Legault et le racisme perceptible de la CAQ

J’ai croisé M. Legault pour la première fois, en 2017, à la faveur d’une activité de financement pour la Clinique d’épilepsie en Haïti de son « ami » le Dr Lionel Carmant, devenu aujourd’hui son ministre délégué à la Santé et aux services sociaux.
Le dirigeant de la Coalition avenir Québec (CAQ) cartonnait dans les sondages des premiers ministrables grâce à son discours à la limite anti-immigration ramassé autour du slogan « En prendre moins mais en prendre soin »
Une braise qui plait bien à l’électorat blanc mur à mur des régions et sur laquelle il a soufflé au cours de sa campagne. Pourtant, la CAQ, parmi les quatre principaux partis en lice, avait la plus importante palette de quatre candidats noirs sans compter ceux issus d’autres minorités visibles.
En 2018, au moment de la course électorale, François Legault est allé à la rencontre des minorités (plus de 80) à Montréal-Nord avec la même harangue.
J’y étais.
Malgré ce clin d’œil, la population immigrante demeure sceptique face à François Legault. Sa candidate, de race noire, à Montréal-Nord est malheureuse dans les résultats. Celle de Viau-Saint-Michel, d’origine haïtienne également, l’est tout autant.
C’est en région que les deux autres aspirants noirs du parti se sont fait élire. En fait, la CAQ n’a gagné qu’un Comté sur l’île de Montréal et a raflé les régions, créant par la même occasion deux solitudes politiques dans la province.
Montréal tourné vers l’immigration et les régions moins enclines à les accueillir.
Par racisme, xénophobie, protectionnisme, méconnaissance ou par influence d’un discours conservatisme «trumpiste»?
Peu importe, cela profite à son parti.
J’écoute le premier ministre avec attention. Toujours.
J’observe François Legault, ses approches, son souci de rester, en public, toujours de bon ton, de bon commerce, poli, même face à ses adversaires politiques.
J’ai de la difficulté à concevoir que cet être soit habité par des pensées basées sur la hiérarchie des races, des sentiments qui lui dictent que tous ceux qui ne sont pas de la couleur de peau que lui appartiennent à une classe humaine inférieure.
J’entends plus d’un, surtout en 2020, le traiter de raciste. Notamment dans le dossier de la régularisation des travailleurs essentiels, des demandeurs d’asile.
Il a fallu, en effet, une levée de boucliers médiatiques pour que le chef du gouvernement, contre la volonté de sa base électorale, accepte de régulariser une partie des employés (seulement ceux qui accordaient des soins direct aux patients pendant la COVID-19) d’une liste de travailleurs essentiels que le gouvernement avait établie, dont de nombreux demandeurs d’asile (préposés aux bénéficiaires, agent d’entretien, de sécurité etc…)
D’ailleurs, Ottawa discute encore lui de la question et espère qu’il changera d’avis.
Pressé de questions de Manon Massé, du parti Québec solidaire, le premier ministre avait rouvert la porte à une régularisation plus large. Porte qu’il a demandée à sa ministre noire de l’Immigration de fermer quelques jours plus tard.
Pourtant, la CAQ de François Legault, contrairement aux libéraux et aux péquites, répare, en 2020, une injustice faite aux enfants d’immigrants sans statut depuis des années : l’accès à l’assurance maladie. On parle de 4350 enfants annuellement : des Canadiens (Québécois) nés ici.
Comment comprendre que ce soit la CAQ, un parti perçu comme étant raciste, anti-immigrant, avec des penchants vers la droite, qui ait décidé de poser un geste social avec autant de portées politiques.
Il faudrait y voir un calcul économique. «Ce qui compte à ses yeux, c’est l’économie.», pour emprunter cette affirmation de Wilner Cayo de l’organisme Debout pour la dignité.
Car, à la longue cela pourrait devenir un problème de santé publique pour l’État et donc coûter plus cher aux contribuables si des petits bobos, qui pouvaient être traités pour un sou, en devenaient des gros.
Mais le distinguo entre les enfants et les parents aux yeux de l’État est flagrant, palpable. Mais cette décision sociale est courageuse, non seulement restera dans l’anal de ce parti de droite, mais le place à califourchon entre racisme et son contraire: d’où ma dichotomie.
J’ai de la difficulté à situer François Legault hors de tout doute raisonnable par rapport à la question du racisme, contrairement à Justin Trudeau. Quant au racisme systémique, il prend des positions contre ce thème qui soulèvent des incertitudes sur lui.
Autre avancée dans la lutte pour les droits civiques : les nombreuses recommandations du Groupe d’action contre le racisme.
Jamais un rapport gouvernemental sur ces questions n’a été aussi loin, malgré ses manques à gagner selon certains.
La modification du code de la sécurité routière, véritable machine à profilage racial, réjouit des groupes de défenses des droits civiques.
François Legault n’en est pas arrivé à l’adoption d’une loi sur la question malgré sa promesse électorale, mais les quotas d’embauche souhaitée dans la fonction publique offre une lueur d’espoir aux communautés culturelles.
Il faut croire que la mort quasiment en direct de Joyce Echaquan, cette femme autochtone à l’hôpital de Joliette, et celle de George Floyd aux États-Unis auront poussé la CAQ à agir.
Mais sans une loi sur chacune de ces questions, Francois Legault ne pourrait-il pas revenir sur ces rapports, ces recommandations, ces mesures comme dans le cas des demandeurs d’asile?
Car après tout, « les recommandations du groupe d’Action contre le racisme et les mesures annoncées ne sont pas des arrêtés ou des décrets ou des lois ou même des règlements. » comme le souligne la Ligue des Noirs du Québec.