Les visages de la discrimination à Montréal-Nord
Un Bangladeshi révoqué pour «sa mauvaise qualité de français», un Africain soumis à des gouailleries après avoir loupé un poste, un Haïtien qui se prend une bourrade par le collet sans compter des tests au hasard de conduite de remorque visant à les rétrograder avec perte de salaire, les cols bleus racisés à Montréal-Nord affirment en avoir ras-le-bol de ce qu’ils considèrent comme un « système de favoritisme de jeunes Blancs »
In Texto en a rencontré près d’une dizaine d’employés de l’arrondissement aux prises avec des actes de discriminations que la municipalité dit « condamner » avec la dernière rigueur et qualifie « d’actes individuels inappropriés. »
Mustak Amed qui vient du Bangladesh (en Asie) a dû se plaindre jusqu’auprès de la Ville centre (contrôleur général) pour qu’il récupère son poste à Montréal-Nord comme col bleu.
« Maintenant qu’ils ne peuvent pas me mettre dehors en raison de mon français, ils me choisissent au hasard pour des tests de conduite de camionnette à remorque sans avoir eu le temps de m’y préparer.», déplore-t-il.
M. Amed n’est plus apte même à conduire un pick-up comme la plupart de ses collègues ayant échoué le test de remorque, alors qu’ils conduisaient depuis plus de dix ans dans certains cas.
Pour les membres des communautés culturelles à l’emploi de la ville, ces examens font partie d’un système de favoritisme des employés blancs avec moins d’ancienneté.
Toutefois, en entrevue téléphonique avec In Texto, la mairesse suppléante, Chantal Rossi, évoque des raisons de sécurité qui pousse la ville à vérifier les aptitudes des employés de voiries à piloter des véhicules lourds dans les parcs.
« Nos enfants sont dans les parcs, dit-elle, il y a des citoyens. La sécurité est primordiale. Malheureusement, si on échoue ce test-là, on ne peut y accéder. »-C. Rossi
«Mais la majorité de leurs préférés qui conduisent des remorques dans les parcs actuellement n’ont pas subi cet examen.», rétorque Myriam (nom fictif) qui travaille depuis plus de 12 ans à Montréal-Nord comme col bleu.
Position officielle de l’arrondissement AU SUJET DES ÉVALUATIONS DE CERTIFICATION
« Il n’y a pas de caractère aléatoire dans la sélection des employés qui passent une évaluation pour obtenir une certification de compétence pour la conduite d’une camionnette avec remorque.
Cette sélection, qui est régie par les conventions collectives, s’effectue par affichage. Les employés qui le désirent signifient leur intérêt. S’il y a plus de personnes intéressées que de postes disponibles, la sélection se fait par ancienneté, d’abord parmi les employés permanents et ensuite parmi les employés auxiliaires.
Notre pratique est d’aviser d’avance du moment où ces employés seront soumis à l’évaluation. »
Railleries
Céleste, d’origine africaine, et qui voulait obtenir un poste de préposé à la mécanique a vu son dossier «disparaitre» aux ressources humaines sans qu’il y ait eu vol ou perquisition avéré à la mairie d’arrondissement.
Après le désistement de deux de ses collègues plus anciens, les autorités ont tout simplement annulé le poste avant de le réafficher avec d’autres pré-requis plus musclés.
« Ils ont regardé sur la liste. Oh! C’est le Noir qui allait l’avoir, le poste… Et, ils l’ont tout simplement annulé.»
« Je m’appelle Céleste, ok… Ça c’était pour me piétiner, me pétrifier. En plus, mes boss riaient à gorge déployée. Montréal-Nord c’est le racisme, même en Afrique d’où je viens je n’ai jamais vu cela.», peste le col bleu.
« La discrimination n’a pas sa place à Montréal-Nord »
Devant ces allégations de discriminations et aux lendemains de ces témoignages au micro d’In Texto, l’arrondissement a fait suivre un courriel de mise au point à tous les employés et également adressé au journal.
« Nous prenons ces allégations très au sérieux et nous travaillons actuellement à clarifier et à expliquer nos processus et nos exigences en matière de conduite véhiculaire. » commencent par écrire les autorités municipales. Elles disent également « veiller à offrir un milieu de travail exempt de toute discrimination » à ses employés
En condamnant « tout acte de discrimination, raciale ou autre, qui pourrait être posé à l’égard de nos employés », l’arrondissement reconnait toutefois qu’il n’est pas à l’abri « de comportements individuels inappropriés. »
La ville de Montréal-Nord invite même son personnel des communautés culturelles à s’exprimer sur la question à qui de droit.
« Si vous considérez être victimes de discrimination, nous vous invitons à en discuter avec votre supérieur.», écrit la directrice générale de la ville Rachel Laperrière, appuyée par toute son équipe de direction.
- Au total, 456 personnes sont à l’emploi de la municipalité.
- De ce nombre 122 font partie des communautés culturelles, soit plus de 26% comparativement à 13% au niveau de la ville centre.
«Il n’y a pas de discrimination systémique à l’intérieur de notre organisation. En aucun cas, on ne l’accepterait.», soutient Chantal Rossi, mairesse suppléante, après avoir avancé ces chiffres.
« C’est comme dire : il y a de la neige partout au Québec, sauf à Montréal-Nord. Je trouve cela aberrant. Sur quoi elle se base pour dire cela? Elle a déjà côtoyé les cols bleus?», critique Myriam, col bleu depuis une douzaine d’années.
Tentatives de museler l’affaire
C’est un directeur adjoint du service des Voiries, Patrick Roy, qui a parti le bal des dénonciations à travers une page Facebook, fermée depuis. En raison de cette initiative, M.Roy a été suspendu pour deux mois et au moins six Haïtiens avaient reçu des avis disciplinaires par huissier, chez eux.
Renée-Chantal Belinga, la seule élue noire dans l’arrondissement, reconnait que Montréal-Nord a fait des efforts pour recruter des gens de la diversité.
Toutefois, elle croit qu’il existe des enjeux reliés à la discrimination actuellement dans le quartier. À cet effet, la conseillère a adressé un courriel à la direction d’arrondissement afin de s’enquérir sur les «mécanismes d’écoute à l’interne » et les mesures prises pour inciter les employés à « s’exprimer librement.»
Outre une « actualisation des cadres » qu’elle prône, Renée-Chantal Belinga réclame la mise sur pied de grandes lignes dans les prochaines interventions de la ville.
« Il va falloir avoir un plan d’action, dit-elle, ce serait important d’avoir des mesures, s’assurer des mécanismes, de questionner parfois pour voir s’il y a des biais systémiques»-Mme Belinga
Ils ont dit
« Il y a des collègues blancs qui refusent de travailler avec moi en raison de ma couleur de peau »- Jean Senatus ( nom fictif)
« Je ne vous dis pas qu’il n’y a rien à travailler là…si un de nos employés à cette perception (discrimination), c’est qu’il y a quelque chose à travailler » Chantal Rossi
« Je peux vous garantir que les règles d’acquisition, elles sont les mêmes pour tous et toutes. Il n’y a aucun racisme systémique à cet égard.»-C. Rossi
« Qui dit diversité, ne dit pas forcément qu’il n’y ait pas d’enjeux de discrimination ou de biais systémique à l’occasion »-R-C Belinga
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One Comment on “Les visages de la discrimination à Montréal-Nord”
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J’attends que ça change à Montréal Nord et que si c’est bon pour Tati et que ça soit de même pour Manou