L’écran de la Cinémathèque: noir tout le mois de juin
«On est derrière le train, on est en arrière ici au Québec.» en matière de diversité à l’écran affirme Fabienne Colas au lancement du cycle « Noir.e.s à la caméra » du 1er au 30 juin, à la Cinémathèque québécoise et qui se veut un panorama d’œuvres réalisées par des cinéastes afrodescendant.e.s tout au long de l’histoire du cinéma.
Prévu à l’origine pour février dernier et repoussé en raison de la pandémie, ce cycle, co-programmé avec le Festival International du Film Black de Montréal, propose une traversée qui va d’Oscar Micheaux (1884-1951), le père du cinéma afro-américain, à la franco-sénégalaise Maïmouna Doucouré, réalisatrice de Mignonnes, film primé à Sundance et à Berlin.
Au total, ce sont une soixantaine de séances qui seront présentées. Achetez vos billets ICI
« Le cycle Noir.e.s à la caméra est une rétrospective historique qui met en lumière des films Black importants qui n’ont pas toujours reçu l’éclairage des projecteurs au Québec. » souligne Fabienne Colas, présidente-Fondatrice de la Fondation Fabienne Colas et de 11 Festivals au Canada, aux États-Unis, en Haïti et au Brésil.
NOIR.E.S À LA CAMÉRA sera aussi l’occasion de découvrir 10 courts métrages de cinéastes émergents montréalais de 18 à 30 ans, produits dans le cadre du Programme Être Noir.e au Canada de la Fondation Fabienne Colas – présenté par Netflix en collaboration avec la Banque Nationale.
Femmes et Noir.e.s, même combat
« Pour la Cinémathèque québécoise, le cycle Noir.e.s à la caméra s’inscrit dans une série d’actions visant à faire évoluer la culture organisationnelle.», explique le directeur général de la Cinémathèque, Marcel Jean.
Une culture justement qui mettait du bâton dans les roues des femmes. Il dit se souvenir de la lutte de ces dernières à travers (Les réalisatrices équitables) pour accéder à la caméra pendant des années et qui faisaient face à une forte résistance. L’argument de ceux qui s’opposaient à ce que les femmes empoignent une caméra se basait sur un risque de baisse de la qualité de la production.
Une thèse rejetée aujourd’hui par M. Jean au regard des réalisations féminines au cours des ans.
« On voit au contraire qu’il n’y a pas de qualité qui ait été bradée. On a découvert des cinéastes remarquables. C’était une résistance absolument futile. »-M.Jean
Pour lui, la même situation devrait se produire avec la diversité. Sauf que, cela prend un peu de courage politique, postule le responsable de la Cinémathèque
« Mon impression c’est que au fur et à mesure qu’on aura le courage politique de favoriser cette diversité et cette inclusion ce qu’on verra que la qualité, le talent il est là et va enrichir la production nationale.»-Marcel Jean
Maison de production noire?
Mais du courage politique, il n’y en a pas au Québec, constate Fabienne Colas pour qui la réalité du cinéma canadien est différente d’une province à l’autre. « Le Québec, par exemple, a un retard considérable par rapport à l’Ontario. »- F Colas
« Quand je regarde Ontario et Montréal, on est deux mondes. On a un retard extraordinaire à combler.»
À Toronto, l’ouverture est là, dit-elle. Pour preuve, elle souligne le Prix écran obtenu récemment par un jeune cinéaste noir qui a pris part à la première édition du programme « Être Noir au Canada » en 2019. « Pouvez-vous croire? », s’exclame Mme Colas
À contrario, « il n’y a pas encore une ouverture si exceptionnelle de tous les télédiffuseurs francophones et nous allons mettre une structure en place pour faciliter l’entrée de la diversité chez nous.»
La problématique de Maison de production noire est également posée ici au Québec. Cela prendra des auteurs pour ces télé-séries, des producteurs, entre autres.
« Si on n’a pas la chance de pratiquer, c’est sûr qu’on ne pourra jamais montrer nos talents. »
« Ce n’est pas une situation rose. Mais il y a beaucoup d’espoir. Mais il faut travailler dans les mentalités pour qu’on puisse ouvrir les portes. Car le public est prêt à voir autre chose.», estime l’actrice Fabienne Colas.
La Cinémathèque et l’équité
Parmi les oeuvres présentées dans le cadre du cycle NOIR.E.S À LA CAMÉRA, signalons le long métrage d’animation Battledream Chronicle du Martiniquais Alain Bidard; la version restaurée du classique de
1991 Daughters of the Dust de l’Afro-américaine Julie Dash; Rafiki de la Kenyanne Wanuri Kahiu, primé dans de nombreux festivals de cinéma LGBTQ+ lors de sa sortie en 2018; Tabataba du Malgache Raymond Rajaonarivelo, présenté en collaboration avec l’Institut français; ainsi que Madame Brouette du Sénégalais Moussa Sene Absa, une coproduction québécoise restaurée par Éléphant : mémoire du cinéma québécois.
Depuis 17 ans, la Fondation Fabienne Colas et le FIFBM travaillent à former la relève du cinéma Black partout au Canada et à donner une voix et une plateforme à des cinéastes noirs qui autrement resteraient invisibles.
« Une fois sortis de la pandémie, nous allons d’ailleurs créer un poste de programmateur.trice à l’équité et à la diversité, qui aura pour mission de faciliter les partenariats et les échanges avec les communautés.»
Deux expositions habilleront également les murs de l’institution pour l’occasion : DE SOURCE AFRICAINE de la peintre, dessinatrice et cinéaste d’animation, Martine Chartrand, qui présente son projet de fin de maîtrise en arts visuels et médiatiques dans une exposition où dessins, peintures et films se répondent.
L’artiste québécoise d’origine haïtienne y revisite des figures oubliées de l’histoire des noir.e.s au Québec qu’elle fait renaître à coups de pinceau ou de fusain. Elle célèbre la mémoire d’Olivier Le Jeune, de Marie-Josèphe-Angélique, de Mary Ann Law Guilmartin, de Frank Randolph Macpherson et des membres de la famille Amos qui s’animent sous différentes formes plastiques et en mouvement. L’exposition aura lieu du 3 juin au 25 juillet dans la salle Raoul-Barré.
De plus, l’équipe de la Cinémathèque s’inspirera de la programmation du cycle NOIR.E.S À LA CAMÉRA pour fouiller ses Collections et exposer des affiches et photographies dans l’Espace Louise-Beaudet, tout au long du mois de juin.
Le cycle NOIR.E.S À LA CAMÉRA est présenté en collaboration avec la Fondation Fabienne Colas, le Festival International du Film Black de Montréal et la Cinémathèque Afrique de l’Institut français.