Montréal: le Bureau de lutte au racisme le favoriserait au contraire - Intexto, Journal Nou
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Pour «faciliter le racisme» en guise de le combattre, la Coalition rouge (CR) exige la démission de la commissaire à la lutte à ce phénomène à la Ville de Montréal, Bochra Manaï. Le responsable des questions de profilage racial à CR, Alain Babineau qui a collaboré avec Mme Manaï pendant un an au bureau montréalais de lutte au racisme, affirme qu’il ne reconnait plus cette militante de la «cause» depuis après les élections de novembre 2021.
«On a eu un changement de personne complètement. On demande sa démission parce qu’elle a choisi sa voix qui n’est pas l’antiracisme mais plutôt de la facilitation du racisme», observe M. Babineau. Une plainte pour harcèlement a d’ailleurs été déposée par la CR à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) au nom de la conseillère en Équité, diversité et inclusion (EDI) de la Ville, Nathalie Carrenard. Cette dernière est en congé maladie actuellement en raison d’une série de stress subi dans le cadre de son travail ou de sa mise à l’écart par la commissaire Manaï.
En septembre 2022, le Bureau de la commissaire entreprend de réaliser une série d’ateliers de sensibilisation sur le racisme à l’intention de gestionnaires dans l’arrondissement de Saint-Léonard. Dans ce quartier, comme dans plusieurs autres de la ville, le sentiment anti-noir, anti-arabe et anti-religion est tellement fort que les participants ne se sont pas gênés pour l’exprimer publiquement devant la commissaire Manaï et de sa conseillère en EDI selon un courriel de suivi dont nous avons obtenu copie.
D’après ce courriel, le 27 septembre, un gestionnaire a évoqué le cas d’un employé récemment recruté et qui ne souhaite pas travailler le vendredi, étant adventiste du 7eme jour : «qu’est ce que je fais-moi si je suis pogné avec 7 de même? Comment ils ont laissé passer ça à la dotation». Et un autre de renchérir : «moi aussi je vais devenir adventiste du 7e jour » provoquant de grands éclats de rires dans la salle. Un autre gestionnaire poursuit sous l’air amusé des autres : «moi je vais dire que je suis adventiste de fin de semaine. »
Or, juste avant la rencontre, les animateurs de l’atelier avaient pourtant fait référence à l’article 10 de la Charte des droits et des libertés qui consacre la liberté de religion dans un espace de travail. https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/en/document/cs/C-12?langCont=fr#se:10
Tout compte fait, cette sensibilisation en lien avec le fait que des Noirs se soient fait traiter de singe dans certains arrondissements, n’a pas passé du tout.
Et la commissaifre n’aurait rien dit à ce moment.
«C’est aussi un signe que les employés ne prennent pas au sérieux la sensibilisation ni le commentaire raciste et dégradant de mon exemple », indique les notes d’atelier que In Texto a consulté.
Outre les Noirs, les Musulmans ne sont surtout pas exempts des railleries racistes de gestionnaires Blancs. Un d’entre eux, évoquant le cas d’un employé col bleu faisant le Ramadan devait travailler en pleine canicule sans avoir ni bu ni mangé de la journée, il affirme : «si je le fais travailler et qu’il tombe dans un trou et qu’il meurt c’est de ma faute. Si je ne le fais pas travailler ce jour-là il va crier au racisme. Je fais quoi moi avec ça». Encore des rires dans la salle.
Une des animatrice de l’ateler lui demande alors, d’aprés les notes consultées, si c’était un cas réel. Sourire en coin il répond : «vous avez dit qu’il va y en avoir de plus en plus comme eux autres donc je me prépare.»
Le lendemain 28 septembre l’atelier débute par un tour de table où chaque gestionnaire devait faire part de ses enjeux:
Un d’entre eux explique qu’avec l’arrivée massive de Maghrébins la gestion des déchets était devenue compliquée. Selon cette personne les Maghrébins ne comprennent pas que lorsque les poubelles sont pleines ils doivent ramener leurs déchets chez eux, il a ajouté que c’était culturel et que « eux autres » n’ont pas le même comportement que « nous autres » les Québécois. car ceux ci comprennent que leur emballage de sandwich est de leur responsabilité et qu’ils ne comprennent pas qu’ils doivent le ramener chez eux.
