Lutte au racisme: le ministre ne veut pas être jugé sur sa peau - Intexto, jounal nou
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« Mwen renmen di se moun Saint-Louis-du-Nord mwen ye. Se la m te viv, se la m te travay. Mwen renmen di se moun Nodwes mwen ye. Se la yo relem T-Ben»
(J’aime à dire que je suis de Saint-Louis-du-Nord. J’y ai vécu et travaillé. Je viens du Nord-Ouest (Haïti). Là-bas, on m’appelle p’tit Ben), nous lance d’emblée le ministre québécois de la lutte contre le racisme.
Benoit Charrette, qui s’exprime encore dans un créole de grand-mère, y a trouvé sa douce moitié et s’y est marié avant de venir vivre avec elle au Québec. Et, ses enfants, métis, sont considérés comme des Noirs.
Le député de Deux-Montagnes n’aime pas évoquer la question de couleur et sur laquelle il fait l’objet de vives critiques depuis sa nomination. Certains militants contre le racisme revendiquent publiquement une personne de race noire au poste de ministre responsable de la lutte contre le racisme.
Mais, pour lui, non seulement que ces gens-là ne le « connaissent pas », ils lui manquent un peu de respect.
«L’argument de la couleur de peau pour occuper une fonction particulière, je le trouve très, très réducteur.»-
B. Charrette
Le ministre fait plutôt l’éloge de son parti (la Coalition avenir Québec CAQ) qui a, selon lui, le conseil des ministres le plus diversifié de l’histoire avec Lionel Carmant et Nadine Girault. Cette dernière, de race noire, représente «le visage de la province à l’international» fait-il remarquer.
«Ça démontre que ici, au Québec, on peut occuper toutes les fonctions sans égard à la couleur de notre peau.», argumente le responsable de la lutte contre la discrimination raciale qui souhaite, en bout de piste, qu’il sera «jugé sur les résultats».
« Vocabulaire polarisant »
Par ailleurs, ne demandez pas à Benoit Charrette d’utiliser le terme «racisme systémique » encore moins de le reconnaître, ce que aucun membre de la CAQ n’a fait, à date.
« Ce n’est pas une ligne de parti. », dit-il pourtant. Mais le vocable est trop «polarisant», alors que « nous sommes dans une logique de fédérer tout le monde » autour de la lutte.
« Dès qu’on ajoute un qualificatif, c’est là ou des divergences peuvent émerger et on perd cette nécessaire adhésion de tout le monde.», soutient M. Charrette pour justifier le fait qu’il esquive comme tant d’autres de la CAQ, de prime abord, le premier ministre François Legault, le fait de bannir ce « vocabulaire »
Des études, des rapports, des analyses, des consultations sur le sujet ne trouvent plus de place sur les tablettes politiques du Québec.
Et puis, nada.
« On n’a jamais dépassé cette étape de consultation. Maintenant, c’est le temps de bouger.», préconise le tout premier ministre de la lutte contre le racisme.
Benoit Charrette rappelle que son mandat, basé sur les 25 recommandations de l’ancien Groupe de travail (coprésidé par Lionel Carmant et Nadine Girault), est de lutter contre « toutes les formes de racisme.»
En ce sens, il croit que cela devrait rejoindre tout le monde, même les plus radicaux de ce débat sémantique.
« Celles et ceux qui veulent le qualifier peuvent se rassurer en se disant qu’on va lutter contre toutes les formes de racisme.»-
B. Charrette, ministre de la lutte contre le racisme
Code de la sécurité routière à modifier
Un des problèmes auxquels le ministre compte s’attaquer est le profilage racial. Dans cette optique, le Code de la sécurité routière, véritable machine à profiler entre les mains des corps de police, se trouve dans le viseur de M. Charrette.
Il y travaille déjà avec sa collègue Geneviève Guilbault, ministre de la la Sécurité publique, de laquelle la question relève.
« Avec G. Guilbault, c’est une question qui est déjà sur la table à dessin. », confie-t-il à In Texto. D’ici quelques semaines, le gouvernement devrait présenter son « livre vert » dans lequel « cette question problématique y sera abordée. »
Le problème touche de très près et personnellement le ministre de la lutte contre le racisme.
Il y a quelques jours à peine, sa plus grande fille s’est faite intercepter de façon aléatoire «alors que visiblement, elle n’avait commis aucune infraction, brûlé aucun stop.»
La patrouille lui a demandé ses papiers pour une vérification de routine et l’a laissé partir après en lui disant que : « tout est beau ». Les Noirs, les Arabes sont de 5 à 11 fois plus susceptibles d’être interpellés par la police versus les Blancs selon plusieurs rapports.
« C’est une catégorie de citoyens qui est exposée à cela. C’est là où est le problème.», déplore le père Blanc d’une fille Noire.
Interpellation ou interception
Une nouvelle Directive du ministère de la Sécurité publique est venue interdire cette façon de faire au sein des corps de police depuis août 2020
«La pratique élaborée par le MSP vise à s’assurer que l’interpellation policière n’est pas aléatoire ou sans fondement, qu’elle est exempte de motifs discriminatoires et qu’elle se fait dans le respect de la personne.», avait écrit le MSP dans un communiqué annonçant les nouvelles dispositions
Or, pour les policiers, interpellation est différente d’interception. Sur la base de l’article 636.1 du Code de la sécurité routière, les policiers continuent de façon aléatoire d’ «intercepter», comme cela a été le cas pour la fille du ministre, des conducteurs au volant notamment des Noirs.
«La nouvelle Directive parle d’interpellation. Et, pour nous cela fait référence au piéton et non aux conducteurs sur la route.», nuance pour In Texto, Mélanie Dumaresq, la porte-parole de la Sûreté du Québec (SQ) pour justifier l’intervention de ses collègues auprès de Leslie Blot, un homme noir qui estime avoir été victime de profilage de la part du corps de police récemment.
La question d’interpellation ou d’interception doit être tirée au clair dit Benoit Charrette.
Il a dit
« Une partie de ma famille est noire. Je peux dire haut et fort que je ne suis pas raciste envers les Noirs. Mais, j’aurais pu, et je vous assure que ce n’est pas le cas, avoir des préjugés à l’égard des Asiatiques, des Arabes…. »- B.Charette
« Le propriétaire qui nous a refusé l’appartement, il y a 20 ans, n’est pas considéré comme ce qu’on appelle un Blanc. Mais nous étions face à deux personnes, ma femme et lui, qui auraient pu manifester une solidarité entre immigrants. Or, ce n’était pas le cas. »- B.Charette