Québec: plus d’actes haineux, mais moins de plaintes
Peur, exclusion, violation des droits, les actes haineux notamment sur Internet et les réseaux sociaux sont en nette augmentation au Québec conclut une étude de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) qui permet de mieux documenter le phénomène et l’importance des conséquences de ces actes sur le plan humain et social.
Au total, 140 entretiens dont 86 avec des personnes qui se disent victimes de ces actes ont été réalisés par la CDPDJ dans le cadre de cette enquête. Des organisations et des corps de police à travers la province ont tété interrogés, ce qui permet d’établir un portrait plus juste de la situation.
«De nombreux actes haineux commis au Québec demeurent invisibles, malgré leur gravité. », observe Philippe-André Tessier, président de la Commission qui espère que le document servira d’outils au « gouvernement pour l’élaboration de politiques »
- 78% des actes subis par les victimes n’ont pas été rapportés à une autorité compétente.
Plusieurs obstacles ont été identifiés par les répondantes et répondants pour expliquer le faible taux de signalement. Ils évoquent, entre autres, la méconnaissance des recours, la minimisation de l’acte subi, le manque de confiance dans les institutions et le profilage racial de la part des services de police, eux-mêmes.
L’étude a été réalisée dans le cadre du Plan d’action gouvernemental 2015-2018 : La radicalisation au Québec : agir, prévenir, détecter et vivre ensemble. Lisez le résumé de cette enquête ICI
La Commission s’est concentrée sur les actes haineux fondés sur les motifs « race », couleur, origine ethnique ou nationale et religion et a rencontré 86 personnes disant avoir vécu ce type d’acte à caractère xénophobe ou islamophobe dans plusieurs régions du Québec.
« Dans un contexte où les actes haineux sont peu rapportés, nous avons voulu développer une compréhension sociale du phénomène. Au-delà des statistiques, nous en avons analysé la dimension humaine, d’autant plus que ces actes se cumulent souvent à d’autres expériences de discrimination, notamment systémique, en emploi, dans le domaine du logement ou de la sécurité publique. », déclare Myrlande Pierre, vice-présidente, responsable du mandat de la Charte de la Commission.
Le CRARR critique la Commission
Même si le Centre de recherche action sur les relations raciales (CRARR) félicite la Commission pour ce travail d’enquête, il demeure toutefois perplexe face l’omission de mention des rôles et des responsabilités du ministère de la Justice et de la Couronne au sujet de la poursuite judiciaire des auteurs d’actes haineux.
Ces organismes ont eux aussi leur part à jouer dans ce dossier plaide le groupe de pression.
Le CRARR note aussi le fait que la Commission se limite à un rôle de conseil et de coopération dans la mise en œuvre des mesures contre les actes haineux, mais qu’elle demeure silencieuse quant à son mandat d’assurer une protection effective aux victimes d’actes haineux.
Fo Niemi, directeur général du CRARR parle d’ « obstacles forts préoccupants au sein de la Commission dans le traitement des plaintes des victimes d’actes haineux » en évoquant des « délais excessifs » qui pourraient aller jusqu’à même 5 ans.
En entrevue à In Texto, Myrlande Pierre, vice-présidente de la Commission, avait annoncé tout un plan de modernisation au sein de la CDPDJ qui vise notamment une réduction des temps de traitement des griefs, soit 15 mois maximum pour des cas simple.
Le CRARR déplore également dans son communiqué le fait que la Commission n’accompagne pas adéquatement les victimes laissés-pour-compte.
M. Niemi ne prend pas le « le fait de laisser les victimes d’actes haineux aller seuls, sans représentation d’avocat et à leur frais, devant le Tribunal des droits de la personne, quand la Commission ne considère pas l’affaire comme étant «d’intérêt public».
Le CRARR représente actuellement devant la Commission, une dizaine d’enfants et de jeunes noirs et arabes victimes d’actes haineux, dont plusieurs en milieu scolaire, dont l’enquête dure depuis plus de deux ans et dans lesquels on ne prévoit pas de conclusion avant 2021