Quand Haïtien rime avec vin
En métropole, la consommation de vin n’est pas encore vraiment entrée dans les mœurs. Pour la classe populaire, il reste un produit cher et on lui préfère de loin la bière Prestige, le clairin et le rhum. Pour la classe aisée, on accompagne encore souvent un bon repas avec force rasades de whisky, l’accord des mets et des vins n’est pas un sujet à l’ordre du jour.
Pourtant, ce ne sont pas les offres qui manquent : alors que le vin occupait, il y a quelques années encore une petite niche, il est maintenant largement proposé partout. Des vinothèques ont ouvert leurs portes à la capitale et la surface des rayons des supermarchés consacrée au vin a décuplé.
La France, le Chili et l’Argentine se partagent le marché, mais on trouve également des vins italiens et espagnols. Les ventes sont en hausse, la consommation en restaurant s’intensifie, mais on est encore loin du compte par rapport aux habitudes dans d’autres endroits de la planète.
Il en va tout autrement en diaspora, et plus particulièrement au sein de la communauté haïtienne établie au Québec. Il faut dire que la Belle Province dispose d’un atout de choix avec la SAQ, la Société des alcools du Québec. Cet organisme officiel dispose d’un immense réseau de succursales à travers toute la province et son offre est infinie.
Le choix est très vaste et les vins sont intelligemment étiquetés. De plus la politique des prix s’est considérablement améliorée avec l’apparition des rayonnages des petits prix. Il est donc facile et peu couteux aujourd’hui d’apprendre à apprécier et connaitre le vin.
In Texto se propose tout au long de l’été de vous présenter un vin par semaine, analysé, testé et commenté.
Premier épisode aujourd’hui avec un vin d’une région très peu connue pour son vin, la Moldavie. Et pourtant le domaine que nous allons approcher existe depuis 1954 !
Crama Regala Cabernet Sauvignon 2017 Vinaria din Vale
Le Cabernet Sauvignon est probablement le cépage le plus connu et populaire d’entre toutes les sortes de raisin. Le vin que je vous propose de découvrir aujourd’hui en est un mono cépage 100 % . Son prix extrêmement avantageux a une explication géopolitique : la Moldavie est un petit territoire qui compte environ 4 millions d’habitants, coincé entre la Russie et la Roumanie.
C’est aussi le pays le plus pauvre du Vieux Continent, ce qui signifie que la main d’œuvre y est bon marché. Anciennement partie de l’ex URSS, la Moldavie reste très dépendante économiquement et politiquement de l’ancien bloc soviétique.
Mais sa jeunesse est attirée par l’Union Européenne (UE), alors il y a beaucoup de problèmes dans le pays. Ce goût pour l’UE n’a pas plu à Vladimir Poutine, qui a cessé d’importer le vin moldave en signe de punition.
Or, la Russie était leur plus gros client. Les Moldaves se sont donc tout naturellement tournés vers l’UE et il y a fort à parier que c’est à ce moment-là que les fins négociateurs de la SAQ se sont engouffrés dans la brèche. Donc ce vin de petit prix n’est pas un produit bas de gamme, bien au contraire !
Alors, passons à la dégustation de ce vin
Il faut avoir un grand verre ballon à pied pour l’apprécier pleinement. D’abord pour tenir ce verre par son pied afin de ne pas modifier la température du produit dégusté. Ensuite parce qu’un grand verre permet une foule d’observations qu’on ne peut pas faire en dégustant un vin à la SAQ, où il est servi en quantité infime dans de minuscules gobelets en plastic.
Revenons à notre dégustation avec un peu de géométrie : le disque du vin touche le bord du verre en formant un cercle (il faut verser une quantité suffisante de vin pour une bonne approche). On constatera que ce cercle est transparent, ce qui confirme la jeunesse du vin, il est de 2017.
Un vin plus vieux aurait tiré sur le jaune orangé. En imprimant un léger mouvement circulaire, on peut faire tourner le vin dans le verre. On constatera alors des « jambes » le long du verre, ce qui indique la présence de tannins dûs au séjour du vin dans le bois. Dans notre cas, ce phénomène est assez faiblement perceptible, parce que le vin n’a pas séjourné dans des fûts neufs, mais dans de vieux foudres usagés.
Passons à l’aspect olfactif
Le Crama Regala exhale beaucoup d’arômes de fruits, surtout des petits fruits rouges. Au goût, il laisse du cassis sur la langue. Il est souvent difficile pour un néophyte de distinguer le cassis, parce que cette petite baie en grappe n’est pas cultivée au Canada.
On peut toutefois s’en faire une idée avec la liqueur de cassis (avec laquelle on prépare le fameux kir) ou les confitures du commerce. En pratiquant la rétro-olfaction, opération qui consiste à expirer par le nez le goût du vin dégusté, on arrive mieux à en cerner les arômes. On ressent enfin une bonne acidité franche du vin sur le côté du palais, les glandes salivaires sont titillées !
En finale, le vin apporte une bonne fraîcheur. Sur l’étiquette on peut d’ailleurs lire cassis, poivron vert et menthe. Moi je n’ai personnellement trouvé aucune flaveur de poivron vert dans ce vin, cette caractéristique se trouve surtout dans le Cabernet Franc. Il ne faut donc pas trop se fier aux indications de la rétro-étiquette.
En résumé, un vin à ne pas manquer, il risque de ne pas rester longtemps à ce prix-là. Il a d’ailleurs renchéri, depuis 2017, parce que de plus en plus de gens découvrent ce produit moldave.
À votre santé !