’était pas comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction.
«Cette rencontre …était inappropriée et inconvenante …nettement exagérée, voire même déplacée, et aurait pu être lourde de conséquences pour M. Bélizaire »- Comité déontologique de la police de Montréal.
Le policier Éric Locas qui a, à son actif, 24 ans d’expérience dont une dizaine d’années au service de sécurité routière, traine pourtant de lourds antécédents. L’agent Locas a déjà commis « sept dérogations déontologiques et s’est présenté quatre fois devant le Comité, entre 2002 et 2017 ». Le Comité lui a imposé une suspension sans solde de 12 jours ouvrables.
Cette fois, dans une décision transmise aux parties il y a trois semaines, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) demande à la Ville de Montréal de payer à monsieur Rivelino Bélizaire 15 000 $ en dommages moraux et au policier de lui payer 3 000 $ en dommages punitifs.
En outre, il a suggéré à ses supérieurs de lui imposer une « formation sur les règles que tout policier dans l’exercice de ses fonctions doit respecter et du comportement qu’il doit avoir avec le public ».
Le policier Locas a porté la décision du Comité en appel, mais sans succès. En 2019, il a eu deux autres sanctions dans un cas impliquant une femme arabe, portant à 9 le nombre de sanctions déontologiques entre 2002 et 2018.
« De me faire répéter un nom comme le mien quatre fois, et de me dénigrer de même, démontre, entre autres, un manque de connaissance de la diversité ethnique de Montréal et de compétence pour travailler dans notre ville. »– Rivelino Bélizaire
Pour le CRARR, ce qui est aussi préoccupant est le fait que le policier a plusieurs antécédents déontologiques et que les citoyens qui ont porté plainte contre lui sont des personnes d’origine sud-asiatique, anglophone, italienne, arabe et noire.
« Peut-on parler de pattern de comportements de récidive abusifs et discriminatoires ? Que doit faire le SPVM face à des policiers qui ont de tels antécédents déontologiques ? » se demande M. Alain Babineau, conseiller du CRARR.
«Combien d’autres manifestations de préjugé racial et de manque de professionnalisme, de respect et d’équité qu’il faut avant que le SPVM agisse plus fermement ? », Alain Babineau.
Selon M. Fo Niemi, directeur général du CRARR, le cas de M. Bélizaire explique les raisons pour lesquelles l’organisme a demandé récemment, à la consultation sur le racisme systémique tenue par de l’Office de consultation publique de Montréal, à la Ville de publier annuellement un registre de plaintes, de griefs et de poursuites en matière de discrimination, de harcèlement et de profilage.
« Les cas augmentent, et les coûts du profilage racial aussi », dit-il, en référence au 6 cas de profilage racial du CRARR impliquant le SPVM actuellement devant le Tribunal des droits de la personne, avec une réclamation totale de 150 000 $.
La Ville de Montréal a eu jusqu’au 15 novembre dernier pour se conformer à la recommandation de la Commission, à défaut de quoi le cas sera porté devant le Tribunal.