«J'étais profondément choquée et humiliée par les paroles, les rires, la surenchère dans la provocation. Je suis venue animer un atelier mais une partie de la salle a utilisé cet espace comme un défouloir et moi la femme Noire, luttant contre le racisme et les discriminations, je me suis sentie traitée comme une cible sur laquelle on peut se défouler», indique l'auteure de la note de suivi.
Les déboires de la conseillère Carrenard, en congé maladie actuellement, ont commencé depuis la création de ce bureau de lutte au racisme. Mais les témoignages que Nathalie Carrenard commençait à entendre de la part d’employés noirs de la Ville la secouait déjà dès le début. Certains, par peur de représailles, préféraient rencontrer Alain Babineau ou Mme Carrenard en dehors du bureau, même des jours fériés. Cela a été le cas des pompiers Alberto Syllion et Jean-Alain Cameau rencontrés un an avant que leurs histoires sortent dans les médias. «Bochra Manai nous encourageait à faire cela», se remémore M. Babineau.
Le problème c’est qu’à la suite des recommandations l’OCPM, la plupart des personnes qui sont aux Ressources humaines et qui «sont profondément racistes sont restés en place». Depuis lors, c’était une source de tensions pour la conseillère qui devait les challenger.
Même pas le service des Ressources humaines de la Ville de l’époque selon nos informations. Il y a eu un changement de main au RH entretemps.
«L’ancienne directrice des ressources humaines avait annulé toutes ses statutaires avec Bochra Manai lorsqu’on est arrivé. Personne ne collabore. Alain c’était encore pire, personne ne travaillait avec lui. On était comme le bureau des lépreux.»
Alain Babineau, ancien policier de la GRC, qui avait pour mission de travailler avec le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est tout aussi déçu. «On m’a carrément fermé la porte. Je n’ai pu rien faire en un an de mandat», dit-il.
Alors qu’ils devaient rendre des comptes sur la mise en œuvre des 38 recommandations en 2021 M. Babineau affirme avoir constaté que la commissaire Manaï rende public des redditions auxquelles il n’a absolument pas participé.
«On s’est fait ordonné par l’administration Plante de travailler sur les 12 engagements de la Ville. Notre mission a changé complètement. On s’est fait dire qu’il ne fallait pas faire ci, ça. On nous instrumentalisait», peste Alain Babineau.
Selon lui, depuis les élections de novembre, le bureau de lutte au racisme n’était plus le même alors que l’élection de Dominique Ollivier qui vient de l’OCPM et qui avait réaliser les consultations sur le racisme lui donnait espoir. Une lueur qui s’est transformée en cauchemar.
Pourtant, M. Babineau se dit convaincu que la commissaire s’est ralliée à cette nouvelle position, a un «bon jugement».
Le CR a récemment déposé une plainte pour harcèlement racial et discrimination raciale auprès de la CDPDJ contre Mme Manai et la Ville de Montréal, au nom de Nathalie Carrénard, experte en EDI, qui fait partie du Bureau du commissaire à la lutte contre le racisme et la discrimination systémique.
Une autre plainte auprès de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés concernant un ex-employé de la Ville de Montréal qui a tenu des propos et des comportements misogynes et racistes à l’égard de collègues y compris Mme Carrénard, est logée également. Paradoxalement, l’auteur de ses gestes travaillait pour la Ville au Respect de la personne.
Cet employé a, depuis, quitté l’administration mais a poursuivi son harcèlement à l’endroit de Mme Carrenard. Dans la foulée d’une série d’articles de presse sur des appels à la démission de Bochera Manai, il a envoyé un message à la conseillère en lui disant : «Vive la chute de la Ville de Montréal ! Nous avons tout construit je suis un bon nègre!»
Comme son harceleur travaillait au RH de la Ville et qu’il connait probablement son adresse, Nathalie Carrenard a logé une plainte, voilà deux semaines à la police.
La Coalition Rouge a joué un rôle déterminant dans l’orchestration des dénonciations du mois de mars 2023 dont fait état le rapport d’enquête de Le Devoir. Depuis, ces employés n’ont pas reçu d’excuses officielles de la Ville et celle-ci n’a pas non plus créé d’entité indépendante pour traiter de telles plaintes.
Au contraire, l’administration Plante a fièrement annoncé la création d’un «guichet unique » pour traiter les plaintes de racisme et de discrimination systémique.
«Dans de nombreux cas, ce message a créé un contrecoup à l’encontre des employés racisés. Il n’y a pas de confiance dans ce nouveau processus de guichet unique», déclare le directeur général et fondateur de la Coalition rouige, Joel DeBellefeuille.