Les dissidents de Radio centre-ville «abandonnent»
Gonflés à bloc contre la direction de la Radio centre-ville depuis 2016, les sept membres dissidents ayant intenté une poursuite contre la station communautaire de Saint-Laurent se sont dégonflés devant le juge Marc St-Pierre lundi dernier au Palais de justice de Montréal.
Les avocats de Patrick Volny, Frantz André, Francklyn Ulysse, Daniella Guerrero, Roberto Nunez, représentés par BCF Avocats d’affaires, ont, avant même l’ouverture du procès, lundi dernier, proposé un « abandon des procédures », ce à quoi le juge St-Pierre a acquiescé.
« Sur la base de mes expériences comme avocat, il s’agit là, à mon avis, d’une incapacité de prouver le bien fondé des accusations portées », analyse Me Marco Vital, qui défendait Radio centre-ville dans cette affaire.
Frantz André, un des dissidents qui faisait partie du groupe « Radio centre-ville en lutte », créé en janvier 2017 et à l’origine de la poursuite, semblait ne pas être au courant de la défection lorsqu’In Texto l’a joint au téléphone.
M. André qui reconnait toutefois avoir été au Palais de justice, lundi matin, dit avoir quitté pour une urgence avant même l’annonce. Ses avocats de BCF avocats d’affaires ne l’auraient même pas informé de la décision finale bien qu’il soit en accord. Mais cette reculade ne serait pas liée à un manque de preuve, affirme l’activiste.
« Nous en sommes arrivés au point où, financièrement, nous sommes essoufflés. Notre noble cause qui était de reprendre cette belle radio, on ne peut pas la continuer.»-Frantz André
Les plaignants reprochaient à la direction de RCV la vente de temps d’antennes (plus de 20 heures), une opération autorisée par le Conseil de la radio et la télédiffusion canadienne (CRTC), à des producteurs indépendants.
Après avoir perdu des subventions importantes, notamment de la part de Centraide, l’organisme communautaire s’était tourné vers l’autofinancement avec l’arrivée de particuliers ou groupes qui achetaient des espaces en ondes pour réaliser des émissions sur tous les aspects.
Ceci a occasionné des pertes pour certains de ces membres, mais a permis à la station de sortir la tête de l’eau.
« En 2016, nous n’arrivions même pas à faire face à des factures normales comme Hydro-Québec. Cette année-là, quand le téléphone sonnait, j’avais peur de répondre », se souvient le directeur général Wanex Lalanne Zéphyr.
Outre la vente de temps, les plaignants reprochaient à l’organisation d’avoir «paqueté » une assemblée générale en 2016 en vue de monter un nouveau Conseil d’administration (CA) qui allait réorienter la radio.
Les dissidents, très actifs sur les réseaux sociaux, ont malmené dans leurs publications le directeur de la station au cours de ces deux années.
« Ils m’ont traité de fraudeur, de voleur. Cela a eu des échos et des impacts jusque dans mon travail avec mes élèves », a déploré, en conférence de presse M.Lalanne qui est enseignant de profession.
Il affirme même avoir loupé un avancement de carrière. Un poste de directeur adjoint de l’école où il travaille est passé sous son nez. «Vous avez tous les qualificatifs mais votre réputation sur les réseaux sociaux ne ferait pas honneur à la Commission scolaire », lui a dit sans détour son employeur.
Les anciens membres de l’organisme ne se sont pas seulement contentés d’initier des poursuites. Ils avaient organisé leur propre assemblée générale, monté un CA parallèle et l’enregistré au Registraire des entreprises du Québec.
« Vous comprenez que nous avons perdu des part de marché à cause de cela. Car, certains annonceurs étaient dans la confusion la plus totale et ne voulait pas nous donner de la publicité »– W. L. Zéphyr
La prochaine étape après l’abandon des procédures sera de rectifier le tir auprès du Registraire. L’avocat de RCV, Me Vital, est déjà dans les démarches auprès de l’inspection générale des institutions financières en vue de corriger la situation.
Car, dit-il, «tant et aussi longtemps que le nom de ces gens-là apparaisse au registre, il y aura une confusion auprès de qui que ce soit».
Par ailleurs, le directeur général de RCV dit vouloir prendre du recul personnellement avant de décider d’attaquer en justice les dissidents ayant Sali sa réputation.
« C’est sûr que c’était dur. Mais je me suis dit : est-ce que je vais mettre mon orgueil en avant et laisser tomber les intérêts de la radio? »– Wanex L. Zéphyr
Radio Centre-Ville est l’unique station de radio communautaire et multilingue à Montréal et au Québec. La station a vu le jour en 1972 grâce à l’effort d’une dizaine de personnes issues de groupes communautaires et ethniques divers du quartier Saint-Louis.
Elle diffusait à partir de ses anciens locaux exigus de l’édifice Cooper en 1975, Radio Centre-Ville diffusait déjà, avec une puissance de 7,5 watts, sur la fréquence 99,3 Fm, en cinq langues : français, anglais, grec, portugais et espagnol. D’où l’acronyme « CINQ FM ».
En octobre 1976 CINQ FM obtient une nouvelle fréquence sur la bande FM : le 102,3FM qu’elle occupe encore aujourd’hui. Parallèlement, elle obtient l’accord d’augmenter sa puissance à 36 watts, ce qui lui permet d’élargir sensiblement son auditoire sur l’île de Montréal.