Québec: le racisme dans le système scolaire et les enfants
« Mon plus jeune (8 ans) me disait : maman, ce n’est pas correct d’être Noir. Pourquoi personne ne nous aime?», raconte Adrienne Charles, mère de deux enfants victimes de racisme et de discrimination à leur école, McCaig Elementary située à Rosemère (au nord de Montréal), du Centre de service scolaire Sir Wilfrid-Laurier qu’ils fréquentaient au cours de l’année scolaire 2016-2017.
«Tu es du caca parce que tu es noire.», «Je n’aime pas ton odeur.», «salle nègre, espèce de gorille», les enfants de Asha, une autre mère d’origine africaine, se faisaient aussi traiter de tous les noms à l’Académie Saint-Clément du Centre scolaire Marguerite-Bourgeoys, à Montréal, dans l’indifférence totale même des deux Centres de services scolaires.
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) vient d’exiger que les deux centres payent respectivement $ 65 000 et $ 30 000 à deux familles noires pour des incidents de racisme à l’endroit de leurs enfants à la suite de plaintes déposées par le Centre de recherche action sur les relations raciales (CRARR) en leurs noms.
« Cette décision établit une nouvelle norme pour toutes les institutions scolaires en ce qui concerne leur obligation d’agir avec diligence et imputabilité pour assurer un milieu scolaire sans racisme », note le directeur général du CRARR, Fo Niemi.
Selon la preuve recueillie par la CDPDJ, les représentants de ces écoles n’auraient pas appliqué les mesures prévues à leur plan de lutte contre l’intimidation et le harcèlement dans le suivi de ces incidents.
«Mon fils, ils le faisaient monter et descendre l’autobus en dernier, comme à l’époque de la ségrégation raciale aux É-U, sous prétexte de le protéger.»-Asha.
Même le chauffeur d’autobus scolaire a pris part au concert de racisme qui s’abattait sur ces enfants âgés de 8 et 11 ans à l’époque des faits. Il lui aurait dit: « si tu ne retournes pas t’asseoir, je te casse la gueule », alors que l’enfant était debout dans l’autobus scolaire.
Le dernier incident qui a fait déborder le vase de cette mère est lorsqu’elle avait été appelée par l’école pour venir chercher son fils à la suite d’un autre incident et qu’elle l’a trouvé enfermé dans une pièce fermée à double tour, dans le noir le plus total.
Elle décide alors de retirer ses enfants de l’établissement et faire l’école à la maison tout en sacrifiant ses études et sa carrière.
« Notre vie a été l’enfer pendant trois ans, au point où mon a fils failli perdre un œil et qu’il ne voulait plus aller à l’école et que j’ai dû mettre en suspension mon plan d’études et de carrière pour m’occuper de mes enfants.», dit-elle en conférence de presse.
Dans les deux cas, les écoles ainsi que les Centres scolaires ont minimisé les faits selon les témoignages des parents.
Mme Charles est allée jusqu’à la Commission scolaire, devenue aujourd’hui Centre de services scolaire, à la recherche de solution et elle a fait encore face à un déni implacable.
La présidente de la Comission scolaire de l’époque, Jennifer Maccarone, actuellement députée libérale à l’Assemblée nationale, avait qualifié la situation d’ « incident isolé »
Contrairement à Asha, Adrienne Charles n’a pu faire l’école à la maison pour ses enfants en raison de ses obligations. Les petits ont dû subir les insultes à l’année longue, ce qui avait des impacts psychologique pour eux selon la mère.
« C’était crève-cœur pour moi, tous les matins, de devoir envoyer mes enfants dans la fosse aux lions. »-
Adrienne Charles
« Notre vie a été l’enfer pendant trois ans, au point où mon a fils failli perdre un œil et qu’il ne voulait plus aller à l’école et que j’ai dû mettre en suspension mon plan d’études et de carrière pour m’occuper de mes enfants », dit Asha.
« La pire expérience a été de voir mon fils et ma fille continuer de souffrir à cause de la négligence et de l’inaction de la Commission scolaire face aux actes de racisme répétitifs. »
Fo Niémi du CRARR, organisme qui a aidé les deux mères à porter plaintes, dénonce le laxisme des deux Centres scolaires dans cette affaire de racisme à l’égard d’enfants noirs. Il parle même de racisme systémique dans les deux cas.
« Le racisme systémique n’est pas composé uniquement d’actes d’agression explicites mais aussi par l’inaction, ce qu’on appelle l’aveuglement volontaire, la banalisation. », dit-il.
Les deux centres de services scolaires n’ont pas acquiescé à la demande la CDPDJ dans le délai imparti, ce qui signifie automatiquement que les deux affaires iront devant le tribunal. Le CSS Marguerite Bourgeoys n’a pas donné suite à notre demande d’informations par courriels et par téléphone.