Québec: près de 100 établissements complices de l’exploitation sexuelle des mineurs
Le député de Viau, Frantz Benjamin, au mitan d'une escouade de lutte ( Juste pour Elles) contre l'exploitation sexuelle des mineurs de la Maison d'Haïti.
Au terme de 18 mois de travaux, la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs a déposé vendredi à l’Assemblée nationale son rapport unanime contenant 58 recommandations. Ces recommandations adoptées de manière transpartisane, visent à faire cesser l’exploitation sexuelle dont sont victimes les mineurs au Québec et dont une centaine d’établissement en seraient complices à travers a province.
Cette priorité s’explique, selon l’un des commissionnaires, le député de Viau, Frantz Benjamin, par le fait que l’enjeu touche l’ensemble de la société québécoise.
« Le proxénète se présente généralement comme un prince charmant pour séduire la jeune fille. Mais une fois tombée en amour, celle-ci va connaître toutes sortes de sévices, dont parfois le viol collectif.», se lamente l’élu de Viau-Saint-Michel.
Des centaines, voire des milliers de jeunes au Québec, majoritairement des filles, sont victimes de l’industrie du sexe qui rapporte des millions de dollars par année, dénonce le porte-parole de l’opposition officielle en matière de jeunesse.
Les filles, généralement, sont déplacées d’une région à une autre et subissent la loi de deux groupes distincts : d’un côté, les proxénètes et de l’autre les clients-abuseurs qui son des adultes.
Selon des témoignages recueillis par la Commission, une jeune fille (mineure) peut recevoir 10 à 12 clients par jour, ce qui peut générer pour le proxénète entre 3500 et 4000 dollars, se désole-t-il.
« C’est très difficile pour ces filles de sortir de l’enfer de la prostitution. Même lorsqu’elles arriveraient à s’en sortir physiquement, psychologiquement elles demeureront des personnes meurtries à vie »- F Benjamin.
Des projecteurs sur les clients-abuseurs
L’une des façons de casser le phénomène de l’exploitation sexuelle des mineurs est de faire baisser la demande, fait remarquer Frantz Benjamin qui déplore que trop souvent on néglige les clients-abuseurs qui profitent de ces services sexuels de mineurs.
« On parle souvent des proxénètes qu’on arrête. On les voit souvent dans les journaux. On parle moins des victimes. Mais on néglige vraiment trop les adultes, ces clients-abuseurs. Il faut commencer à allumer les projecteurs sur ces personnes pour les dénoncer, les arrêter et les inculper »,
recommande Frantz Benjamin
Présentant Montréal comme étant une plaque tournante de l’industrie du sexe, le député Benjamin rappelle que la demande augmente notamment lors de certains grands événements de l’année, comme la course de Formule 1 par exemple.
En ce sens, il appelle à une double vigilance. D’une part, du côté de l’État, en ce sens qu’il s’agit d’abord d’une responsabilité étatique en matière de justice et de sécurité publique. Et d’autre part, du côté des entreprises comme les hôtels, les motels, les restaurants, et de chaque citoyen en particulier.
« Autour de nous il y a peut-être des cas, des victimes. Il faut assumer notre responsabilité en les dénonçant.», encourage-t-il.
Des établissements complices
L’exploitation sexuelle des mineurs bénéficie de la complicité d’une centaine d’établissements dans l’ensemble du Québec, comme les salons de massage, les agences d’escorte et les bars danseuses, poursuit le parlementaire. Dans ces endroits, des services sexuels sont offerts illégalement, et les proxénètes arrivent souvent à fournir de fausses pièces d’identité aux filles, fait-il remarquer, invitant les responsables à exercer un contrôle plus strict dans ces milieux.
Des actions de prévention
Le rapport de 134 pages de la commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs tient compte également des travaux réalisés par des dizaines d’organismes communautaires qui sont dans la prévention.
C’est le cas, par exemple, de la Maison d’Haïti à laquelle la page 36 du rapport est consacrée. Les commissionnaires évoquent les programmes de sensibilisation et de prévention « Juste pour Elles » et « Projet Gars » menés par cet organisme communautaire basé dans le quartier Saint-Michel.
« Juste pour Elles » qui s’adresse aux jeunes filles (pas seulement des filles de la communauté haïtienne), permet à celles-ci de faire des apprentissages sur certaines thématiques comme l’hyper sexualisation, l’estime de soi, afin de renforcer leur personnalité pour pouvoir s’affirmer pleinement et correctement.
Quant à « Projet Gars », il apprend aux garçons les notions de base, comme celle du consentement. Par exemple, quand une fille dit : Non, il faut respecter le « Non » de la fille.
Ces programmes ont toute leur importance, se félicite le député de Viau, en ce sens que le combat contre l’exploitation sexuelle des mineurs nécessite à la fois de la prévention et de l’accompagnement. Cet accompagnement doit être donné par les groupes communautaires et les institutions sociales, selon certaines recommandations de la commission.
Les 58 recommandations touchent à la fois la justice, l’éducation, la sécurité publique, le social et les finances publiques (pour ce qui est des gestes concrets à poser).
Fruit de consultations de différentes personnalités, dont des policiers, des intervenants communautaires, des chercheurs, des experts et surtout de témoignages de nombreuses victimes, le rapport invite le gouvernement du Canada à durcir beaucoup plus le code criminel pour que les peines soient plus sévères contre les proxénètes, et que les clients-abuseurs soient punis davantage par la loi.
Le Conseil de la Magistrature est aussi invité à prendre toutes les mesures pour que des peines beaucoup plus sévères soient infligées aux coupables.
« Il faut envoyer un signal clair au niveau de l’ensemble de la société québécoise, pour dire : Tolérance zéro par rapport à l’exploitation sexuelle des mineurs », conclut Frantz Benjamin.
Dans une lettre ouverte signée le 5 décembre 2020 de concert avec ses collègues Christine St-Pierre, députée de l’Acadie et vice-présidente de la commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs; et Isabelle Melançon, députée de Verdun et porte-parole de l’opposition officielle en matière de condition féminine, le député de Viau, Frantz Benjamin, porte-parole de l’opposition officielle en matière de jeunesse, presse le gouvernement du Canada et du Québec de fermer le siège social de la plateforme « PornHub » basé à Montréal, qui diffuse des vidéos dévoilant des mineurs exploités sexuellement.
« Il y va de la vie et de la sécurité des jeunes, mais aussi de la réputation du Québec à l’échelle internationale », justifie le député.
Les parlementaires québécois ont pris cette décision, suite à une publication du New York Times relatant le fait.