Profilage racial: il traine Laval au tribunal pour $37 000

Après avoir remporté une première manche contre Laval et son Service de police devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), Pradel Content obtient à nouveau raison devant la Commission dans une autre affaire de profilage racial.
Le mois dernier, la CDPDJ a accueilli la plainte de M. Pradel Content pour profilage racial, dans le cadre d’un évènement produit en juillet 2018 et a recommandé que la Ville de Laval et deux de ses policiers lui versent 13 000,00 $ en dommages moraux et punitifs. La Ville venait tout juste mises en cause dans une qui remonte à mai 2017 pour $24 000. On parle donc de 37 000 dollars.
« Il faut que les montants des dommages soient plus élevés pour avoir des effets dissuasifs et que les contribuables se prononcent contre les coûts du profilage racial », dit M. Content.
« Je crois que le Maire et le Chef de police de Laval doivent être aussi tenus imputables »,
Pradel Content
Les deux événements
Nous sommes en mai 2017.Une patrouille intercepte M. Content dans le stationnement d’une station-service située au 1013, boulevard des Laurentides, dans le quartier Pont-Viau à Laval afin de « vérifier » sa plaque d’immatriculation et lui demande de s’identifier avant de l’amender «pour avoir conduit en utilisant un appareil tenu en main.», ce que la preuve recueillie par la Commission ne démontre pas.
L’année suivante, soit en juillet 2018, M. Content discutait devant sa résidence avec des voisins, vers 22 h 30, lorsqu’un une voiture de police est passée devant eux. Habitué à être interpellé et harcelé par la police, M. Content se met à filmer les policiers avec son téléphone.
Les policiers Kévin Langlois et Philippe Bélisle s’arrêtent et lui demandent sarcastiquement en français s’il a un problème avec son téléphone. M. Content, en réponse, invoque en anglais la protection de ses droits et les policiers répliquent par des moqueries.
Quand ils s’apprêtent à partir, M. Content lance le mot « Bitch » d’un ton exaspéré. Une semaine plus tard, il reçoit par la poste un billet de contravention de 77,00 $ pour avoir insulté un policier.
Il conteste la contravention devant la Cour municipale de Laval. Dans une décision rendue le 21 février 2019, la juge Chantal Paré rejette l’accusation pénale portée contre lui.
L’enregistrement vidéo pris par M. Content sur l’incident a convaincu la juge que les deux policiers ont interpellé M. Content sans motif valable. Selon elle, la version des policiers est contredite par la vidéo et elle conclut que leur intervention constitue un abus de pouvoir qui viole les droits constitutionnels de M. Content à sa sécurité et à sa liberté.
La juge Paré est arrivée à la conclusion tout à fait exceptionnelle qu’en raison de leur comportement et de leur bousculade psychologique de M. Content, les policiers ne pouvaient pas à ce moment-là être considérés comme étant dans l’exercice de leurs fonctions. En conséquence, ils n’étaient pas habiletés à émettre une contravention.
Le Commissaire à la déontologie policière a cité le mois dernier les deux policiers devant le Comité de déontologie policière, pour abus d’autorité et défaut de se comporter de manière à préserver la confiance du public.
En dépit de ces deux décisions et la dénonciation du commissaire à la déontologie, la Ville de Laval refuse de donner suite aux décisions de la CDPDJ sur les plaintes de M. Content. Et les deux cas seront portés la semaine prochaine devant le Tribunal.
indique le CRARR qui aide les victimes du phénomène.
« Je dois vous donner la même réponse que lors du premier jugement. Le SPL doit en prendre connaissance et voir quelles sont les recommandations. Pour l’instant, il n’y aura pas de commentaire de notre part. » répond Geneviève Major, porte-parole de la police de Laval à In Texto.
Comme dans la première décision, la CDPDJ demande aussi au SPVL d’adopter une politique contre le profilage racial et de mettre en place une formation des policiers et des superviseurs et dirigeants, avec une évaluation formelle des acquis. Elle demande au SPVL de recueillir et de publier « systématiquement » des données sur la race des personnes interpellées et d’adopter, dans un délai d’un an, une politique permettant l’enregistrement par téléphone cellulaire et caméra des interventions policières.
Il y a deux mois, le CRARR a déposé une autre plainte pour M. Content. Lors d’une interpellation policière en mars 2020, il a reçu un constat d’infraction pour avoir utilisé son téléphone au volant, alors qu’en fait il avait déjà stationné sa voiture devant chez lui et utilisait son téléphone pour filmer le policier qui avait fait demi-tour pour le suivre jusqu’à chez lui sans aucun motif.
« La décision récente du Tribunal des droits de la personne dans l’affaire Debellefeuille sur le profilage racial à Longueuil envoie un message clair aux services de police quant aux mesures systémiques à prendre », déclare le directeur général du CRARR, Fo Niemi.
Le CRARR présentera, mardi prochain, ses propositions sur la réforme policière et le profilage racial à l’audience publique du Comité consultatif sur la réalité policière.