Les enfants noirs, « perdus » dans le rapport Laurent
Photo: THE CANADIAN PRESS/Paul Chiasson
Près d’une quinzaine d’organismes des communautés noires du Québec s’interrogent sur le « comment » le gouvernement va mettre en application les recommandations du Rapport Laurent sur la situation des enfants de la province, un document qui occulte la « réalité des enfants noirs »
S’ils applaudissent le fait que la plupart des directives soient axées sur la prévention, les dirigeants communautaires déplorent que la Commission Laurent n’ait pas abordé la question du racisme anti-noir.
« La réalité des enfants noirs a été perdue dans le rapport de la Commission. Et pour l’aborder, il aurait fallu une commission spécifiquement sur le sujet tellement c’est vaste..», analyse la Dre Alicia Botswain-Kyte qui enseigne le Travail social à l’Université McGill, à Montréal.
Elle a témoigné devant la commission et se réjouit de voir que certaines parties de son postulat soient prises en compte. Mais l’essentiel semble avoir été balayé.
« On a un système qui ne fonctionne pas pour les enfants noirs.», dit-elle
En 2007, il y avait un changement de la loi sur la Protection de la jeunesse au Québec. Malgré tout la situation des enfants à la peau noire reste « stable » souligne le Dre Bostwain-Kyte qui prône un « changement radical » de paradigme.
« On a toujours été oublié. Ça date de 40 ans. À un moment donné il faut se poser la question : Est-ce l’approche?», se demande la Dre Alicia Botswain-Kyte.
Les chiffres
- À Montréal, les enfants noirs représentent 15 % de la population alors qu’ils constituent 30 % des enfants dont le signalement à la protection de la jeunesse est retenu pour être évalué.
- L’abus physique est le motif de signalement le plus fréquent (40,6 %), tandis que pour l’ensemble des enfants du Québec, le motif « négligence » est le plus répandu.
- Selon les chercheures Chantale Lavergne et Sarah Dufour de l’Institut Universitaire Jeunes en difficulté, les enfants noirs montréalais sont deux fois plus susceptibles que les autres enfants :
-De faire l’objet d’un signalement retenu;
– D’être retirés de leur famille au cours de cette évaluation; et
– D’avoir un signalement jugé fondé qui entraînera une intervention de la protection de la jeunesse dans leur vie.
Mais, malgré ces données accablantes, «On ne voit pas les communautés noires énoncées clairement» au chapitre du rapport traitant des communautés ethnoculturelles regrette Fo Niémi du Centre de recherche action sur les relations raciales (CRARR).
Mine de rien, ce redoute le plus les organismes ce sera la manière de procéder du gouvernement caquiste dans l’application des consignes de la commission.
« On aimerait voir le comment. Les organismes qui représentent les communautés doivent être présents lors des discussions au sein gouvernement, pour développer les stratégies.» estime Tiffany Callender de l’Association des Noirs de Cote-des-Neiges.
Et pour ce faire, le CRARR invite les ministres responsables de l’application de ces mesures à écouter les organismes noirs sur la question
« On invite les ministres Carmant et Charrette à nous rencontrer le plus rapidement possible pour déterminer sur le comment procéder. »-Fo Niémi
Pour sa part Tiffany Callender exprime la crainte, qu’en bout de piste, les communautés noires soient oubliées dans le processus.
« Je pense que oui, il y a absolument un silence, il n’y a pas une démonstration du gouvernement du Québec à engager ces groupes pour répondre à cette situation de longue date. On est là. En bon créole Nou la. On est prêt pour que nos compétences soient mises à contribution. »-T. Callender
Racisme anti-noir et systémique
La surreprésentation des enfants noirs dans le système de protection de la jeunesse trouve ses racines dans la pauvreté qui touche les familles noires et la sous-scolarisation des enfants selon la professeure Botswain-Kyte.
- En 2016, 21 % de la population noire âgée de 25 à 59 ans vivait en situation à faible revenu par rapport à 12 % de leur homologue dans le reste de la population.
- En 2016, 27 % des enfants noirs vivaient en situation de faible revenu, par rapport à 14 % des enfants dans le reste de la population.
La professeure Botswain-Kyte invite tout un chacun et surtout le gouvernement à se poser la question de savoir : quelles sont les raisons?
«La réponse c’est le racisme systémique plus particulièrement le racisme anti-noir.»-A. Botswain-Kyte
C’est l’avis aussi du Reproupement des intervenants et intervenantes d’origine haïtienne (RIIOH), avec huit organisations membres, qui a pris part à la conférence de presse.
La coordonatrice D-Yanna Bommier se dit « préoccupée » par le sort des familles des communautés noires qui sont victimes de « biais systémique et géographique ». La surreprésentation est plus marquée dans certains quartiers que d’autres à Montréal.
Les changements systématique d’intervenants (8 au moins pour une famille) en serait la cause aussi selon le RIIOH.
« Nous demandons au gouvernement du Québec d’assurer que les organisations de notre communauté œuvrant au bien-être des jeunes et familles aient la reconnaissance et l’accès aux ressources adéquates pour renforcer le système et rendre la DPJ plus inclusive et équitable.»- D-Yanna Bommier
La communauté d’expression anglaise
La situation socio-économique de certaines familles anglophones est précaire :
● Selon une étude basée sur le recensement de 2016, 23.8 % des parents anglophone ont un revenu net de moins de 20 000 $, comparé à 13.8 % chez les parents francophones;
● 19.1 % des parents d’enfants de 0 à 5 ans anglophones et 11.1 % des parents francophone sont sans emploi;
● Dans les familles monoparentales anglophones d’enfant de 0 à 5 ans, 32.2 % des parents sont sans emploi. Près d’une famille monoparentale anglophone sur trois vits sous le seuil du faible revenu.
Vous pourriez aussi aimer!
One Comment on “Les enfants noirs, « perdus » dans le rapport Laurent”
Comments are closed.
Merci Jean-Numa! Bel article.